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Saturation des hôpitaux, circulation du virus : où en est-on de la crise sanitaire ?

« Continuer les efforts » ! C’est tout ce que trouve à dire le directeur général de la Santé Jérome Salomon ce lundi soir. Face à la résurgence brutale de la pandémie de Covid-19, le gouvernement guette les « frémissements » des chiffres de contamination et tente de persuader qu’il a l’épidémie sous contrôle. Pendant ce temps, les hôpitaux sont saturés et le confinement sur mesure sauvegarde à tout prix les profits du patronat au détriment d’une réelle politique pour endiguer la propagation du virus.

Adèle Chotsky

10 novembre 2020

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Ce dimanche, le ministre de la Santé Olivier Véran a estimé qu’il y aurait « une forme de ralentissement » dans la progression de l’épidémie de Covid-19 en France.
Si le nombre de nouvelles hospitalisations, notamment en Île-de-France, semble s’être légèrement infléchi, ces données ne rendent pas compte de l’état inquiétant de saturation dans les hôpitaux, avec des travailleurs de la santé épuisés, démoralisés et de plus en plus débordés, obligés de « choisir » et d’effectuer un tri entre les patients. Avec un système de santé toujours aussi mal préparé pour cette « deuxième vague » que pour le pic épidémique du printemps dernier, c’est la situation dans les hôpitaux qui est plus que préoccupante. S’il est encore trop tôt pour mesurer l’ampleur des effets des mesures récentes contre l’épidémie de Covid-19, il est certain que ce confinement « light » qui épargne les grandes entreprises a un effet bien insuffisant. Sauvegarder les profits des grosses boîtes en envoyant les travailleurs en première ligne, maintenir les écoles ouvertes alors qu’elles sont avec les lieux de travail des hauts lieux de contamination… jusqu’à quand cela pourra-t-il durer avant que la situation soit à nouveau hors de contrôle ? C’est un jeu dangereux auquel joue le gouvernement : « vivre avec le virus », continuer comme si de rien était… Bref, tirer le plus possible sur la corde en affichant une pseudo-maîtrise de l’épidémie, pour éviter que l’économie ne soit ralentie, en normalisant par là-même les contaminations et les morts qui eux existent bel et bien.

Nouveaux cas et hausse des chiffres hospitaliers

Au 9 novembre, l’Europe est redevenue ces dernières semaines l’épicentre de la pandémie, avec 12,6 millions de cas confirmés. La 2ème vague poursuit sa progression, et en France comme dans de nombreux autres pays ce n’est pas un confinement allégé et tardif en faveur des grandes entreprises qui va permettre de la stopper. On constate une hausse exponentielle des chiffres hospitaliers : 19 825 nouvelles hospitalisations ont été enregistrées sur la semaine écoulée, en hausse de quasiment 100% par rapport à la semaine précédente (10 914), dont 2 948 entrées en réanimation.
Le nombre total d’hospitalisations pour Covid-19 a dépassé les 30 000 et le nombre de patients en réanimation, s’il ne dépasse pas encore celui du printemps dernier, a atteint le chiffre de 4 690 personnes, ce qui est plus du double du nombre de personnes en réanimation à la date du 22 octobre. Depuis samedi, 271 malades du Covid-19 sont décédés à l’hôpital, selon les données de Santé publique France, pour un total de 40 439 morts depuis le début de l’épidémie.
Si les chiffres des hospitalisations sont un indicateur qui permet d’avoir une vision – bien que partielle – du nombre de personnes effectivement contaminées, il existe d’autres indicateurs pour se rendre compte de la dynamique générale de l’épidémie. En ce qui concerne la circulation du virus, elle est ainsi trois fois moindre au second confinement qu’en mars dernier (R0 à 1,4 contre 3), probablement du fait de la généralisation du port du masque et des gestes barrières. L’épidémie est cependant largement plus diffusée sur le territoire, avec toutes les régions métropolitaines touchées par la progression de la deuxième vague.

En direct ce lundi soir à 18h30, le directeur général de la santé, Jérome Salomon s’est félicité d’un « ralentissement » de l’épidémie. Et d’ajouter que « cela nous incite à continuer collectivement nos efforts ». Collectivement ? Il semblerait pourtant que ce soit toujours des mêmes que l’on exige des efforts. L’élément crucial qui diffère de la situation au printemps dernier, c’est en effet la nature du confinement nouvelle version mis en place par le gouvernement. Dans ses modalités mêmes, il est insuffisant pour lutter contre la propagation du virus, en épargnant des foyers de contamination importants : travail, écoles, transports. Tout cela pour éviter un trop grand impact sur l’économie et sur les chiffres d’affaires des grandes entreprises, qu’elles soient de l’industrie, du bâtiment ou de la grande distribution. En effet, la baisse d’activité des entreprises est de seulement 12 %, selon les chiffres de la Banque de France, contre 31 % en avril. Objectif rempli pour l’exécutif : diminuer l’impact par rapport à la 1ère vague… pour le patronat.
Le problème de ce confinement allégé c’est qu’il pourrait bien ne pas avoir les effets escomptés. Et voir la deuxième vague traîner en longueur.

