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La Izquierda Diario
30 de juin de 2015 Twitter Faceboock

Grèce 2015 – Argentine 2001
Dévaluation ou austérité : le dilemme de la bourgeoisie, la misère pour les travailleurs

Martín Noda

La Grèce est face à un moment décisif. Quelle résolution prendra le gouvernement ? Quel sera le résultat du référendum de dimanche prochain ? Que fera la Troïka ? Dans la plupart des analyses, pour ne pas dire dans toutes, la Grèce serait face à deux options : négocier avec le FMI et la BCE, en approfondissant les plans d’ajustement, ou rompre les négociations avec comme conséquence principale la sortie de l’Euro.La situation économique actuelle de la Grèce fait beaucoup penser à la crise argentine de 2001, avec la fuite de capitaux, la déclaration du défaut de la dette, la dévaluation et des mesures de limitation des retraits en liquide des banques.

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Le « corralito »

L’Argentine, pendant les années 1990 avait instauré la « convertibilité » du péso. Instauré par loi, et garanti par la banque centrale, le péso était « attaché » au dollar. Pendant une décennie 1 péso valait toujours 1 dollar. Ceci impliquait pour la bourgeoisie argentine l’impossibilité de dévaluer et de récupérer un peu de compétitivité au niveau international. La production industrielle s’effondra alors face à la concurrence internationale et les importations. A ce titre, sa situation ressemblait beaucoup à celle que connaît la Grèce qui a adopté l’euro.

Vers la fin de 2001, il y eut une fuite massive de capitaux : les médias filmaient de grands convois de transport de fonds qui partaient vers le port pour amener les dollars, physiquement, à l’étranger. Cette fuite de capitaux rendait impossible le maintien de la parité péso-dollar. Le gouvernement ferma alors les banques pendant quelques jours et puis instaura le « corralito » (petit enclos).

Cette mesure visait à protéger les banques, en limitant la quantité de liquide qui pouvait être retiré de la banque : autour de 150 euros par semaine. Cette mesure était valable pour les particuliers et les entreprises mais ne touchait que le retrait en liquide. Les paiements par carte bancaire, chèques et virements n’avaient aucune limite. Le gouvernement essayait de rassurer la population en affirmant que l’argent était toujours disponible.

Mais ce qui pouvait marcher dans la tête des économistes formés à l’école de Chicago s’est avéré être un désastre pour l’économie réelle argentine : avec 50% de travail au noir cette limitation « seulement » au liquide paralysa la moitié de l’économie, laissant la moitié la plus pauvre des travailleurs sans aucun revenu.

Puis, est apparu le « corralón » (grand enclos), qui gelait les comptes d’épargne de moyen et long terme. Aux salaires s’ajoutaient maintenant les petites et moyennes épargnes. Le mécontentement était tel que le président de l’époque, Fernando De la Rua, se vit obligé de démissionner en partant en hélicoptère du palais gouvernemental entouré d’une foule qui criait « qu’ils s’en aillent tous ».

La dévaluation

La bourgeoisie était divisée. Un secteur, lié aux finances, poussait pour une dollarisation de l’économie et l’approfondissement de l’austérité. L’autre secteur, les industriels et les producteurs agricoles voulaient une dévaluation de la monnaie. C’est cette dernière qui s’imposa. Certains idéologues du capitalisme voient dans ce résultat un grand succès. Quelques années plus tard l’Argentine bénéficiait d’une croissance économique à des taux « chinois » (9% annuel). Mais, en y regardant de plus près, ce succès n’est valable que pour une petite partie de la population : la bourgeoisie.

La dévaluation déclencha une très forte inflation. D’abord parce que le prix de l’ensemble des importations augmenta proportionnellement à la dévaluation. Ensuite parce que le prix des produits d’exportation connurent aussi une forte hausse. Pour les capitalistes cela revient au même de vendre dans le pays ou d’exporter, ce qui les intéresse c’est ce qu’ils gagnent. C’est pour cela qu’il fallait vendre à l’intérieur du pays au même prix qu’à l’extérieur. Et même en instaurant des taxes à l’exportation, on ne peut pas empêcher l’augmentation des prix à l’intérieur du pays. Mais il ne s’agit là que des éléments immédiats. Car par la suite, on assista à une reconfiguration des prix dans l’ensemble de l’économie. Entre 2002 et 2003 il y eut près de 40% d’inflation.

Cette inflation impacta automatiquement le pouvoir d’achat. Bien sûr parce que les salaires n’augmentent pas proportionnellement aux prix, surtout dans des pays avec un très fort taux de chômage comme l’Argentine ou la Grèce. Cela conduisit à une baisse très rapide du pouvoir d’achat, y compris pour les travailleurs ayant un emploi. Les indices de pauvreté explosèrent. La souffrance fut énorme, mais les capitalistes firent beaucoup de profits. Comme le montre le graphique ci-dessous, en mars 2007, le pouvoir d’achat avait retrouvé le niveau (déjà pourtant bien bas) qu’il avait avant la dévaluation. Il fallut cinq années de très forte croissance économique pour que les travailleurs se retrouvent au même niveau qu’au pire moment de la crise économique. Entre temps, les poches des capitalistes s’étaient bien remplies.

Certes l’Argentine est depuis sortie de la crise économique, mais cela s’est fait dans un contexte d’expansion mondiale, où les prix des produits agricoles (la base de la production argentine) battaient des records. Et le pire c’est que cette croissance n’a bénéficié qu’à ceux qui en bénéficiaient déjà avant. La sortie de la crise s’est faite sur le dos des travailleurs.

Même la dette a été payée. Certes au début de la crise, le gouvernement avait déclaré le défaut. Ceci était nécessaire car une dévaluation signifiait l’augmentation de la dette pour l’économie locale. Certes la quantité de dollars dus était la même, mais il fallait beaucoup plus de pésos pour la payer. Le rapport entre la dette et le PIB augmentait proportionnellement. Une fois l’économie stabilisée, les affaires reprises, le gouvernement argentin fit une excellente offre aux créanciers, et pour l’essentiel, l’histoire était réglée.

On peut dire que la Grèce se trouve face à un problème similaire à celui de l’Argentine en 2001, dans lequel, en apparence, il n’y a pas trop de possibilités : soit elle accepte les exigences de la Troïka, soit elle sort de l’euro. La réalité c’est que sans toucher aux intérêts des capitalistes, ces dernières sont les seules options. Sans nationaliser les banques sous contrôle des travailleurs et des usagers, le gouvernement aura le choix entre laisser les banques faire faillite ou confisquer les épargnes. En continuant à payer la dette, le gouvernement va devoir continuer avec l’austérité : soit en baissant des salaires, soit en dévaluant. Sans toucher aux grandes entreprises, sans toucher aux intérêts capitalistes et impérialistes, toutes les alternatives impliquent que les travailleurs payent la crise.

30/06/15.

 
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