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La Izquierda Diario
18 de mai de 2020 Twitter Faceboock

Edito
Airbnb, la Halle, Conforama, Airbus... Vers un massacre de l’emploi ?
Joachim Bertin

Les annonces de licenciements massifs commencent à sortir des tiroirs…. Après que le grand patronat a largement bénéficié des aides publiques, il compte bien faire payer cette crise au monde du travail et à la jeunesse mais aussi aux petites entreprises qui paieront les pots cassés. Un seul mot d’ordre : zéro licenciement, partage du temps de travail entre toutes et tous !

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En France, la mise en place du chômage partiel à une échelle historique avec près de 6 salariés du privé sur 10 a permis de maintenir dans une grande mesure le salaire de millions de travailleurs qui du fait des mesures de confinement massive ont vu leur activité salariale s’arrêter entièrement ou partiellement. 

Et si ce chômage partiel n’a pas rémunéré les salariés qui y ont eu droit à 100% de leur salaire habituel, cette mesure a tout de même permis d’amoindrir conjoncturellement, les effets de la crise économique cumulés au ralentissement de l’activité dû au confinement. Une période que le gouvernement voudrait désormais révolue pour obtenir une reprise de l’économie quoique puissent être les conditions sanitaires. C’est ce dont témoigne les déclarations du gouvernement qui n’a eu cesses ces dernières semaines comme en témoigne notamment le chantage au chômage partiel pour ces parents qui refuseraient de mettre leurs enfants à l’école.

Ainsi, après une période d’anesthésie de l’économie pendant laquelle les grands capitalistes ont pu profiter d’une manne financière venant de l’Etat, parfois même en fraudant, la crise économique commence à se faire de plus en plus insistante. Dans certains pays, nous pensons particulièrement aux États-Unis et leurs 36 millions de chômeurs, cette question s’est posée directement, là où en France elle a été artificiellement contenue, bien que le patronat et les ordonnances du gouvernement sur le travail aient tout fait pour la faire peser le plus possible.

Avec la perspective du déconfinement et du désengagement partiel de l’Etat du chômage partiel, la préoccupation économique a pris le pas pour beaucoup de travailleurs, à des rythmes différents selon les secteurs.

Dans des entreprises comme celles de l’aéronautique, particulièrement touchées par la crise, on a vu le sentiment évoluer d’une peur du virus et de la contagion face à un patronat décidé à mettre en jeu la vie de ses salariés, à la peur encore plus grande des licenciements, des réductions de salaire. Un dilemme parfaitement synthétisé par Pascal Lanette, PDG de Derichebourg Aeronautics Services qui déclarait en mars : « Les gens vont devoir choisir de quoi ils veulent mourir, de faim ou du virus »...
Il se trouve aujourd’hui que le sous-traitant aéronautique est désormais à l’avant-garde des annonces de suppressions d’emploi avec un « plan social » qui laisse le choix aux salariés de sacrifier beaucoup de leurs collègues ou bien tous leurs acquis et un peu moins de collègues...

C’est essentiellement par ce biais que s’exprime aujourd’hui le poids pris davantage par la crise économique, à savoir la multiplication ces derniers jours des annonces de suppressions d’emploi, que ce soit par des suppressions « sèches », des plans de départ volontaires chiffrés ou bien des perspectives qui annoncent, à venir, le besoin de réduire les effectifs. Tentatives, ballons d’essai ou projets arrêtés, ces projets viennent mettre les travailleuses et les travailleurs sous pression, en agitant la perspective du « dialogue social » (visage de l’union sacrée au service du patronat et du gouvernement) pour décider dans le dialogue et la bonne humeur qui seront les milliers de travailleurs condamnés au chômage, dans une période de récession mondiale où il sera difficile d’en retrouver, pour sauver non pas l’industrie mais les profits du patronat.

