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Offensive sécuritaire sur les quartiers populaires

Signalement des « lieux de deal ». Darmanin criminalise les quartiers populaires pour justifier son offensive sécuritaire

Jamais en peine pour réprimer, le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin a lancé l'idée d'une plate-forme pour dénoncer les points de deal. Une mesure dans la droite ligne de la politique ultra-sécuritaire que le premier flic de France déploie avec la loi sécuritaire globale et la loi séparatisme.

Boris Lefebvre

23 décembre 2020

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Crédit photo : AFP PHOTO / Martin BUREAU

« Un point de deal, c’est une occupation illégale d’un espace. On doit réaffirmer que ce territoire appartient à la République et pas aux dealers » affirme Darmanin au Parisien ce dimanche, reprenant sans grande surprise sa rhétorique éculée pour parler des banlieues. Comme à l’été dernier lorsqu’il n’avait pas hésité à reprendre les mots de l’extrême-droite et parler de « l’ensauvagement d’une certaine partie de la société ». Darmanin, qui avait déjà annoncé la mise en place d’une amende de 200 euros pour l’usage de stupéfiant, veut prolonger la politique ultra-sécuritaire du gouvernement en direction des points de deal, après une séquence marquée par l’offensive du gouvernement sur la question du séparatisme et de la loi sécurité globale. La reconquête des « territoires perdus de la République » s’inscrit dans la droite lignée de la stigmatisation des quartiers populaires sur laquelle s’appuie le gouvernement pour désigner ceux qui seraient « les ennemis de la République » à abattre. L’objectif étant bien de justifier cette politique sécuritaire en menant une prétendue « guerre contre la drogue ».

D’ailleurs, dans l’esprit du ministre de l’intérieur, les thématiques sécuritaires et islamophobes ne sont pas éloignées et forment un continuum : « Notre politique, c’est celle de la transparence et des résultats concrets. C’est celle que je mène par exemple en rendant compte du nombre d’islamistes radicaux étrangers en situation irrégulière qui sont expulsés chaque mois. Il en est de même sur la lutte contre la drogue lorsque je donne mensuellement les chiffres des saisies de stupéfiants ou le nombre de trafiquants interpellés ». Islamisme, trafic de drogue, même combat pour Darmanin. Terrorisme et criminalité sont accolés comme le sont loi séparatisme et loi sécurité globale dans un amalgame complet qui privilégie les solutions répressives à tout va de Darmanin.

Ainsi, selon le ministre, près de 4000 points de deal recensés se verront contrôlés par la police et la gendarmerie dans l’objectif de démanteler la vente de stupéfiants. Le contrôle des territoires et des populations qui vivent en banlieue n’en sera que renforcé alors même que les quartiers populaires font déjà l’objet du contrôle des unités de BAC et subissent violences racistes et harcèlement policier au quotidien. L’application que Darmanin compte mettre en place via la plate-forme Moncommissariat.fr pour « permettre aux habitants de signaler les nouveaux points de deal ou les déménagements des dealers » s’inscrit dans cette logique sécuritaire méthodiquement déployée par le gouvernement. La Ligue des Droits de l’Homme, en la personne de Alain Doudiès son délégué, dénonce « une forme de délation qui peut aboutir à des représailles » dans le projet du ministre de l’intérieur.

Loin de lutter contre le trafic de drogues, cette volonté de mobiliser la population aux côté des forces de l’ordre est aussi une tentative de redorer le blason des forces de répression et satisfaire un électorat réactionnaire toujours prompt à saluer les mesure de force quand il s’agit de réprimer les quartiers populaires.

Dans les quartiers populaires les taux de chômage sont particulièrement élevés et beaucoup d’habitants occupent des emplois précaires faiblement rémunérés. Les habitants des quartiers populaires sont ainsi en première ligne de la précarité. La situation de crise sanitaire et de crise économique a d’ailleurs largement accentué cette précarité dans les quartiers populaires où beaucoup d’habitants continuent de subir des pénuries alimentaires. Lors du premier confinement on avait ainsi pu voir d’énormes files d’attentes lors de distributions de colis alimentaires organisées par des associations locales. Beaucoup de jeunes sont ainsi condamnés à se tourner vers le trafic de stupéfiants pour pouvoir tenir économiquement et aider leurs familles. A cette situation de pauvreté s’ajoute un quadrillage policier, des violences policières et racistes systématiques qui visent notamment les jeunes racisés des quartiers populaires.

Cela fait bien longtemps que la logique de répression et de « guerre contre le trafic de drogues » a montré son incapacité à lutter réellement contre les trafics de stupéfiants. Cette logique et ces mesures sert en réalité un agenda politique réactionnaire, qui, loin de traiter les causes profondes du trafic de drogue, vise à renforcer la répression et la stigmatisation des quartiers populaires.


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