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La Izquierda Diario
30 de avril de 2021 Twitter Faceboock

La réaction en marche
Tribune des militaires : la campagne sécuritaire de Macron donne des ailes aux réactionnaires
Paul Morao
Nathan Deas

Si la tribune de Valeurs Actuelles a été signée par des généraux en retraite et des militaires qui ne sont, dans leur écrasante majorité, pas en activité, elle constitue un rappel du caractère réactionnaire de l’institution militaire. Une intervention d’un secteur de l’armée dans le champ politique qui doit être réinscrite dans une période d’offensive réactionnaire menée en premier lieu par Macron lui-même.

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Une prise de position inscrite dans la campagne réactionnaire initiée par le gouvernement

Dans une tribune publiée le 21 avril dans le journal d’extrême-droite Valeurs Actuelles vingt-quatre généraux à la retraite et plus d’un millier d’officiers et de militaires sont venus ajouter leur contribution à la campagne réactionnaire en cours. Ses rédacteurs et signataires, qui ne sont pour leur grande majorité plus en activité, rejouent en effet l’ensemble des thèmes de l’extrême droite, de l’« honneur de la patrie » à la guerre des civilisations, en passant par l’actualité du « délitement de la France » et de ses prétendus fossoyeurs : « l’antiracisme haineux », « l’islamisme » ou encore « les hordes de banlieue ». Menaçants, ils enjoignent le gouvernement à agir et se disent « disposés » à se mettre à son service. Dans le cas contraire, « si rien n’était entrepris », ils invoquent le spectre d’une « guerre civile » qui impliquerait « l’intervention de [leurs] camarades d’active » et des morts « qui se compteront par milliers ».

Si la plupart des signataires sont déjà connus pour leurs proximités avec l’extrême-droite et ne sont plus en activité, le texte vient réactiver une idée partagée dans l’armée, celle de son rôle de garante en dernière instance de l’ordre, y compris intérieur. Publiée par Valeurs Actuelles soixante ans jour pour après la tentative avortée du putsch des généraux de l’armée française à Alger, le 21 avril 1961, la symbolique est claire. Et si l’ennemi a changé, « la horde des banlieues » « islamisée » ayant remplacé l’algérien ou le communiste, c’est le même logiciel politique qui remue ces militaires retraités fascisants : défendre l’honneur de la partie, la survie de la Nation menacée par un prétendu ennemi intérieur.

Des idées qui sont loin d’être le fait d’une minorité marginale au sein de l’armée comme le note Eric Deroo, historien et documentariste spécialiste de l’armée : « l’appel des généraux scrogneugneu n’est que la croûte du gratin, mais ça bouillonne en dessous ». La tribune a d’ailleurs suscité une réaction de soutiens de la part d’autres haut-gradés, surenchérissant sur le texte d’origine dans une lettre ouverte.

De façon plus inquiétante, le texte a également reçu des réactions favorables sur les réseaux sociaux autour du #soutienauxgeneraux. Or ici, par-delà le caractère inédit d’une telle intervention politique, il faut noter le propos de la tribune des militaires apparaît comme une redite de la campagne réactionnaire initiée par le gouvernement depuis l’été dernier et reprise en boucle et en permanence depuis. Une campagne qui s’accompagne d’effets de la loi séparatisme, à l’amendement anti-UNEF, en passant par la chasse aux sorcières islamo-gauchistes et dernièrement les états généraux de la laïcité. Loin d’être l’apanage de l’extrême-droite, celle-ci est impulsée depuis l’exécutif, reprise par l’écrasante majorité des forces politiques y compris une partie de la gauche institutionnelle.

Face à la tribune des militaires, l’impasse des issues institutionnelles

Comme la campagne réactionnaire du gouvernement, la tribune des militaires est indissociable d’une période marquée par une instabilité croissante, un risque d’explosions sociales et une préparation des classes dominantes à de telles perspectives. A l’issue d’un quinquennat marqué par des épisodes de luttes des classes historiques, des Gilets jaunes à la lutte contre la réforme des retraites, en passant par les importantes mobilisations antiracistes et contre les violences policières, elle exprime une forme de défiance des secteurs les plus réactionnaires vis-à-vis de la capacité du gouvernement et de son successeur à maintenir l’ordre.

Ce constat, que venait déjà étayer la mise en place de la loi sécurité globale, légalisant des pratiques mises en œuvre dans la répression du mouvement des Gilets jaunes (drones, répression des journalistes) pour mieux préparer les prochains affrontements de classe, souligne le caractère entièrement erroné des réponses qui se situent sur un terrain institutionnel. Face au texte, la gauche institutionnelle s’est en effet empressée de demander à Macron une condamnation des propos factieux et des sanctions contre « ces agités » selon les mots de Jean-Luc Mélenchon. Si mardi, Florence Parly, ministre des armées a fini par demander des sanctions, cette interpellation du gouvernement masque non seulement sa responsabilité dans la séquence actuelle, mais s’accompagne du côté de La France Insoumise d’une tentative d’opposer « l’armée républicaines » aux « agités » de la tribune. La dénonciation d’une « tribune d’extrême droite » accouche ainsi d’une tentative de réhabilitation de l’institution, de ses prétendues « valeurs républicaines » et de son rôle impérialiste et réactionnaire. [1]

De l’autre côté de l’échiquier politique, Marine le Pen a salué les signataires en les appelant à se « joindre à son action pour prendre part à la bataille qui s’ouvre » dans un texte publié par Valeurs Actuelles. A un an des présidentielles, l’enjeu pour la présidente du Rassemblement National est double, d’une part imposer le tempo politique et obliger l’ensemble de l’échiquier politique à prendre position d’autre part incarner autour de cette tribune de militaire le maintien de l’ordre cherchant à batailler l’électorat LR en dispute avec Macron. Pour autant, cette prise de position de Marine le Pen détonne au regard de sa politique visant à se « présidentialiser » achevant sa mue en soutien assumé à l’ordre néo-libérale. Une contradiction qu’on peut analyser comme une tentative d’approfondir et capitaliser les éléments de crise qui ne cessent de s’accumuler le terrain du « maintien de l’ordre », le tout à quelques jours de l’attaque de Rambouillet.

Comme mentionné plus haut, le texte des militaires signataires et de ceux qui les soutiennent en silence dans la « Grande muette » constitue avant tout une pression exercée sur le champ politique, au service de la consolidation de la dynamique réactionnaire qui y prévaut dans une période d’instabilité. Un encouragement, teinté de menace, à continuer dans la direction sécuritaire en cours, qu’assume de façon croissante Macron, comme Le Pen ou les diverses figures des Républicains. Pour notre camp social et la classe ouvrière la menace doit être entendue, mais à l’heure où une nouvelle brèche s’ouvre au sein des classes dominantes, et quand la bourgeoisie veut nous faire à tout prix payer la crise, l’enjeu central est de travailler à l’unité de notre classe pour préparer les affrontements à venir. Celle-ci suppose d’opposer une critique sans concession au discours pointant un ennemi intérieur, mais également de rompre avec la stratégie de conciliation qui prévaut dans le mouvement ouvrier et la majeure partie de la gauche pour construire un plan de bataille à la hauteur de la période à venir.

[1] La réponse aux factieux s’est même accompagnée du côté de LFI d’une surprenante réhabilitation de De Gaulle, lequel n’aurait rien à voir avec de telles pratiques... C’est mal connaître, ou feindre d’ignorer l’origine de la Vème République, née du coup d’État militaire de mai 1958 qui porte De Gaulle au pouvoir sur la promesse, finalement trahie, de s’opposer à l’indépendance de l’Algérie.

 
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