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La Izquierda Diario
1er de octobre de 2021 Twitter Faceboock

Grève chez Sanofi
« S’il faut bloquer la production 6 mois, ce sera 6 mois » : la grève chez Sanofi se renforce à Elbeuf
Louis McKinson

Alors que le groupe pharmaceutique s’apprête à concrétiser son projet d’externalisation-liquidation de 6 usines, les ouvriers du site d’Elbeuf vont entamer leur quatrième semaine de grève. Un mouvement amené à se durcir face au silence de la direction.

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Voilà déjà trois semaines que les travailleurs de Sanofi sur le site de Saint-Aubin-lès-Elbeuf (76) débrayent à raison d’une heure par jour et par quart. Si la production n’est pas bloquée, elle en est pourtant grandement atteinte à cause du caractère biologique et chimique des processus qui sont ceux de l’usine. En effet les opérations, notamment de fermentation, arrêtées pendant une heure par les salariés ne peuvent pas être relancées sans des contrôles techniques et de sécurité.

Depuis le 6 septembre, jour du début de la grève, les travailleurs n’ont cessé de reconduire le mouvement en Assemblée Générale. Avec le ralliement de nombreux salariés d’autres sites venus apporter leur soutien à leurs camarades normands, le 14 septembre a constitué un jalon important pour la lutte. Ce jour également, les grévistes ont reçu la visite de François Ruffin venu lui aussi apporter son soutien aux travailleurs mobilisés.

Alors que le processus d’externalisation de leur outil suit son cours, les ouvriers en lutte se préparent à une grève de longue haleine pour imposer leurs revendications et entendent mettre fin au silence radio de la direction du groupe.

Avec leur éviction de Sanofi au profit de la pseudo-filiale EuroAPI, c’est non seulement leurs droits et leurs acquis qui vont être rabotés mais l’usine elle-même qui est sur la sellette. Avec cette opération, le groupe se défausse ni plus ni moins de la responsabilité financière, sociale, mais aussi écologique et sanitaire de 6 de ses sites européens.

Entre le site d’Elbeuf en Seine-Maritime, de Vertolaye dans le Puy-de-Dôme, de Brindisi en Italie, Haverhill en Angleterre, Upjest en Hongrie et Francfort en Allemagne, c’est l’avenir de 3000 salariés qui est menacé par cette opération, dont un millier en France.

Externaliser ou l’art de détruire

Dans un communiqué du 24 février, la multinationale annonçait la « création d’un leader européen des principes actifs (API) ». Les principes actifs étant les substances qui, dans un médicament, ont un effet thérapeutique. En vérité, sauf au point de vue actionnariale, l’entreprise ne crée rien, elle se déleste de 6 sites qui existent déjà et les intègre dans une pseudo-filiale : EuroAPi.

EuroAPI à propos de laquelle, continu le document, Sanofi « resterait pleinement engagé dans la réussite sur le long terme et conserverait une participation minoritaire d’environ 30 % dans le capital de la nouvelle société ». Autrement dit, Sanofi annonce qu’une fois cette nouvelle entreprise crée — entreprise dont elle estime le chiffre d’affaires à un milliard — elle en vendra (et encaissera) 70 % des parts.

Enfin, les communicants de l’entreprise se payaient même le luxe de brosser le chauvinisme européen dans le sens du poil en suggérant que cette opération répondait aussi à la débâcle sanitaire : « Dans un contexte de pénurie croissante de produits pharmaceutiques indispensables aux soins des patients, la nouvelle entité contribuerait à sécuriser la fabrication des API ainsi qu’à développer les capacités d’approvisionnement pour l’Europe et au-delà. Il apporterait un équilibre européen dans une industrie très dépendante de l’Asie ».

Or évidemment la viabilité de ces 6 unités européennes de productions en dehors de Sanofi sera beaucoup plus précaire et coïncide bien plus à une liquidation de son appareil productif sur le vieux continent qu’à une quelconque souveraineté ou protectionnisme sanitaire européen. En dernière analyse, non seulement les prémisses sont fausses et puantes, mais en plus Sanofi fait exactement l’inverse de ce qu’il dit. Exactement à la manière dont elle détruit quand elle dit créer ou se désengage quand elle dit s’engager.

