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Université Savoie Mont-Blanc

Témoignages d’étudiants en galère : la réalité des examens post-confinement

Le 11 mai, date de fin du confinement, a été aussi la date de début ou de rendu d’examens pour bon nombre d’étudiants, suite au refus d’une validation automatique du semestre. Les étudiants de l’Université Savoie Mont-Blanc (USMB) à Chambéry ont eux aussi passé leurs examens, ce qui les a parfois plongés dans une situation très difficile. Trois d’entre eux témoignent.

Clémence Vilert

21 mai 2020

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Il y a quelques semaines, la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal déclarait ne pas vouloir « brader » les diplômes, mettant une fois de plus en avant les politiques élitistes du gouvernement. Une à une, les universités ont donc appliqué un programme pour que les examens aient lieu, de façon aménagée, en allant même à l’encontre de certains votes démocratiques établis en CFVU. A Chambéry, malgré les protestations d’enseignants et d’étudiants, dont certaines se sont organisées dès le début du confinement pour faire le point sur la situation des étudiants à l’aide d’un questionnaire en ligne, l’USMB n’a pas dérogé à la règle et a choisi de recourir à des examens en ligne, à des oraux par visioconférence et à des rendus de devoirs maison, laissant des étudiants en grande difficulté face à une charge de travail interminable, notamment quand ils ont un boulot salarié à assurer, le tout en jonglant avec des aléas de connexion. Trois étudiants de l’USMB ont voulu partager leur quotidien et leur situation dans cette période charnière de leur année et nous montrer le bilan des fameux aménagements censés garantir une égalité pour toutes et tous.

Manon : deux boulots, une connexion fluctuante et des consignes qui changent au dernier moment

Manon est en troisième année de licence de sociologie. Elle a décidé, suite à l’annonce du confinement, de rentrer chez ses parents – comme beaucoup d’étudiants qui le pouvaient. Habitant en campagne, elle dispose d’une connexion internet très aléatoire : la continuité pédagogique est alors apparue comme un réel frein pour rester au même niveau que les autres étudiant. En plus de son mémoire et des DM à rendre, travaux sur lesquels elle essayait de prendre de l’avance, Manon a continué à travailler avec une garde d’enfants de 18h par semaine avant d’entamer, lundi 11 mai, un travail de mise en rayon, cumulant donc 55h de travail. En parallèle, les consignes de certains devoirs ne cessent de changer : de 1700 mots au départ, l’un des DM demandé s’est transformé en devoir de 3500 mots, et ce alors que pour Manon, le devoir était bouclé depuis longtemps. Un échange avec l’enseignant concerné lui a bien fait comprendre qu’elle pourrait être pénalisée, car elle n’atteint pas le minimum de mots demandés.

En discutant avec ses professeurs par mail pour obtenir un renseignement, elle a exposé sa situation. Certains professeurs lui ont dit « s’interroger sur la nécessité de prendre un emploi pendant la période d’examen ». Mais pour Manon, l’engagement auprès de la grande distribution était fixé depuis septembre : d’après le calendrier de l’année universitaire prévu avant la pandémie, l’interruption d’été devait commencer dès début mai. Comme Manon le souligne, « la vie ne s’arrête pas et il faut aussi partager les tâches quotidiennes. Je vais sûrement devoir poser des congés pour les rattrapages alors qu’en 3 ans j’ai toujours validé sans y aller. Et c’est mon inscription en master qui entre en jeu. » Autant d’inquiétudes et d’anxiété maintenues au nom de la sacro-sainte « valeur du diplôme ».

