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Réforme des retraites

Retraites. La droite défend une surcote pour les « mères » : une mesure nataliste et réac

En prétendant chercher à « rétablir l’injustice » de la réforme des retraites pour les femmes, la droite défend une surcote de 5% pour les mères qui auront atteint 64 ans et cumulé une carrière complète. Une mesure dérisoire, nataliste et réac.

Gabriella Manouchki

28 février 2023

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Ce mardi, après une semaine de pause, le débat parlementaire reprend avec l’arrivée de la réforme des retraites au Sénat. Alors que la droite y est majoritaire, le gouvernement a préparé de longue date son alliance avec LR pour faire passer la réforme. Ce samedi, Macron donnait déjà le ton du débat : « Je souhaite que le Sénat puisse enrichir le texte » sur la réforme des retraites « avec ce qui lui paraît utile ».

Tout en cherchant à durcir le projet de réforme, la droite entend bien saisir l’occasion de se positionner en « grand défenseur » des femmes. « Le recul de l’âge de départ à 64 ans annule les trimestres de majoration que ces mères ont acquis au titre de leur maternité. C’est une injustice que nous allons réparer », prétendait ce samedi Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, ajoutant que « le gouvernement n’aura pas l’aval du Sénat sans mesures fortes pour les mères de famille ».

Si la proposition n’est pas encore aboutie, ses principaux contours ont été dévoilés ces derniers jours : Les Républicains et L’Union centriste devraient déposer un amendement visant à mettre en place « une surcote de 5 % pour les mères de famille ayant atteint une carrière complète et l’âge légal ».

Le ministre du travail, ménageant son allié à droite a déjà fait part de sa position : « Nous sommes d’accord et ouverts (…) Peut-être que la surcote est une bonne mesure », a-t-il annoncé sur BFM, écartant la retraite anticipée à 63 ans pour les mères de famille qui était la seconde option envisagée par Retailleau. « Avoir des âges de départ différenciés entre les femmes et les hommes ce n’est pas très juste », a-t-il expliqué – une considération qui semble ironique quand on sait que les femmes partent plus tard à la retraite que les hommes du fait des inégalités structurelles.

Cette proposition de surcote présentée comme « compensatoire » est un nouveau crachat de la droite et du gouvernement au visage des femmes. Adressée seulement aux mères de deux à trois enfants, elle correspond à 1,25 % de surcote pour chaque trimestre remis par enfant au titre de la maternité, avec un plafond de quatre trimestres, ce qui fait 5 % comme l’explique Retailleau. Une augmentation de pension dérisoire, insultante tant elle est loin de compenser les interruptions de carrières et les faibles salaires liées à la grossesse, à la maternité et à l’éducation des enfants.

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Pire : cette surcote serait conditionnée au fait d’avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite et d’avoir cumulé une « carrière complète », c’est-à-dire 43 annuités à terme. Or, comme les organisations féministes s’acharnent à le répéter depuis le début du mouvement contre les retraites, la notion même de carrière complète est la principale raison pour laquelle les femmes sont pénalisées par le projet de réforme : précisément parce qu’elles ont des carrières hachées, elles ne peuvent souvent « compléter » leur carrière qu’à 67 ans, quel que soit l’âge légal de départ à la retraite. C’est d’autant plus vrai pour les femmes qui ont eu la charge de plusieurs enfants. Ainsi, les femmes concernées par cette mesure ne pourront toucher ce « bonus » qu’au moment où leur corps sera déjà brisé par le travail.

Finalement, cette mesure n’a qu’une vocation symbolique. En prétendant faire un geste envers les « mères de familles » en réponse aux critiques féministes contre le projet de réforme, LR entend profiter de la tribune que lui offre le gouvernement pour affirmer sa vision profondément conservatrice du rôle des femmes dans la société : « Ce sont elles qui consolident le régime par répartition en participant au renouvellement des générations ». Autrement dit, elles doivent procréer pour fournir une force de travail pour la « nation ».

Une vision profondément patriarcale, que le chef de file des Républicains n’a pas hésité à mobiliser contre les personnes immigrées à travers l’idée d’une préférence nationale : « L’extrême gauche a raison sur un point : oui la question démographique est une question idéologique, car pour financer un régime par répartition, c’est soit plus d’enfants, soit plus d’immigrés. La droite fait clairement le choix de l’enfant, qui dans toutes les sociétés a toujours été le symbole de l’avenir. »

Avec cette mesure loin d’être favorable aux femmes, la droite et le gouvernement entendent une nouvelle fois instrumentaliser la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes au profit d’un projet contre l’ensemble de notre classe, et en premier lieu contre les femmes. Derrière cet enrobage « idéologique », une telle mesure ne ferait que renforcer le projet du gouvernement pour les femmes : face à la précarité et aux inégalités, elles n’ont qu’à travailler plus pour gagner plus, même si cela les conduit directement à la tombe.

Pour faire reculer la droite et le gouvernement sur la réforme des retraites, mais aussi pour imposer notre propre vision de la société et de la place que nous souhaitons y occuper, l’heure est à la préparation des 7 et 8 mars prochains : ce doit être le point de départ d’une grève politique et reconductible, posant les bases d’un tout autre projet pour nos vies.


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