Sanofi n’a des yeux que pour ses profits

Derrière toutes ces bonnes intentions, le motif de l’opération est clair, il s’agit de réorienter la production vers des activités relativement plus profitables.

Qu’importe l’intérêt thérapeutique de principe actif comme la pristinamycine (molécule de base de l’antibiotique Pyostacine qui est prescrit en particulier en 2nde intention à l’hôpital pour des infections des voies aériennes supérieures, seul antibiotique qui ne rencontre pas encore de résistance, et que seul les ouvriers d’Elbeuf produisent au monde) ou de la vitamine B12 (médicament classé d’intérêt thérapeutique majeur [ITM] selon le Code de la santé publique et qui n’est produit qu’en Chine sinon), la multinationale n’a d’yeux que pour ses profits.

En fait, si les usines sont rentables, que la chimie est un est secteur plus rentable que le luxe, que Sanofi a dégagé 12 milliards de bénéfices en 2020, l’entreprise a besoin de cash pour investir dans des activités encore plus rentables. C’est à ce besoin que répond la mise en bourse prévue au printemps d’EuroAPI, elle doit permettre des acquisitions à plusieurs milliards de dollars dans les biotechnologies ou encore dans l’ARN messager.

Sous les mensonges la grève

Avec la naissance annoncée d’EuroAPI le Ier octobre, l’outil industriel des ouvriers de Sanofi s’engage sur une voie bien connue. C’est celle qu’a suivi la raffinerie de Petite-Couronne (76) vendue par Shell à PetroPlus et fermée 5 ans plus tard, la même qu’a suivi le site Sanofi de Procheville, vendu à l’entreprise Covance avant de fermer lui aussi ses portes 5 ans après.

Ici ce n’est pas une vente, mais une externalisation, alors effectivement dans un tel processus il y a souvent, et comme ce sera le cas pour EuroAPI, un contrat d’exclusivité qui engage l’entreprise cédante pour une durée déterminée (généralement 5 ans) à acheter les volumes produits par l’entreprise externalisée pour la lancer. Mais ces contrats n’ont pas vocation à être renouvelés. En clair, EuroAPI a cinq ans pour se développer alors qu’elle part avec un passif non négligeable, comme le précise le communiqué de Sud Chimie

En effet, EuroAPI devra assumer toute seule les investissements de remise à niveau, soutenir d’elle-même les projets initiés par Sanofi et qu’elle n’a pas choisi, toutes choses pesant lourdement sur la capacité de la nouvelle entreprise à se développer.

C’est à ce titre que les ouvriers réclament : « des garanties écrites sur les investissements, les activités, les emplois et la pérennité du site. Des garanties sur le maintien des acquis dans EuroAPI. Un engagement écrit et ferme de Sanofi à reclasser ou indemniser les salariés d’EuroAPI en cas d’échec du projet au bout de 5 ans. Un financement par Sanofi de la remise en état des installations sur les sites cédés à EuroAPI. Un financement par Sanofi des projets déjà identifiés, projets sans lesquels le projet EuroAPI sera voué à l’échec. Ainsi qu’une attribution d’une prime de transfert de 50 000 € ».

Alors que la CFDT et la CGC essayent de noyer le poisson en défendant un accord de méthode qui remettrait la lutte à dans trois ans, quand il sera trop tard pour obtenir des garanties de la part de Sanofi, il n’y a que la grève ici et maintenant qui puisse faire céder la direction.

L’idée également que l’État ne joue pas son rôle constitue une illusion néfaste. Le seul rôle que l’État peut être amené à jouer dans cette histoire c’est celui de porte-flingue de Sanofi. Il faut dès à présent saluer et encourager la détermination des ouvriers qui sont les seuls à mériter nos espérances. Si cette lutte éminemment progressiste se solde par une victoire, c’est au mouvement ouvrier qu’il faudra l’imputer et à personne d’autre.

 
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