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La Izquierda Diario
23 de septembre de 2020 Twitter Faceboock

Toujours du côté des patrons
Italie. Uber s’allie à un syndicat d’extrême-droite pour bafouer les droits des travailleurs
Eli Sand

Un exemple qui montre le vrai visage de l’extrême-droite mais également du patronat qui n’hésite pas à s’allier à elle pour protéger ses intérêts.

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Alors que des négociations étaient en cours depuis juillet, l’organisation patronale AssoDelivery décide s’allie au syndicat minoritaire UGL -proche de l’extrême droite italienne- pour parvenir à un accord permettant aux plateformes numériques de livraison de repas à domicile de contourner ses obligations sociales envers ses salariés. Sous couvert de l’application d’un « dialogue social » voulu par le gouvernement italien, l’AssoDelivery tente de négocier des accords minimaux, entérinant ainsi la précarisation de ses travailleurs.

Le 15 septembre dernier en Italie, les plateformes de livraison à domicile Uber Eats, Glovo, Deliveroo, Just Eats et Social Food, adhérentes du groupe de pression italien AssoDelivery signaient un accord pour réglementer le travail de leurs livreurs avec le syndicat UGL - Unione Generale del Lavoro (Union Générale du Travail) - proche de l’extrême droite italienne. "Pour la première fois en Europe", les « riders » travaillant pour ces plateformes ont une convention collective internationale souligne avec enthousiasme AssoDelivery. Une convention qui n’a de collectif que le nom et d’enthousiasmant que du point de vue de ces multinationales adhérentes de l’association patronale. De fait, cet accord social a minima permet à ces grosses entreprises d’éviter que le gouvernement italien ne les contraigne à accorder à leurs travailleurs-ses des droits sociaux plus avantageux.

En effet, en novembre 2019, suite à l’appel de certains livreurs auprès des tribunaux italiens pour obtenir un minimum de protection, le gouvernement italien a décidé de prendre un décret-loi donnant notamment aux motocyclistes des protections de bases comme la sécurité sociale ou les congés maladies, tout en maintenant leur statut d’auto-entrepreneurs. Or, concernant la rémunération des riders, le décret prévoyait une entrée en vigueur différée d’un an (3 novembre 2020), et donnait dès lors la possibilité aux conventions collectives de définir des critères de détermination de la rémunération globale. En l’absence de telles conventions, il est prévu que les travailleurs touchent un salaire horaire minimal établi à partir de conventions collectives nationales de secteurs similaires, et non plus fixé sur la base des livraisons effectuées comme c’est le cas aujourd’hui.

C’est ainsi que l’accord AssoDelivery-UGL pris le 15 septembre dernier prévoit notamment un tarif minimum de 10 euros brut de l’heure, des indemnités complémentaires pour travail de nuit, vacances et intempéries ou encore des équipements de sécurité fournis gratuitement. Des améliorations ultra-minimales, mais avec lesquelles l’AssoDelivery allié à l’UGL espère éviter l’intervention du gouvernement italien.

La démarche de fond d’AssoDelivery est donc moins de donner à ses « riders » une convention collective qu’une énième stratégie mise en place par ces entreprises pour contourner leurs obligations à l’égard de leurs salariés. Une stratégie néanmoins « innovante » cette fois-ci puisque soutenue par un syndicat minoritaire, d’une part, et qui se trouve être, d’autre part, en étroite collaboration avec la Ligue de Matéo Salvini. Un tandem dont la légitimité et l’intégrité de l’accord sont alors décriées par les autres syndicats.

Un accord « illégitime » et « pénalisant » contesté par les trois grands syndicats italiens

Dès le lendemain de la publication de cet accord AssoDelivery-UGL, les autres syndicats l’ont fortement et véhément contesté. La Confédération générale italienne du travail (CGIL), l’un des trois grands syndicats italiens avec la Confédération italienne des syndicats de travailleurs (CISL) et l’Union italienne du travail (UIL), qualifiait cet accord d’« opération qui prévoit un salaire bas en échange d’une plus grande précarité ! ». Un accord qualifié de « pénalisant » pour les travailleurs-euses puisque ces derniers ne bénéficieront pas du statut de salarié et conserveront celui de « travailleurs indépendants ». Une différence de statut qui entraine une différence de salaire, de droits et de sécurité pour les travailleurs et exempte l’entreprise du paiement d’impôts et de certaines cotisations sociales. Ce à quoi s’oppose d’ailleurs la CGIL ; interrogé par Politico, le syndicaliste Danilo Morini du CGIL expliquait : « Pour nous un livreur est un employé, il en a toutes les caractéristiques ».

Sous les critiques des autres syndicats et sous leur appel à la « grève et aux litiges judiciaires pour s’opposer à l’application du présent contrat », le ministère du travail italien a publié le lendemain une lettre remettant en cause la légitimité de cet accord, puisque l’UGL n’est qu’un syndicat minoritaire. Une réponse rapide de la part du gouvernement qui réagissait avant tout aux menaces de grève de la part des autres syndicats et moins pour protéger réellement les droits des travailleurs.

L’extrême-droite, ce fidèle allié du patronat

Comme le souligne Politico, cette décision du Ministère du travail italien est loin de signer la victoire des autres syndicats italiens. « L’opinion du ministère, bien que politiquement significative, n’est pas nécessairement contraignante. La validité de l’accord est susceptible d’être testée devant les tribunaux ». Autrement dit, si le ministère est intervenu aussi vite c’est avant tout pour faire taire les contestations et éviter des grèves dans le secteur de la livraison alimentaire ; nullement pour remettre en cause le contenu même d’un tel accord. Le chef d’accusation du Ministère envers l’accord est avant tout porté sur le statut de l’UGL en tant que syndicat représentatif, non pas sur les dispositions de cette convention.

Quoi qu’il en soit, ce que cet exemple montre c’est que les grandes multinationales n’hésitent pas à s’allier aux forces d’extrême-droite pour protéger leurs intérêts. Mais celui-ci montre aussi que l’extrême-droite est toujours et inévitablement du côté des patrons.

En ce sens, c’est très encourageant que les travailleurs aient décidé de prendre le guidon et de contester par eux-mêmes cet accord qu’ils qualifient de « pirate ». Ainsi la Riders Union Bologna, un groupe de livreurs circulant des les rues de Bolgone, avait lancé lundi 21 septembre une opération au siège d’UGL de Bologne. Plusieurs livreurs s’étaient alors réunis derrière la bannière qui disait « Non à l’accord d’arnaque. UGL serviteurs de maîtres », décriant la menace plus que sérieuse pour les droits des coureurs. Une première action qui sera suivi le 8 octobre d’un premier « grand rendez-vous », à la même date ou se tiendra une journée de mobilisation mondiale des « riders », lancée par les livreurs d’Amérique latine et qui a déjà enregistré de nombreuses adhésions dans le monde entier.

 
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