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#Payetonconfinement

Travailleur au black dans la restauration, je ne sais pas comment je vais payer mon loyer ni payer mes courses

Militant à Révolution Permanente et étudiant à la Sorbonne, Simon fait partie de ces milliers de travailleurs au black qui ont été renvoyés du jour au lendemain. Coup de gueule d’un de ces travailleurs laissés sur le côté de la route, qui subissent la crise économique du coronavirus de plein fouet.

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Crédits photo : PHILIPPE DESMAZES / AFP

Je suis étudiant en deuxième année de philosophie à la Sorbonne, comme beaucoup d’autres, je suis obligé de travailler à côté de mes études pour payer mon loyer, mes courses et comme la majorité des étudiants j’ai du prendre un travail précaire, au black, mon patron refusant de me déclarer. En période normale déjà cette situation était difficile, mes services durant souvent plus de quatorze heures de suite. De plus, il a souvent été difficile pour moi de me faire payer, devant attendre le bon vouloir de mon patron et me retrouvant ainsi souvent pendant un mois non payé, obligé d’emprunter de l’argent à mes collocs, à mes amis ou à ma famille pour payer mon loyer et mes courses alimentaires. Il est aussi bien sûr plus difficile de réussir ses études, lorsque l’on travaille entre quinze et vingt-cinq heures par semaine à côté. Je suis souvent fatigué, et je ne peux pas me permettre de rater un service, malade ou non, ayant besoin toutes les semaines de cet argent.

Le coronavirus a encore empiré la situation dans laquelle je me trouvais. Sans sécurité de l’emploi, ni travail déclaré, c’est sans argent que je me retrouve. Les dispositifs du gouvernement concernant les arrêts de travail ne concerneront aucun travailleur au black, on est simplement abandonnés. Mon cas n’est pas isolé, aujourd’hui, la grande majorité des travailleurs étudiants sont contraints de prendre les pires boulots, certains risquant leur vie en travaillant pour deliveroo ou ubereats, d’autres, comme moi, travaillant au black dans la restauration. Nous ne pouvons nous permettre de rater des jours de travail, n’ayant ni congés payés, ni sécurité de l’emploi. Le confinement a mis toute une partie des travailleurs les plus précaires au chômage technique, et le coronavirus nous a obligés plutôt, en l’absence de directives claires du gouvernement, à prendre des risques pour notre santé. Je suis allé travailler vendredi et samedi 14 et 15 mars, alors même que nos universités, nos lycées et nos écoles étaient fermés ; les premières mesures prises par le gouvernement, si elles montraient la gravité de la crise sanitaire qui nous touche, laissaient pourtant dans l’incertitude sur les conditions des travailleurs dans les usines, et dans le secteur de la restauration. On nous a laissés travailler dans des métiers à risque. Si l’on devait limiter nos déplacements, pourquoi avoir laissé les bars et restaurants ouverts ?

Le coronavirus accentue la réalité que nous, étudiants précaires, vivons ; nous devons aujourd’hui affronter l’inquiétude d’une crise sanitaire mêlée à une incertitude économique sans précédent. Comment ferons-nous pour payer nos loyers, nos courses, nos besoins primaires, privés de l’argent qui nous faisait tenir au quotidien. En réalité, le coronavirus accentue l’impossibilité pour nous de continuer dans une société libérale qui pense toujours au profit. Les décennies de baisse de moyens accordés à l’hôpital public, la libéralisation du travail (auto-entrepreneurs, uber, la généralisation du travail au black pour les étudiants), nous sommes en train d’en payer le prix fort. C’est les étudiants, les travailleurs précaires qui sont les laissés pour compte. Pendant que Macron annonçait libérer plus de 300 milliards d’euros pour éviter la faillite des grandes entreprises, pendant qu’il annonçait geler le payement des loyers, des factures de gaz et d’électricité pour les patrons, qu’en est-il pour nous, étudiants, incapables de payer notre loyer, sans sécurité de l’emploi, et contraints de ne plus avoir de salaires ?

Cette situation nous renvoie à l’obligation de changer le système dans lequel nous vivons. S’il était déjà inacceptable que des étudiants soient obligés de travailler pendant leurs études, réduisant leurs chances de réussite par deux, il est scandaleux que privés de leur travail et de leurs revenus, ils soient forcés d’affronter la pandémie, sans possibilité de payer leurs loyers, ni de faire leurs courses. Au début de l’année, la tentative d’immolation par le feu d’Anas, un étudiant lyonnais, avait remis la question de la précarité étudiante en première ligne. Nous avions alors posé la question d’un salaire étudiant universel, payé par l’impôt sur les grandes fortunes, qui permettrait à chaque étudiant de vivre décemment pendant ses études. C’est la norme que nos années étudiantes riment avec pâtes dans les placards et fins de mois difficiles, mais il est scandaleux que les étudiants soient le secteur qui compte le plus de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Si les générations précédentes se rassuraient en affirmant que la précarité étudiante n’était que provisoire, le gouvernement et les politiques libérales ne nous promettent aujourd’hui que la précarité tout au long de notre vie.

Les 300 milliards sortis par Macron montrent que l’argent est là, la suppression de l’ISF, les nombreux cadeaux fait aux patrons et aux grandes entreprises ne font qu’accentuer ma colère. Il y en a marre de cette société qui nous pousse à travailler dans les pires boulots pendants nos études, qui nous fait travailler pendant trois jours dans des restaurants, mettant notre santé en danger, alors même que les lycées et universités ferment, pour éviter de pénaliser nos patrons. Il y en a marre de cette société qui offre des moyens aux plus riches pendant la crise du coronavirus, mais qui laisse les précaires sur le côté, de cette société qui nous impose des contre-réformes, qui privatise notre université, qui favorise le profit à l’intérêt public, en cassant les services publics, qui casse la sécurité au travail en libéralisant nos boulots. Alors non, malgré tous les discours que tente le gouvernement, il n’y aura ni union sacrée, ni union nationale, on ne s’unira pas avec ceux qui ont fait que la situation est si terrible actuellement.


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