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Blanquer, on veut pas bosser pour toi !

Toulouse : Dans l’éducation, une journée de "grève, blocage, manif’ sauvage" !

La révolte gronde dans l’éducation nationale. Face aux attaques qui pleuvent sur l’école publique, les mobilisations d’enseignants se multiplient. Blocage du rectorat, manifestation sauvage, et des profs remontés : retour sur la journée de mobilisation du 4 avril à Toulouse.

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Face aux réformes Blanquer, réforme du lycée, du bac et une loi dite pour une « école de confiance », les lycéens et les enseignants du premier et second degrés se mobilisent depuis plusieurs mois. Divers moyens d’action sont mis en place depuis le début de l’année, journées de grève et de manifestation, occupation des établissements lors de « nuits des lycées », blocage des bacs blancs, démission des professeurs principaux, notation unique à 20/20... La révolte gronde dans l’éducation nationale alors que ce secteur du monde du travail semblait plutôt en peine après des défaites qui ont pesé sur le moral en 2003 et en 2010 : la loi Blanquer semble avoir sonné le renouveau des luttes des enseignants !

Parmi les enseignants, il y a clairement une frange qui va vers plus de radicalité...

Cette journée du 4 avril était particulièrement attendue et pressentie comme une forte journée de mobilisation ce qu’elle a démontré dans les faits. Un appel national à bloquer les rectorats a circulé et les fédérations CGT, FO, FSU et Sud appelaient à manifester. A Toulouse, les grévistes avaient déjà bloqué le rectorat il y a deux semaines, où les forces de répression avaient massivement gazé les manifestants, des images qui ont largement choqué : « ils ont gazé comme s’ils arrosaient leur jardin ! » s’exclame un des soutiens présent et gazé avec les profs.
Un choc resté gravé dans la tête de nombreux profs qui ont aussi placé ce rassemblement sous le signe de la dénonciation de la répression. Les quelques 250 grévistes présents dès 6h45 pour bloquer les accès du rectorat, soutenus par des personnels de la fac du Mirail, des étudiants, des lycéens et des gilets jaunes, ont rappelé à plusieurs reprises cet épisode ainsi que leurs revendications : retrait de la réforme Blanquer et son projet de loi sur l’école de la confiance, fin de ParcourSup, stop à la réforme du lycée et non à la remise en cause du statut de fonctionnaire prévu dans le rapport CAP22, pour la titularisation des précaires et l’ouverture de places pour embaucher des titulaires.

C’est qui le casseur ? - C’est Blanquer le casseur ! - C’est qui sa complice ? - C’est la rectrice ! - Qui cassent l’école et gazent pour nous faire taire !

Dans une ambiance festive, avec chants, slogans, et même une gazeuse géante en carton qui a aspergé le rectorat, les grévistes ont rappelé tout ce qui fait aujourd’hui les attaques contre l’école publique. Les classes surchargées, l’emploi toujours plus systématiques de contractuels particulièrement exploités, les conditions de travail qui se dégradent et les salaires qui n’augmentent pas malgré l’inflation ! La réponse du gouvernement ? Le retour à l’école-caserne, un embrigadement des élèves dès le plus jeune âge aux nobles valeurs du nationalisme guerrier, le retour du roman national, des profs payés au mérite, considérés comme des matons qui doivent obéir au doigt et à l’oeil et bien entendu la fermer ! Dans le même temps, Macron et son caporal Blanquer déroulent le tapis rouge au privé, tant dans les programmes que tout au long du parcours scolaire (des jardins d’enfants à la place de la maternelle jusqu’au « bachelor » privés pour concurrencer les licences !).

...Tout en rassemblant un maximum de monde

Avant la manifestation de 14h, près de 200 grévistes se sont retrouvés en Assemblée Générale à la Bourse du Travail, afin de décider de manière démocratique par l’organe de la base, des suites du mouvement. Bilan de la journée, une soixantaine d’écoles primaires toulousaines sont fortement touchées par le mouvement de grève, qui concerne environ 30 à 40 % des personnels du premier degré. Lors des débats de l’AG sont rappelées les difficultés des conditions de travail. La contractualisation en hausse constante qui concerne désormais un quart des personnels de l’éducation nationale, la nécessité de lier une lutte globale à celle de ces personnels, notamment les AESH (Accompagnants d’Enfants en Situation de Handicap). Un collectif de précaire, le collectif JPP31 (J’en Peux Plus) pour faire entendre les voix des contractuels de l’éducation nationale, véritables variables d’ajustement du budget du ministère. Ceux-ci avaient revendiqué l’obtention de la prime Macron au rectorat : leur demande a été reçue avec un mépris tout à fait représentatif de l’état d’esprit des élites envers celles et ceux qui font tourner l’école au quotidien.

