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Racisme d'État

Toulouse. Malgré les manœuvres des autorités, pour les mineurs étrangers, « le combat continue ! »

Depuis l'évacuation des 150 mineurs étrangers isolés du campement des allées Jules Guesde le 20 septembre dernier, une quarantaine d'entre eux se trouve encore sans logement et ce chiffre augmente chaque semaine. Malgré les manœuvres des autorités, la mobilisation pour un hébergement collectif et la fermeture du DDAEOMI continue.

Arno Gutri

18 octobre 2022

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En évacuant le campement des 150 jeunes du campement des allées Jules Guesde le 20 septembre dernier pour les rediriger vers des solutions de relogement partielles et individuelles, les autorités locales (mairie, conseil départemental et préfecture) avaient un objectif : invisibiliser les conséquences de leur politique raciste. Les tentes ont disparu du centre-ville, mais le combat des mineurs isolés étrangers (MIE) du collectif AutonoMIE et des personnes qui les soutiennent est toujours d’actualité. En effet, depuis l’évacuation du campement, une quarantaine de jeunes ont déjà été mis à la rue par le DDAEOMI (Dispositif départemental d’accueil, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés), l’organisme chargé de l’évaluation de la minorité des jeunes étrangers arrivant sur le territoire français, qui dépend du Conseil départemental. Ces quarante jeunes seront bientôt rejoints par d’autres : chaque semaine, une dizaine de mineurs étrangers sortent du DDAEOMI sans solution d’hébergement.

Afin de poursuivre le combat contre le tri des mineurs étrangers, une soixantaine de personnes s’étaient réunies mercredi 12 octobre devant les bureaux du Conseil départemental de la Haute-Garonne, scandant « Non à la discrimination ! Non au racisme ! ».

« On ne va rien lâcher »

Dans le texte d’appel au rassemblement, le ton était donné : « Pour nous, jeunes, soutiens militant.es, le combat continue. Tant qu’aucun dispositif de prise en charge durant leur recours n’est créé, tant qu’il n’y aura pas présomption de minorité, AutonoMIE continue. (…) On ne va rien lâcher, pour tous ceux qui sont hébergés mais pas suivis, et pour tous les nouveaux qui seront mis à la rue par le DDAEOMI. » Le collectif AutonoMIE, créé en 2016 pour répondre à l’afflux de mineurs étrangers mis à la rue en conséquence de la création du DDAEOMI, montre ainsi que malgré le rouleau compresseur médiatique et politique qui tente de délégitimer et diviser la mobilisation, les jeunes sont déterminés à se battre pour obtenir la satisfaction de leurs revendications.

Devant le Conseil départemental, ils ont pris la parole pour dénoncer le fait d’être mis à la rue, qui plus est sur la base d’évaluations racistes effectuées par le DDAEOMI. Ils ont rappelé leurs revendications principales : une prise en charge collective et la fermeture du DDAEOMI. Feignant l’ouverture au dialogue en réponse à la mobilisation, le Conseil départemental a reçu une délégation de trois jeunes et trois membres d’associations. Sans surprise, il nie toute responsabilité et se cache derrière les rapports du dispositif précisément mis en œuvre pour appliquer la politique réactionnaire de l’Etat à l’égard des mineurs étrangers : le DDAEOMI.

Au DDAEOMI, le racisme d’État jette les jeunes étrangers à la rue

Depuis la mise en place du DDAEOMI en 2016, « les contestations de minorité ont explosé à Toulouse : alors qu’avant, 80% des mineurs étaient reconnus comme tels, aujourd’hui c’est 80% des minorités qui sont contestées », nous expliquait récemment Anita Bouix, avocate spécialisée en droit des étrangers. Le DDAEOMI entretient une « logique du soupçon » permanente vis-à-vis des jeunes en se basant sur des évaluations aux critères totalement arbitraires (observations des comportements, récits de vie…) qui perpétuent des stéréotypes racistes [1], allant jusqu’à effectuer des tests osseux traumatisants et unanimement condamnés. La conclusion de ces évaluations est quasi toujours identique : la non-reconnaissance de minorité des jeunes. Avec pour conséquence leur mise à la rue. Une politique raciste qui permet également de faire des économies budgétaires sur la prise en charge de jeunes étrangers arrivant sur le sol français. Pour toutes ces raisons, la revendication de la fermeture du DDAEOMI est une nécessité.

Le relogement individuel, présenté par la préfecture comme une solution pour les jeunes du campement des allées Jules Guesde, n’a fait que les isoler des associations qui effectuent leur indispensable suivi sanitaire, scolaire et administratif. Certains se sont retrouvés dans des villes à 40 minutes de Toulouse, sans argent et sans possibilité de se déplacer. C’est pour éviter cet isolement et favoriser l’entraide du groupe que les jeunes réclament une prise en charge dans un hébergement collectif, que la mairie refuse de fournir malgré les 29 000 logements vides que compte la ville

« [Les autorités locales] ont peut-être éclaté le collectif, mais [elles] ne peuvent rien contre l’acquis de la lutte en termes de conscience. Et ça, ça va se recréer », nous expliquait récemment Benjamin Francos, avocat spécialisé dans le droit des étrangers. Alors que le nombre de jeunes mis à la rue par le DDAEOMI augmente chaque semaine, ses mots résonnent aujourd’hui avec justesse. En effet, cette lutte témoigne de la combativité et de la radicalité des jeunes d’AutonoMIE. Le collectif l’a déjà prouvé en obtenant de la mairie la mise à disposition d’un bâtiment puis des relogements individuels : aucune avancée, même partielle et précaire, n’est possible sans l’instauration d’un véritable rapport de force avec les autorités locales. Pour cette raison, les organisations politiques et syndicales de Toulouse doivent rejoindre le combat des jeunes d’AutonoMIE. « Je pense qu’on peut se donner rendez-vous dans quelques mois, avec les mêmes problématiques qui vont se poser », poursuivait Benjamin Francos. Le rendez-vous est pris.


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