Ces annonces se combinent avec une offensive généralisée du patronat sur les conditions de travail. Rappelons, malgré les apparences de la situation où ils n’ont servi à rien sinon à pleurer dans les jupons du Trésor public, que ce sont les patrons qui prennent les risques, qui font tourner le monde, qu’il faut sauver etc. La situation doit donc selon les officiels de la bourgeoisie justifier toutes les attaques, temporaires jusqu’à une date qui sera éternellement repoussée, sur le renouvellement des CDD, sur les CSE, sur les heures supplémentaires, sur le recours à l’interim, sur l’extension du temps de travail et la remise en cause généralisée des 35 heures.

Interrogés par le Figaro, des avocats et spécialistes des restructurations d’entreprise s’attendent à voir de nombreux dossiers en redressement judiciaire, des dépôts de bilan et des licenciements d’ici l’été. En effet, les cotisations et charges fixes des entrepreneurs, allégés sur la période de cessation de l’activité (en mars/avril) vont se reporter sur le quatrième trimestre et rien n’affirme que leurs activités reprennent d’ici là comme avant le confinement. Désormais, c’est le capital financier, les banques qui vont faire la pluie et le beau temps qui vont avoir droit de vie et de mort sur certaines installations et sur leurs salariés. C’est déjà en quelque sorte le scénario à l’œuvre dans le dossier Conforama. Le groupe avait déjà fermé plusieurs magasins l’année dernière et licencié près de 2000 salariés. Son maintien dépend désormais d’un Prêt Garanti par l’Etat, financé par la BNP qui joue les abonnés absents lors des réunions et semble préparer la reprise de l’enseigne par le concurrent But.

Des phénomènes de faillites et d’absorptions, de concentration du capital tout à fait élémentaires aux crises capitalistes qui se régleront sur le dos des ouvriers. But avait déjà commencé à pointer le bout de son nez dans le dossier, mais une reprise d’entreprise signifiant la reprise tels quels des contrats de travail, avait finalement décliné. La mainmise de But ne sera donc évidemment pas gratuite et se fera au prix d’attaques sur les conditions de travail et sur la rémunération des ouvriers.

En attendant, ce sont 9000 emplois et jusqu’à 20.000 en comptant l’ensemble de la chaîne de fournisseurs et sous-traitants qui sont menacés par les spéculations et la concurrence des capitalistes, les emplois déjà menacés par les précédents plans de licenciement de Conforama étant en plus poussés à la sortie plus tôt que prévus.

Nafnaf vient de se placer en redressement judiciaire, les actionnaires de la Halle cherchent à profiter de la situation pour couler le navire, Derichebourg (3300 licenciements promis) et Daher dans l’aéronautique ouvrent le bal à de nombreux sous-traitants et à la tête de gondole Airbus qui laisse déjà 30 % de ses salariés en chômage partiel en profitant des nouvelles dispositions qui permettent l’individualisation du chômage partiel et donc de moduler les besoins de main-d’oeuvre aux frais de l’Etat. Chez Engie, ce seraient 15000 emplois menacés dans le monde, dont 9000 en France selon les syndicats. Les licenciements ne sont pas un « tabou » selon Jean-Pierre Farandou le patron de la SNCF qui fait planer cette menace sur les cheminots en même temps que l’offensive reprend contre les éléments perturbateurs qui ne laissent pas la direction sacrifier la santé des travaillleurs comme elle l’entend, à l’image de la tentative de licenciement de Eric Bezou, désormais entre les mains du gouvernement. Pas de tabou non plus chez Renault qui évoquait déjà cette perspective en janvier et qui parle maintenant de restructurations après avoir encaissé 5 milliards d’euros d’aides ! Idem pour Air France qui veut se séparer, par un plan de départ volontaires, de milliers de salariés, les poches désormais alourdies de 7 milliards d’euros d’aides étatiques ! Les compagnies aériennes vont licencier durement (3000 pour Ryanair, - 60 % des effectifs chez Air Canada, 12.000 chez British Airlines, 5000 chez les scandinaves de SAS...) tout en étant largement arrosées par les États dans le monde entier. Le tourisme va être durement frappé, AirBNB licencie 25 % de ses salariés à l’international (1900 emplois), 8000 dans le monde pour le groupe touristique allemand TUI.