Angélique : une surcharge de travail sans espace pour le réaliser

Angélique est elle aussi étudiante à Chambéry en L2 de sociologie. Elle a passé les 55 jours de confinement dans la maison de ses parents. Voici la description qu’elle donne de son vécu :
« Nous sommes 4 avec mes parents et mon frère aîné dans une maison avec une seule chambre (pour mes parents). Je dors dans une petite mezzanine, sans porte me séparant de l’espace commun de la maison. Dans cet espace, j’ai uniquement un petit bureau où je pose mon ordinateur et je suis obligée de travailler sur mon lit pour avoir un minimum de confort. Pour faire les travaux de groupe demandés par la fac, j’étais obligée d’assister à des séances de travail en visioconférence. J’ai également eu un partiel de langue en ligne et un oral comptant dans l’évaluation finale du semestre. Mon père devait faire du télétravail et on s’est donc réparti l’occupation de la chambre avec un planning informel.

Au-delà des conditions de travail, j’ai conscience d’avoir la chance de ne pas être seule… mais autant dire que passer 55 jours dans un petit espace avec ma famille, c’est assez éprouvant émotionnellement et psychologiquement parlant ! Je pensais pouvoir souffler (au-delà de ma promenade quotidienne avec mon chien) à partir du 11 mai. Mais pour moi, le déconfinement ça n’a absolument rien changé : je dois rendre 7 travaux pour l’université, qui considère pourtant avoir fait des « efforts », pendant les quinze jours qui vont venir. »

Chloé : panne d’ordinateur et anxiété généralisée

En plus des problèmes matériels, l’état psychologique des étudiants a été fortement impacté, comme l’évoque Chloé, étudiante en L1 de langue qui, malgré un semestre allégé, a rencontré des difficultés importantes.

« J’ai passé 2 mois confinée avec mes colocataires, sans vraiment de conditions adéquates pour travailler, car l’ambiance n’était pas toujours calme et propice au travail. La veille d’un oral d’allemand, mon ordinateur m’a lâchée et j’ai dû en racheter un en précipitation, en me faisant prêter de l’argent par mon frère faute d’emploi actuellement, pour pouvoir passer mon épreuve, tout en jonglant avec une connexion irrégulière, car nous étions 3 sur la même box. J’ai perdu mon travail à cause du confinement mais heureusement j’avais un peu d’avance et la bourse a continué à être versée, j’ai eu de la chance pour l’aspect financier. Les examens dans ces conditions n’ont fait qu’aggraver une anxiété déjà présente en temps normal, mais qui devient handicapante du fait des dates butoirs, mais plus généralement face à la crise sanitaire et l’inquiétude qu’elle génère. Malgré les aménagements, les examens raccourcis, la possibilité d’avoir ses cours à côté pour s’aider – il ne faut pas être dupe – j’ai eu beaucoup de mal à trouver la concentration pour rester focalisée sur mes examens, pour les rendre à temps et je n’ai pas honte de dire que certains ont été « bâclés » car j’étais préoccupée par la santé de mes proches et occupée à lutter contre la morosité que le confinement apporte. »

Mais ce ne sont malheureusement pas les seuls problèmes que l’on peut rencontrer : en effet, l’usage inhabituel du numérique entraîne d’autres conséquences. Pour une promo d’étudiants en histoire, une fausse manipulation dans un envoi de mail par un étudiant, qui a transmis son devoir non seulement à l’enseignant, mais aussi à tous ses camarades, a causé l’annulation de cet examen et l’obligation de recommencer l’épreuve.

La ministre, dans un courrier à destination des étudiants, a affirmé que les services du ministère et les établissements étaient « entièrement mobilisés pour que tout se déroule dans les meilleures conditions possibles, dans le respect de l’équité et des exigences sanitaires ». Ce n’est visiblement pas le cas quand on voit combien d’étudiants restent incapables de se nourrir correctement ou de payer leur loyer, et pour qui s’ajoute probablement en plus l’échec de la validation cette année. Face à ces nombreuses situations différentes, la solution, malgré ce qu’affirme Frédérique Vidal, aurait été la validation automatique pour tous, seule mesure garantissant véritablement l’égalité. Tout le reste ne fait que privilégier l’élitisme.


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