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Beji Caïd Essebsi fait voter une nouvelle loi antiterroriste

Tunisie. Serrage de vis et peine de mort

Quelques semaines après avoir annoncé l’instauration de l’état d’urgence à la suite des attentats de Sousse, en mai, et contre le musée du Bardo, en mars, le président Beji Caïd Essebsi vient de faire adopter par une écrasante majorité de députés une nouvelle loi antiterroriste. L’enfant chéri de la presse occidentale, symbole d’une « transition réussie » après le renversement de Zine El Abdidine, ne se contente pas simplement de rétablir la peine de mort, après un moratoire de vingt-cinq ans. Il aggrave la loi antiterroriste voulue par l’ancien dictateur, en 2003, abrogée depuis, et qui avait servi, à l’époque, pour museler toute contestation.

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Ciro Tappeste

A la veille de la Fête de la République, le gouvernement a fait ratifier une loi antiterroriste censée « rassurer les citoyens », selon le porte-parole du Parlement Mohamed Ennaceur. Pour la gauche tunisienne et les organisations de défense des Droits de l’Homme, qui appellent à la mobilisation, le caractère extrêmement flou du texte « pourrait ouvrir la voie à de graves violations des droits ».

Le nouveau texte de loi remplace l’ancienne loi benaliste de 2003 en l’aggravant. Il rétablit la peine de mort, absente du texte précédent, pour des crimes de « terrorisme », catégorie fourre-tout englobant également les personnes qui auraient pu se rendre coupables de « dégradations de biens publics dans le cadre de manifestations ». Par ailleurs, les services de sécurité se verront dans la possibilité de multiplier les écoutes, mais également de détenir, sans assistance d’un avocat, tout suspect de terrorisme pendant un délai de quinze jours.

Ennahda, le parti islamo-conservateur qui a perdu les dernières élections, a fait savoir par la voix de Sahbi Atig craindre pour « les droits de la religion, la liberté d’expression et les conquêtes de la révolution ». Mais si le gouvernement tunisien doit faire face à une intensification des attaques djihadistes, avec encore un attentat à Sousse contre les forces de sécurité, le 25 juillet, ou encore la rafle visant seize membres présumés de cellules islamistes à Sfax, Kasserine et Sousse, la loi est avant tout un instrument de contrôle préventif contre tour retour de flamme réellement révolutionnaire. Le pays continue à vivre au rythme des grèves et des mouvements sociaux, et c’est bien contre le mouvement ouvrier et de la jeunesse que la loi est tournée.

D’un simple point de vue de son efficacité politique, l’International Crisis Group a publié un rapport, quelques heures seulement avant l’adoption du texte, faisant état d’un manque d’entraînement des forces de sécurité contre les groupes armés, à l’origine, selon l’ICG, de leur prolifération. Les causes profondes sont, bien entendu, plus complexes, mais ‘est la conclusion de l’ICG qui est intéressante : dans le cadre d’une « aggravation du climat régional », avec une Libye voisine qui s’enfonce dans la guerre civile, le think-tank indique que le texte pourrait accélérer le passage de la Tunisie « d’une crise à une autre (…), avec le risque de plonger à son tour dans le chaos, ouvrant la voie à un retour de la dictature ».

C’est, dans un sens, ce qui est advenu en Egypte, depuis juillet 2013. Le Maréchal al Sissi est incapable de faire cesser les attaques djihadistes, qui se multiplient, mais a rétabli un régime qui n’a rien à envier à celui de Moubarak, pourchassant de façon impitoyable l’opposition ainsi que la gauche. Sans un retour puissant sur le devant de la scène du mouvement ouvrier et de la jeunesse du Tunisie, Essebsi pourrait, en effet, suivre le chemin frayé par al Sissi pour faire tomber un froid sibérien sur ce qu’il subsistait encore des « printemps arabes ».


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