De nombreuses entreprises voient donc aussi, sans devoir justifier forcément d’une quelconque mauvaise santé économique – les lois Macron en 2015, El Khomri en 2016, Travail XXL en 2017 ont sensiblement élargi les possibilités de licenciements pour les entreprises, au motif évidemment de... la lutte contre le chômage – une opportunité pour dégraisser leurs effectifs et annoncer des plans de départ. Le but de la concurrence que se mènent les capitalistes au cœur de la crise, c’est de savoir qui va y périr et qui va en sortir grandi.

Pour les patrons, administrateurs et actionnaires c’est un jeu de poker qui engage éventuellement des bouts de leur portefeuille mais qui ne les empêchera surtout pas de se recaser ailleurs. Pour les salariés, c’est la perspective du chômage, de la précarité et du flicage avec les nouvelles lois sur l’assurance-chômage. Pour des villes et des régions qui sont dépendantes de certaines industries, cela signifie aussi la perte potentielle de centaine de milliers d’emplois comme dans la région toulousaine avec l’aéronautique dont les activités induisent plus ou moins directement près d’un demi-million d’emplois !

La pandémie n’a été que l’étincelle qui a mis le feu à des barils de poudre très secs, et là depuis longtemps. Tous les indicateurs étaient au rouge depuis des mois avant le Covid. L’histoire de cette crise c’est la chronique d’un désastre capitaliste annoncé. Sur le terrain de la crise sanitaire, qui a évidemment accentué la crise économique, le capitalisme a montré son incapacité structurelle à mettre la vie avant les profits, et même à tourner au ralenti pendant tout juste deux mois sans risquer de faire exploser les tensions internationales et de condamner des milliards de personnes à la pauvreté et au chômage pour de longs mois encore à venir. Cette crise est en définitive le résultat de leur système, à eux de la payer. Ce sont les travailleuses et les travailleurs et les classes populaires qui ont payé (jusqu’à aujourd’hui, la réforme des retraites en était la forme la plus récente) le sauvetage des banques et des entreprises en 2008 ! Et si c’était à refaire ? Et la bourgeoisie ne va pas hésiter à recommencer, à peine plus de dix ans plus tard.

La réponse que les travailleuses et les travailleurs porteront face aux licenciements massifs va être un enjeu central de la situation. Face à des attaques de cette ampleur, il est évident en y réfléchissant un tout petit peu que toute solution individuelle est illusoire et vouée à l’échec. Pourtant les gouvernant, les capitalistes vont jouer cette carte jusqu’au bout, profiter du désespoir qu’ils créent pour diviser. L’enjeu de la réussite réside dans le maintien de l’unité de tous les salariés, une personne menacée de licenciement, c’est l’ensemble d’entre nous qui sommes menacés ! Pour cela, il va falloir se battre pour qu’il n’y ait aucun licenciement !.

Face à ce massacre de l’emploi, il n’y a pas de « dialogue social » qui puisse trouver une issue de compromis. « Etudier toutes les possibilités »« pour sauver l’emploi », la solution du moindre mal (un peu moins de licenciements et un bon nombre de renoncements) ne peuvent être des issues possibles. Alors qu’ils veulent nous faire payer leur crise en nous imposant une augmentation historique du chômage de masse, il faut lutter pour zéro licenciement, et le partage du temps de travail entre toutes et tous ! 

Après 2008, des luttes dures, héroïques ont eu lieu dans de nombreuses entreprises, souvent pour « vendre sa peau le plus cher possible ». Mais là n’est pas le problème pour les capitalistes, même en « faillite », ils trouveront de l’argent pour détruire des richesses, fermer des usines, détruire des emplois et des vies. La meilleure indemnité de départ ne dure pas éternellement et face à un chômage de masse n’est qu’une maigre garantie. La meilleure garantie c’est la sauvegarde sans conditions des emplois, il faut l’imposer aux patrons. Ceux qui aiment à se déclarer les premiers en faillite sans jamais montrer combien de millions ils ont engrangé ces dernières années et versé aux actionnaires, sont les premiers à trouver des moyens de continuer l’activité quand le rapport de force les y contraint.

 
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