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Royaume-Uni

Qui est Corbyn, le futur leader du Parti Travailliste ?

Alejandra Rios Le parti travailliste du Royaume Uni élit son prochain leader. Jeremy Corbyn, donné favori, éveille de nombreuses illusions dans des secteurs de la gauche européenne. Mais qu’y a-t-il précisément derrière cette « Corbynmania » ?

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Après leur performance désastreuse aux dernières élections générales du Royaume-Uni et au référendum écossais, les travaillistes choisissent maintenant leur nouveau leader. Le résultat final sera connu le 12 septembre. Andy Burnham, Jeremy Corbyn, Yvette Cooper et Liz Kendall sont les quatre candidats qui se disputent la lourde responsabilité d’avoir à recomposer un parti qui ne réussit pas à renaître depuis qu’en 2010, suite aux dures années de blairisme, il s’est éloigné chaque fois un peu plus de sa base militante pour devenir le porte-faix des intérêts capitalistes.

Les quatre candidats sont députés de Westminster et, Corbyn excepté, ont des postes élevés dans le parti, dans ce que le système britannique appelle les « ministres de l’ombre », c’est-à-dire les ministres du cabinet de l’opposition. Dans ces primaires internes s’applique pour la première fois un système de vote ouvert consistant en « 1 affilié ou sympathisant = 1 vote ». Auparavant, les leaders étaient élus par le vote de trois collèges électoraux : l’un composé des députés aux parlements britanniques et européens, le second regroupant les syndicats affiliés au parti travailliste (proportionnellement aux nombres de membres appuyant le travaillisme), et le troisième par les militants de base.

Pour la droite du parti, le fait de vouloir passer d’un vote collégial à un vote individuel est une manœuvre pour réduire le poids des syndicats dans la vie du parti, consistant à appeler au vote individuel de la classe moyenne. Mais ce qui est surprenant, c’est que cette manœuvre a eu un effet boomerang. Tout candidat, pour participer à la primaire, doit d’abord être nommé par au minimum 15% des députés de son organisation, et Corbyn a bien obtenu les 35 nominations nécessaires. Le candidat favori de la direction actuelle est Burnham, avec 68 nominations, suivi par Cooper avec 59 et Kendall avec 41. Mais la candidature de Corbyn, en contraste total avec les autres, a provoqué plus de 250.000 affiliations. En effet, pour voter, il fallait s’inscrire comme « sympathisant enregistré » pour la somme de 3 livres sterling (5 dollars).


Une ascension imprévue et un large soutien

Personne n’avait prévu que le nouveau système électoral serait un véhicule d’ascension pour Corbyn, ignoré par les hautes sphères du parti mais reconnu parmi les activistes syndicaux, dans les campagnes pro-migrants et la cause pacifiste. De la vieille tradition du travaillisme, il se définit comme un socialiste style Tony Benn et Michael Foot. Depuis 1983, il est député du district de Islington Nord à Londres, et depuis cette époque, sa base électorale s’est non seulement maintenue mais élargie. Avec une intention de vote de 57% aux primaires internes, Corbyn est l’actuel favori dans la course au poste de numéro un du parti. Les médias britanniques parlent de « Corbynmania » et essaient d’expliquer comment ce candidat, qui se déplace en vélo et transports en commun, qui préside la coalition Stop la Guerre, est un défenseur de la lutte du peuple palestinien, présent sur les piquets et prenant la parole dans quasiment toutes les actions convoquées par la gauche et le mouvement syndical, comment cet homme a réussi à faire chavirer le cœur de milliers de déçus du travaillisme.

Les meetings de campagne ont rassemblé des milliers de sympathisants dans les quatre coins du pays – 2000 à Londres, Leeds et Yorkshire, 1500 à Liverpool. L’Ecosse voit de nouveau exister le travaillisme. Au meeting de Londres, les jeunes qui ne pouvaient pas entrer se sont collés aux fenêtres pour pouvoir écouter son intervention.

Il est difficile d’attribuer ce succès à une seule cause. La candidature de Corbyn est vue par des dizaines de milliers d’activistes et de jeunes comme une voie pour exprimer leur mécontentement de la politique officielle du travaillisme. Cela fait partie du mouvement de refus contre les violentes coupes budgétaires et le démantèlement du service public, contre lesquels se sont mobilisés, le 20 juin dernier, plus de 500.000 personnes. On peut aussi sûrement y voir des restes du mouvement contre la guerre du 15 février 2013, lorsque plus de 2 millions de personnes occupèrent le centre de Londres.

Les syndicats ont certainement un poids dans ce phénomène : UNITE et UNISON, les deux plus grands syndicats du pays avec plus d’un million et demi d’affiliés ont chacun appuyé sa candidature. De même pour le PCS ( travailleurs du public), CWU (communications), RMT (transports ferroviaires et maritimes), ASLEF (machinistes), BFAWU (boulangerie et alimentation) et FBU (pompiers).


Une candidature populaire qui ébranle l’establishment , mais un programme light et sans marge de manœuvre

Un autre aspect est que, autant l’establishment politique que la droite de son propre parti ont déclenché une violente campagne contre lui. Certains médias de la presse libérale le comparent aux phénomènes Syriza et Podemos. Bien qu’il y ait de nombreuses différences si nous prenons en compte les origines, le parti travailliste créé par les syndicats en 1908 n’étant pas une formation récente, et Jeremy Corbyn étant loin d’être un nouveau venu, avec ses 32 ans au poste de député.

Les points communs sont dans l’alternative défendue, c’est-à-dire une campagne de maigres réformes mises en place par une politique keynésienne light. Le plan économique de Corbyn propose deux alternatives à l’austérité que vivent aujourd’hui les britanniques : la création d’une banque nationale d’investissements, se finançant en annulant les subventions et aides fiscales au secteur privé, et une proposition de « facilitation quantitative populaire », c’est-à-dire un programme d’infrastructures financées par le gouvernement via des fonds concédés par la Banque d’Angleterre. Il s’agit donc d’une politique ne rompant absolument pas avec la logique de l’économie capitaliste, mais qui propose au contraire de gérer l’Etat capitaliste de manière rationnelle.

Le dimanche 30 août, à onze heures de la clôture du vote pour 600.000 membres du parti travailliste, Tony Blair est reparti à l’attaque contre Corbyn. L’ex-premier ministre, dont les sympathies envers George Bush et la guerre anti-terroriste est bien connue, a déclaré que « celui qui sent que son cœur va vers Corbyn a besoin d’une transplantation ».

La vague d’inscriptions à partir de la candidature de Corbyn est sans aucun doute une expression du rejet de la classe politique et des politiques d’austérité. Et s’il gagnait, cela provoquerait à coup sûr un hécatombe politique. Mais ne nous faisons pas d’illusions, il sera impossible pour Corbyn de mettre en place son programme, pas même les plus petites réformes, dans le cadre du capitalisme.
Il est nécessaire d’établir un dialogue patient avec ceux qui placent leurs espoirs dans ce projet, pour les amener vers la nécessité de lutter pour une alternative d’indépendance de classe.


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