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Europe forteresse

Un « pacte pour la migration » pour garder le cap xénophobe de l’Union Européenne

L’UE propose de remplacer l’accord de Dublin par un nouveau pacte, qui vise à augmenter le nombre de migrants déportés vers leurs pays d’origine dans des temps plus réduits.

Philippe Alcoy

23 septembre 2020

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L’incendie du camp de Moria en Grèce il y a deux semaines a constitué le bon prétexte pour accélérer la présentation du nouveau « pacte sur l’immigration » de la Commission Européenne. Celui-ci viendrait remplacer « l’accord de Dublin » et tenter de faire oublier le fiasco complet de la politique des quotas obligatoires mise en place suite au pic de la soi-disant « crise » migratoire de 2015 et durement contestée notamment par les gouvernements réactionnaires d’Europe de centrale.

Avec ce texte, la logique xénophobe et anti-migrants des politiques européennes reste en place, voire se renforce. Autrement dit, le nouveau pacte ne vise aucunement à garantir un accueil digne aux migrants et réfugiés arrivés sur le sol européen, ni même à améliorer le sort de ceux et celles qui y sont déjà. Une telle politique se justifierait par la terrible pandémie qui s’abat sur les quatre coins du globe, par les désastres naturels de plus en plus fréquents causées par l’action des capitalistes, par l’intensité des conflits armés et les crises économiques. Mais cela ce serait oublier le caractère profondément réactionnaire de l’UE.

En effet, le souhait explicite de la Commission est d’accélérer les procédures d’examen des dossiers de demande d’asile et d’augmenter le taux d’expulsion. Ainsi, ce dispositif ne met pas fin à l’une des règles de « Dublin », et l’une des plus décriés par les pays qui reçoivent la plus grande quantité de réfugiés (Grèce, Italie, Malte, Espagne), ainsi que par les migrants eux-mêmes : celle qui oblige les migrants à faire la demande d’asile dans le premier pays dans lequel ils arrivent dans l’Union Européenne. Cependant, la Commission mettrait en place un dispositif d’aide en cas d’afflux massif (d’autres Etats pourraient prendre en charge l’examen des dossiers) et surtout des mesures pour accélérer le traitement des dossiers de demande d’asile. En outre, l’UE paierait 10 000 euros par migrant adulte aux Etats concernés.

Mais l’axe de ce nouveau pacte est bel et bien l’augmentation du nombre d’expulsions effectives. En effet, une grande partie des demandes d’asile dans l’UE sont refusées et les personnes concernées reçoivent un ordre de quitter son territoire. Mais la mise en place effective des expulsions reste difficile. Ainsi, en 2019, 491 200 personnes ont reçu un ordre de quitte l’UE mais seulement 29% ont été renvoyées dans leurs pays d’origine. Et c’est ce chiffre que les technocrates européens veulent voir exploser.

Et c’est là qui intervient l’une des principales « innovations » de ce pacte. En effet, l’abandon des quotas obligatoires ne veut pas dire abandon de toute obligation pour les Etats membres. Non. Tous les Etats ont l’obligation de collaborer, de participer à la « solidarité européenne ». Et cette « solidarité » n’est rien d’autre que la solidarité des bourreaux. Ainsi, les gouvernements d’Europe centrale et de l’Est notamment, devront choisir entre accueillir des réfugiés candidats au droit d’asile ou d’assumer l’organisation de l’expulsion de ceux qui auraient été déboutés de leurs demandes d’asile. Les Etats qui choisiraient cette option auraient cependant huit mois pour expulser les migrants, au-delà ils seront obligés de les relocaliser sur leur propre territoire.

Autrement dit, l’UE constatant son échec à faire plier des dirigeants comme Viktor Orban tente de faire de ces gouvernements la « police des frontières » de l’Europe. Il s’agit d’un pas supplémentaire dans la sous-traitance des politiques xénophobes des Etats impérialistes centraux du continent. En effet, la plupart des réfugiés et migrants entendent s’installer dans les pays les plus riches du continent et non dans ceux de la périphérie. En obligeant les pays d’Europe centrale et de l’Est à organiser les expulsions, avec l’assistance logistique de l’UE bien évidemment, les Etats impérialistes tels que la France, la Suède et notamment l’Allemagne se débarrassent de cette responsabilité tout en faisant passer les gouvernements réactionnaires de la périphérie du continent comme les seuls et principaux responsables de la haine xénophobe en Europe.

Le nouveau pacte est bien anti-migration. Il vise à limiter l’arrivée de réfugiés et migrants sur le continent, à limiter l’octroi du droit d’asile et à augmenter le nombre d’expulsions. Cependant, dans ces nouvelles dispositions les pays centraux du continent continuent à faire porter la plus grande responsabilité de la gestion de l’arrivée des migrants aux pays les plus exposés. Car les capitalistes utilisent la situation désespérée des migrants comme un atout contre ses partenaires/concurrents : le coût supplémentaire qu’implique la gestion des migrants pour un Etat X représente un avantage pour les capitalistes d’un Etat Y. On a vu d’ailleurs comment la Turquie, le grand allié européen dans la gestion réactionnaire des flux migratoires venus du Proche-Orient et d’Asie centrale, utilise cette question en permanence pour obtenir des concessions de la part de l’UE sur des dossiers divers.

La France quant à elle fait partie de ces Etats très souvent mentionnés comme étant dans une posture d’accueil, à la différence des Etats de la périphérie Est du continent. Cependant, la France est l’un des Etats les plus hostiles à l’égard des réfugiés et des migrants depuis des années. Les conditions de vie des réfugiés en France se dégradent d’année en année, certains tombant dans des cas de souffrance psychologique extrême, comme le dénoncent certaines associations. « Tout en plaidant à Bruxelles pour des mécanismes de répartition solidaire des migrants secourus en Méditerranée, la France, qui se voit de plus en plus comme un pays de rebond en Europe, n’a jamais caché son souhait de durcir la règle selon laquelle une personne ne peut demander l’asile que dans un seul Etat », peut-on lire dans un article récent du Monde. La stratégie adoptée par les différents gouvernements français ces dernières années a été celle de créer un environnement d’accueil très hostile à l’égard des migrants pour les inciter à partir. Une politique néfaste et réactionnaire que le gouvernement actuel n’a fait qu’accentuer.

Ces politiques sont inacceptables et démontrent une fois de plus le caractère totalement réactionnaire de l’Union Européenne et notamment de ses principaux Etats impérialistes. Du point de vue des intérêts de la classe ouvrière et des classes populaires en général ce nouveau pacte est un danger car il renforce les ennemis des travailleurs et des travailleuses, à savoir les gouvernements réactionnaires qui mènent des politiques pro-patronales mais aussi les tendances nationalistes et xénophobes d’extrême-droite. En ce sens, c’est une politique de solidarité de classe vis-à-vis de tous les réfugiés et migrants, pour un accueil digne et leur droit à s’installer là où ils voudront, pour la fin de tous les accords et pactes réactionnaires, entre autres, qui pourrait renforcer les travailleurs et les classes populaires dans leurs luttes quotidiennes contre les patrons et leurs gouvernements. Et c’est en ce sens que nous prenons position.


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