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Nous devons exiger tout !

Violences conjugales : que peut-on vraiment attendre du grenelle de Marlène Schiappa ?

Accusée de ne rien faire depuis deux ans contre les violences faites aux femmes et face à l’augmentation des féminicides depuis le début de l’année, Marlène Schiappa s’est saisie au début de l’été de l’idée d’organiser un grenelle des violences conjugales à la rentrée. Mais ce n’est que par la mobilisation dans la rue et la grève dans nos lieux d’étude et de travail que nous réussirons à imposer nos revendications.

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Le Grenelle, une réponse gouvernementale face au retour d’un mouvement contre les violences faites aux femmes

Depuis le mouvement MeToo, et les manifestations massives pour le 8 mars dans un pays limitrophe de la France comme l’Espagne, la question des violences faites aux femmes sensibilise, politise et pousse des femmes à se mobiliser et à militer. L’année dernière, suite au mouvement MeToo, des femmes lançaient la première édition de « Nous Toutes » pour organiser une « déferlante féministe » dans les rues « pour que la France dise STOP aux violences sexistes et sexuelles ». Ainsi, plusieurs milliers de femmes défilaient dans les rues, un jour avant la journée internationale contre les violences faites aux femmes. Une première en France où la mobilisation des femmes ces dernières années, comparativement à d’autres pays, est faible.

L’une des expressions les plus violentes, et mortelles, des violences faites aux femmes sont les homicides de femmes en raison de leur sexe, ou autrement dit des féminicides. En France, ce terme était jusque récemment peu utilisé, excepté par des collectifs et associations féministes. En effet, le terme n’est pas reconnu par la loi française pour respecter, entre autres arguments, le principe de « neutralité » du droit pénal. Pourtant suite aux mobilisations d’ampleur en Amérique latine ou encore en Espagne contre les féminicides, le terme s’est popularisé. Il est aujourd’hui repris par différents médias, et même par l’actuelle secrétaire d’état chargée de l’égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa.

Le 6 juillet dernier un rassemblement contre les féminicides était organisé à Paris rassemblant environ 2000 personnes. Un rassemblement appelé par le Collectif des proches et familles de femmes victimes de féminicides pour interpeller le gouvernement sur son inaction et sur l’urgence de trouver des solutions alors même que les féminicides se multiplient. Aujourd’hui, plusieurs collectifs et associations féministes, dont le collectif « Nous Toutes », veulent alerter l’opinion publique de cette multiplication des féminicides, chiffre qui est à ce jour de 93 femmes assassinées depuis le début de l’année. Ce qui est dénoncé par les proches des victimes et les associations féministes ce sont surtout les rouages d’un système qui abandonne les femmes aux violences (du dépôt de plaintes au commissariat jusqu’au traitement des dossiers par la justice en passant par l’absence d’hébergements et le manque de moyens des associations).

En juin dernier, le collectif a écrit et publié une tribune appelant à des « mesures concrètes et rapides » et à l’organisation d’un grenelle pour « réunir toutes les parties prenantes, pour que la police, la justice, l’école, les services sociaux, les entreprises et les associations, et toutes nos institutions fassent barrage aux agresseurs ». Marlène Schiappa a fait preuve de réactivité et appelé quelques jours plus tard à ce que ce grenelle se tienne le 3 septembre 2019.

« Ne rien laisser passer » : que fait réellement le gouvernement contre les violences ? »

Au premier abord, au regard des déclarations publiques de Marlène Schiappa, tout le gouvernement, pour qui les violences faites aux femmes est soi-disant la cause du quinquennat, serait en branle-bas de combat. Le discours du gouvernement consiste alors à mettre en avant la mise en place, depuis deux ans, de nombreuses mesures et l’organisation d’un grenelle en coordination avec tous les membres de la société civile.

Ainsi, le 5 juillet dernier, le gouvernement a sorti un communiqué de presse intitulé « VIOLENCES CONJUGALES : CONNAISSEZ-VOUS LES ACTIONS MENÉES PAR LE GOUVERNEMENT DEPUIS DEUX ANS ? », dans lequel est listé l’ensemble des actions qu’auraient mené le gouvernement depuis deux ans.
Pourtant, malgré l’effort de mise en forme, le contenu se résume peu ou prou à la mise en place d’une ligne téléphonique et d’une plateforme internet. Plus précisément le plan du gouvernement (dont on n’attendait pas grand-chose) pour répondre aux violences faites aux femmes se résume principalement à des mesures cosmétiques et répressives (mise en place de bracelets électroniques, contrôles du port d’armes par les conjoints…).