La manifestation qui a rassemblé autour de 2000 personnes à 14h à Arnaud Bernard pour un trajet classique jusqu’au monument aux morts à François Verdier a illustré ce regain de radicalité du corps enseignant. Parmi les manifestants, un cortège combatif a joué un rôle moteur, à la fois dans l’animation mais aussi en entraînant l’ensemble des manifestants au-delà du parcours accepté par la préfecture. Le parcours déposé prévoyait de marcher jusqu’à St-Cyprien en passant par la rue de Metz, ce que la préfecture refuse systématiquement depuis plusieurs années et que les gilets jaunes ont radicalement remis en cause à partir de novembre. N’acceptant ni l’autoritarisme d’un Blanquer, ni celui des recteurs ou autres gardiens d’un ordre austéritaire, les grévistes ont refusé de suivre la légalité préfectorale, expression d’un pouvoir qui se permet de dire à ceux qui veulent le combattre où et quand ils ont le droit de marcher !

On y va, on y va ! Même si le préfet veut pas, nous on y va ! Pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur, même si le préfet veut pas nous on y va !

Ce cortège festif et combatif a donc pris la tête de la manifestation jusqu’à St-Cyprien où les forces de répression ont montré les crocs, les matraques, les gazeuses et les boucliers ! Un degré de radicalité inhabituel dans les manifestations classiques des travailleurs de l’enseignement qui s’explique, en partie par la répression qu’ils ont subi au rectorat il y a deux semaines, mais aussi, et surtout, comme nous le confiait un instituteur gréviste, lié aux modalités d’action et à l’insubordination des gilets jaunes qui ont su remettre en question le fait même de déposer des parcours en préfecture.

Une démonstration de radicalité, en petit, qui doit donner l’exemple, en grand, à l’ensemble du monde du travail et à ses organisations : face à un gouvernement qui s’enferme dans une escalade répressive tant sur les conditions de travail, de vie qu’en attaquant en justice ou physiquement celles ceux qui se lèvent pour lutter, l’heure n’est plus au « dialogue social », aux compromis ou à la demi-mesure !

La nécessité d’élaborer un plan d’action !

Face à Macron et aux intérêts qu’il représente (les secteurs de la bourgeoisie qui voient d’un très bon œil l’ouverture au marché du secteur de l’éducation), c’est aujourd’hui la question d’un plan d’action qu’il faut poser. L’AG a décidé d’appeler à la grève jeudi prochain et le suivant (les 11 et 18 avril) dans la perspective de préparer également le 9 mai. Face à un gouvernement qui a prouvé lors des luttes d’envergure nationale passées (Loi Travail XXL, Pacte ferroviaire, mouvement étudiant contre la sélection) qu’il faut développer des moyens d’action radicaux pour gagner, il faut augmenter le rapport de force et élargir la mobilisation.

Le mouvement actuel présente de nombreuses forces dont les mouvements précédents n’ont pas forcément bénéficié. Tout d’abord de par sa structuration dans l’unité entre syndiqués et non-syndiqués pour que la grève appartienne et soit prise en main par tous les grévistes, par ses revendications (le retrait sans négociation ou amendement de la réforme Blanquer) mais également car le pouvoir est dans un état de déstabilisation accrue par rapport au printemps dernier. Localement, les prémisses de liaison dans la rue le samedi avec les gilets jaunes sont en ce sens un élément particulièrement intéressant qu’il faudra amplifier. Mais la question des convergences se pose aussi la semaine. A Toulouse, les luttes dans le service public sont fortes que ce soit aux finances publiques (où les grévistes luttent depuis plusieurs mois, certains étant aujourd’hui assignés au tribunal administratif !) ou dans la santé, secteur en surchauffe à Toulouse et à l’échelle nationale où les grèves se multiplient mais de manière désordonnée. Tous ces secteurs ont une portée hégémonique évidente pour tisser des liens avec d’autres professions, voire avec l’ensemble de la population (Blanquer se voit obligé de monter au créneau pour empêcher que les profs informent les parents !) et en tirer un profond soutien, vers un « tous ensemble » des services publics avec la conviction déjà partagée par un grand nombre que les attaques ne sont pas corporatistes mais viennent d’un même gouvernement et touchent tous les secteurs du mouvement ouvrier et de la population.
Ce constat d’une brèche pour construire de manière interprofessionnelle un printemps qui commence à se réchauffer face aux attaques historiques contre l’éducation nationale et la fonction publique, et face aux attaques anti-démocratiques (Ouvrir une école, c’est fermer une prison ! État policier s’en est assez ! chantaient les grévistes) mais aussi en prévision de celles à venir contre les retraites et la sécurité sociale, pose la question de la grève reconductible pour concentrer les forces et ne pas les épuiser sur des dates éclatées. La grève reconductible c’est aussi le moyen de se libérer du temps pour se tourner vers les autres secteurs, discuter avec les collègues qui hésitent encore. Fournir un plan d’action ambitieux c’est aussi proposer des perspectives réalistes, contre le scepticisme ambiant, à celles et ceux qui ne peuvent pas se permettre de perdre des journées de salaire pour une journée sans lendemain mais qui ressentent dès aujourd’hui la nécessité de se battre. La mobilisation des enseignants contient, en germe, des perspectives très enthousiasmantes pour faire reculer le gouvernement. La répression administrative (mais aussi policière comme il y a deux semaines à Toulouse) contre le mouvement fait transparaître la peur de celui-ci de voir s’ajouter à la situation de crise qu’il traverse un mouvement d’ampleur dans l’éducation alors que la fin d’année et les examens approchent. Là est l’arme des grévistes de l’éducation !


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