Hôpitaux : la catastrophe annoncée

Jérôme Salomon a repris aujourd’hui l’argumentaire déjà développé par Olivier Véran en disant que « partout où ont été appliquées des mesures de freinage de l’épidémie, un ralentissement a eu lieu ». C’était aussi le discours de Martin Hirsch ce matin sur France Inter, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, parlant d’une « amorce d’infléchissement » des hospitalisations à Paris, affirmant que l’on peut « se réjouir d’avoir fait le couvre-feu ». Déjà, il faut faire preuve de la plus grande prudence vis-à-vis de ce supposé infléchissement. S’il y a réellement une inflexion, elle est cependant insuffisante. Deuxièmement, la position que semble adopter le gouvernement qui est de simplement dire qu’il faut « continuer comme ça » est révélatrice de la partition très cynique que celui-ci est en réalité en train de jouer. En jouant à l’apprenti sorcier, en laissant penser qu’il a une quelconque maîtrise de l’épidémie et qu’il suffirait de quelques « efforts » en plus, en qualifiant les mesures prises d’« encourageantes » tout en étant conscient que le pic de l’épidémie est devant nous, c’est avec nos vies qu’il joue. Cela revient à consciemment sacrifier la santé et la vie des milliers de personnes qui vont continuer à être touchées et à mourir du Covid-19, pour se conforter dans ce vrai-faux confinement et ne surtout pas toucher à l’économie.

Derrières les petits calculs des limites de débordements des hôpitaux que se fixe le gouvernement –76 % de taux d’occupation en réanimation, ou 31 % si l’on arrive à faire suffisamment de place ? – il y a des morts, le tri des patients non Covid qu’est obligé de faire le personnel soignant, le manque cruel et persistant de personnel et de moyens. Un tel débordement, quel que soit la façon de calculer, n’est pas à exclure au vu de l’évolution de la situation hospitalière. Faute d’embauches, malgré les miettes du Ségur de la Santé, le système hospitalier se retrouve plus démuni et impréparé que jamais face à cette seconde vague.

Les hôpitaux sont de plus en plus sous tension, la pression sur les services de réanimation continue de monter, avec ce dimanche 8 novembre l’admission de 323 nouveaux patients touchés par le virus en réanimation en 24 heures. Une situation qui se tend dans plusieurs régions, ce dont témoignent les premiers transferts de malades du Covid-19 au sein du pays. Notamment, depuis jeudi, vers l’Allemagne pour la région Grand-Est. L’agence régionale de santé d’Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé hier envisager un nouveau transfert de 200 patients

La question du taux d’occupation des lits en réanimation a fait l’objet de débats. D’une part parce que le gouvernement a évoqué, à travers Olivier Véran, le chiffre de 12 000 lits qui pourraient accueillir des patients nécessitant de tels soins. D’autre part parce que certains ont eu l’impression d’une exagération de ce taux d’occupation, « gonflé » pour faire accepter les mesures autoritaires gouvernementales. La réalité, c’est qu’il est actuellement question de faire de la place. Le personnel soignant est confronté à une saturation du nombre de patients atteints de formes grave de Covid-19 et relevant de soins en réanimation. « Je ne vois pas où on va pouvoir mettre tous ces patients » témoigne ainsi un anesthésiste-réanimateur.
Pour calculer le taux d’occupation, il faut prendre d’un côté le nombre de patients relevant des soins de réanimation, et de l’autre le nombre de lits disponibles en temps normal en service de réanimation (5400 fin 2019). Cet indicateur souffre de plusieurs limites, mais il permet de faire état de la pression exercée sur l’hôpital actuellement.
Le chiffre avancé par Véran est en réalité révélateur du cynisme de la gestion gouvernementale de la crise sanitaire. Plus ou moins de lits disponibles comme base à prendre en compte, cela signifie en fait plus ou moins de lits à prendre sur d’autres services (soins intensifs, blocs opératoires).
Convertir des lits en lits de réanimation, cela veut dire les convertir aux dépens d’autres patients.

Cette situation est le résultat d’années de suppressions de postes, de suppressions de lits. Interpellé par un médecin au micro de France inter qui soulignait « l’état de délabrement des services hospitaliers » dans lequel les soignants sont aujourd’hui obligés de faire face à la pandémie, Hirsch n’a été que mépris alors qu’il est un des principaux instigateurs de la casse de l’hôpital qui a lieu depuis des années.
Les conditions de travail, qui sont extrêmement dures face à la crise, sont en grande partie dues au sous-effectif. Au centre hospitalier Victor Provo de Roubaix, où plus de la moitié des lits en service de réanimation, soit 18 sur 30, étaient déjà occupés par des patients atteints du Covid, les soignants soulignent un manque de personnel depuis déjà plus de dix ans. Quant aux effets d’annonces d’ouvertures de lits par Macron, elles restent dans le vent sans renforts pour y faire face.
Face à la situation sanitaire qui s’aggrave et à des hôpitaux asphyxiés, il est plus qu’urgent d’imposer des moyens réels et des embauches sur tous les postes qui manquent dans les hôpitaux, alors que nombreux sont les soignants qui cumulent les CDD.


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