Dans une vidéo récente de la secrétaire d’Etat pour rappeler la tenue du grenelle, celle-ci insiste sur à quel point le gouvernement ferait déjà son maximum : Castaner aurait débloqué 4 millions d’euros pour interpeller les témoins des violences conjugales ou encore recruter 73 psychologues.

En réalité, le grenelle des violences conjugales, dans un contexte où le gouvernement sort d’une année où il a été grandement déstabilisé par le mouvement des gilets jaunes, est une tentative d’afficher le visage d’un gouvernement humain qui travaille de concert avec la société civile pour résoudre un problème structurel de la société. Mais il est difficile de donner un visage humain à un gouvernement qui a dévisagé des dizaines de femmes et d’hommes pendant plusieurs mois, ou encore qui organise la précarisation généralisée avec en première ligne de cette précarité les femmes et la jeunesse.

« Il y a un changement culturel à opérer ». Non, il y a un changement de système à opérer ! Exigeons tout !

Le féminisme à la Schiappa consiste à résumer les violences conjugales à des cas individuels, et a estimé que la solution devrait venir de la « société » qu’elle interpelle pour qu’elle se « ressaisisse ». « Il y a un changement culturel à opérer » a-t-elle déclaré dernièrement aux médias. Ainsi pour opérer ce « changement culturel », la solution serait de mettre des amendes, donner un bracelet électronique aux hommes violents et de l’autre un numéro de téléphone aux femmes, exiger de la part des témoins de témoigner sur une plateforme et former quelques professionnels en plus. Mais la question des violences faites aux femmes n’est pas un « problème culturel » sans origines mais celui d’un système patriarcale, économique - le capitalisme -, et raciste qui ne date pas d’hier. Un système dans lequel les droits des femmes ont avancé au prix de nombreuses luttes, grèves et mobilisations historiques, dans lesquelles il était exigé notamment le droit à la vie, d’avorter, de divorcer, de travailler dans des conditions décentes, la dignité, et pour toutes les femmes du monde entier.

Pourquoi ne pourrions-nous pas mettre les moyens nécessaires pour faire en sorte qu’il existe des logements pour chaque femme victime de violences au lieu que cet argent finance des opérations d’intervention armées dans des pays colonisés par la France, où des soldats français violent et agressent les femmes ?

Pourquoi ne pas garantir à toutes les femmes un emploi stable, un salaire en cas de licenciement, plutôt que de faciliter les licenciements, supprimer les CHSCT (qui souvent prenaient en charge la question des violences sexistes et sexuelles au travail) ?

Pourquoi ne pas mettre en place un plan d’éducation sur les questions de genre et de sexualités dans les écoles plutôt que de diaboliser la question du genre, expulser une partie de la jeunesse des écoles et des universités, fermer l’accès à l’éducation aux jeunes filles qui portent le voile, et dépenser plus d’un milliard d’euros pour un Service National Universel ?

Pour ce qui est de « former la police », comment peut-on former un appareil policier à qui l’on apprend à violenter, agresser, éborgner des femmes et des hommes qui se mobilisent pour leurs droits, qui sont eux-mêmes les auteurs de violences verbales, sexistes et sexuelles, voire responsables de la mort de jeunes innocents comme Steve, et qui ne sont jamais inquiétés pour leurs méfaits ?

Pourquoi ne pas mettre des moyens pour des hôpitaux publics de qualité, exiger que tout le monde puisse avoir accès aux soins, au lieu de fermer des hôpitaux, des cliniques, et prétendre dans le même temps « vouloir former des professionnels » ?
La question des violences faites aux femmes, que sont les violences sexistes et sexuelles, les féminicides mais aussi les violences économiques et sociales, mérite une mobilisation d’ampleur, pour exiger la mise en œuvre de tous les moyens nécessaires pour pallier aux violences machistes. Etant donné que la précarité est ce qui souvent empêche les femmes de partir de leurs foyers lorsqu’elles sont victimes de violences, nous devons aussi lutter contre la précarité, contre les attaques comme la réforme des retraites qui va toucher principalement les femmes, ou encore pour l’abrogation des réformes du code du travail.

Cette lutte pour porter ces revendications ne se jouera pas autour d’une table avec le gouvernement, mais sur nos lieux de travail, d’études, et dans la rue, en se mobilisant et en s’organisant par milliers, indépendamment du gouvernement et des institutions. C’est la perspective que l’on défend avec le collectif féministe anti-capitaliste Du Pain et des Roses, à l’occasion des prochaines dates féministes mais aussi à chaque fois que le gouvernement avance des réformes contre les intérêts de la majorité de la population, ou que les patrons violentent, licencient l’une ou l’un d’entre nous. Nous devons exiger tout et tout de suite, le droit à la vie, au pain, aux roses, à la dignité pour toutes et tous.

Crédit photo : Maxppp - Olivier Corsan


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