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Fusion des universités

Université de Paris. Rentrée post-fusion : vers la suppression de la psychanalyse ?

A l'institut de psychologie, la rentrée a été repoussée de plusieurs semaines : en cause la fusion et ses effets. Et particulièrement celui qui contraint les deux filières des anciennes universités -de psycha et de psycho- à se constituer en une licence commune.

Tatiana Magnani


et Lucia Nedme


et Ana Grace

11 octobre 2020

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Cette rentrée à l’Université de Paris est la première depuis que le processus de fusion entre Paris Diderot, Paris Descartes et l’institut de physique du globe de Paris (IPGP), a abouti. Et bien que l’université ait été récemment labellisée IDEX (« Initiative d’Excellence), la rentrée s’est montrée plutôt catastrophique pour les étudiants, personnels et professeurs. Des dysfonctionnements techniques de la nouvelle plateforme ont empêché l’inscription administrative et pédagogique de nombreux étudiants mettant dans des situations très difficiles un grand nombre d’entre nous, notamment les plus précaires ou les étudiants étrangers.

La rentrée pour les filières de psychologie

Les étudiants en psychologie n’ont pas été épargnés par la fusion, bien au contraire : pour le parcours « sciences psychologiques », la rentrée initialement prévue le 14 septembre aura lieu ce lundi seulement après plusieurs reports. Face à cette situation, des étudiants en licence 1 du site de Boulogne, ont lancé une pétition sous forme de lettre ouverte adressée à la Présidence de l’Université et aux responsables de leur UFR, pour alerter sur les problématiques qu’ils rencontrent en cette rentrée. Ils y abordent l’incertitude à laquelle la fusion et la crise sanitaire, les exposent. Ils apportent également leur soutien aux personnels administratifs et aux professeurs -bien trop souvent précaires- et déplorent la suppression de postes, qui les a amenés à travailler en sous-effectif. En guise de réponse, le compte twitter de l’Université de Paris a bloqué l’initiatrice de la lettre ouverte...

La filière de psychanalyse en péril ?

Depuis que le projet de fusion est lancé, plane la menace de la suppression de la filière de psychanalyse. En effet en prétextant qu’avec la fusion de deux universités il existerait des filières en double, la présidence tente d’évincer la psychanalyse. Après avoir envisagé de la supprimer purement et simplement, la présidence a choisi une autre option et en cette rentrée les filières de « sciences psychologiques » (ex-Paris Descartes) et de psychanalyse, « psychologies et humanités » (ex-Paris Diderot) sont contraintes de constituer une licence commune, avec une seule maquette de cours pour les deux premières années de licence. S’il n’y a pas de suppression de filière à proprement parler, la fusion rend obligatoire l’existence d’une seule maquette et la présidence a laissé les enseignants se débrouiller avec cette obligation, qui implique évidemment des coupes budgétaires et des suppressions de certains enseignements et donc de certains enseignants.

L’Institut de Psychologie explicite dans un communiqué leur proposition de « mise en place d’un tronc commun pour les L1-L2 pour les deux sites de formation sur la base de UEs fondamentales de l’Institut de Psychologie couvrant l’ensemble des sous-disciplines de la psychologie et représentant 2/3 des ECTS, le dernier tiers permettant de garantir la spécificité de chacun des deux parcours. » Face à cette situation qui implique la disparition d’une grande partie de leurs enseignements, les professeurs du département de Psychanalyse ont demandé la suspension des négociations. En réaction les professeurs de l’Institut de Psychologie (ex Paris Descartes) se sont réunis en Assemblée Générale le 24 septembre et ont voté le report la rentrée de façon indéfinie jusqu’à ce que la présidence de la nouvelle Université de Paris se positionne sur leur motion et sur leur proposition de tronc commun.

Guerre des filières ou lutte contre la fusion et les coupures budgétaires ?

Derrière la contrainte de l’uniformisation et de la simplification de l’ « offre de formation » se cache une attaque importante contre l’université, avec la possibilité de supprimer des filières et des budgets.

En effet, les réformes et arrêtés concernant les licences se succèdent depuis la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités) de 2007 avec comme objectif de professionnaliser les licences générales pour que, selon les mots de Valérie Pécresse, alors ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, « les employeurs sachent ce qu’ils peuvent attendre d’un diplômé de licence ». Le plan de « simplification » des licences, de créer de « nouveaux parcours », des licences « pluridisciplinaires » a pour boussole non pas d’assurer la réussite des étudiants mais celle d’adapter les enseignements et les compétences des étudiants aux besoins du patronat (avoir une main d’œuvre flexible et à bas coût). Depuis plusieurs années, le Ministère a donc exigé au nom de la « simplification » la réduction du nombre de licences. Une politique qui porte atteinte à l’autonomie pédagogique des universités, ou encore met en péril certains enseignements et emplois comme dans le cas des filières de psychologie et psychanalyse de Paris Descartes et Paris Diderot.

La lutte pour l’avenir des filières doit passer par le refus des miettes jetées par la présidence, il est nécessaire en ce sens de dénoncer la fusion et ces conséquences sur les UFR de psychologie et celui d’études psychanalytiques, et de refuser le vote de la maquette qui doit se dérouler au conseil facultaire de ce 19 octobre.

Contre le récit d’une opposition épistémologique entre les deux anciennes filières de psychologie et de psychanalyse, les étudiants qui dénonçaient dans la pétition le report de la rentrée, tout comme les professeurs conscients des effets néfastes de la fusion, ont tout à gagner à discuter entre les départements.

A rebours des politiques austéritaires menées dans les facs, il est nécessaire de se battre pour que toutes les filières restent ouvertes et pour cela exiger un investissement massif dans les universités et l’embauche de professeurs et de personnels et la fin de leurs contrats précaires. Pour imposer un tel programme et refuser les conséquences de la fusion, comme la fusion elle-même, il est nécessaire aussi de s’inspirer des luttes qui ont gagné contre les processus de fusion. A l’image par exemple de la bataille menée à Toulouse. Elle a rassemblé étudiants et personnels contre un modèle d’université qui viendrait non seulement dégrader les conditions de travail et diminuer considérablement les effectifs, mais aussi généraliser la concurrence entre les universités, les filières et les étudiants. La grève des personnels et des professeurs et l’alliance avec les étudiants ont été clef pour contrer le projet de la fusion.

A l’Université de Paris aussi, c’est par la lutte, la grève et l’alliance entre étudiants, professeurs et personnels de deux départements -et au-delà- qu’on arrivera à contrer les effets de la fusion.


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