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La Izquierda Diario
29 de novembre de 2021 Twitter Faceboock

En grève !
Grève à Leroy Merlin : « Les payes à quelques centaines d’euros c’est difficile et ça impacte mes études »

Depuis le 17 novembre, les salariés de Leroy Merlin sont en grève pour exiger des augmentations de salaires. Selon le journal l’Humanité, deux semaines après le début de la mobilisation, la colère s’est désormais étendue à plus de la moitié des 140 magasins de l’enseigne. Entretien avec Antoine*, un gréviste de 23 ans, sur cette grève inédite.

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Source photo : Facebook CGT Leroy Merlin

RP : Tu peux te présenter et nous expliquer les raisons de la grève ?

Je m’appelle Antoine*, j’ai 23 ans, je suis étudiant et je travaille depuis plus d’un an en temps partiel sur un magasin Leroy Merlin dans la région des Hauts-de-France. Je ne suis pas syndiqué mais je participe à la grève depuis le début. C’est la première grève de ma vie et j’ai l’impression que c’est une mobilisation assez inédite pour l’entreprise.

L’origine de la colère, c’est évidemment les conditions de travail pendant la pandémie. C’est beaucoup monté récemment suite à des négociations annuelles obligatoires (NAO) pourries. En réaction à ça, une intersyndicale réunissant CGT, FO, CFTC et CFDT a lancé un appel à la grève pour le 17 novembre qui a été très suivi, notamment dans les entrepôts logistiques qui sont pour la majorité bloqués depuis plus d’une semaine.

Après le confinement, on s’est dit qu’on allait avoir un peu de reconnaissance, plus de pouvoir d’achat. Mais aujourd’hui, au vue de ce que propose la direction, c’est loin d’être le cas, donc pour faire reconnaître tous les efforts qu’on a pu faire pendant la pandémie et pour être entendus, on se met en grève. Certains bossent ici depuis 15, 20 ans et veulent juste avoir un peu de pouvoir d’achat, surtout avec la hausse des prix qu’on connaît en ce moment.

Moi je travaille au secteur logistique directement sur un magasin et pour cette deuxième semaine de grève, on est plus de la moitié de mon secteur à être mobilisés. Sur les plus grosses journées, donc du mardi au samedi, on est là pour tenir le piquet de grève devant le magasin et distribuer des tracts à la clientèle.

RP : Quelles sont vos revendications précises, et comment la direction a réagit ?

Nous on revendique 80 euros brut d’augmentation de salaire par mois. Comme disent les collègues, « on veut des salaires pour vivre et pas survivre ». On veut aussi revoir le système de primes, qui fonctionne avec des pourcentages et qui est donc inégalitaire et injuste pour les plus bas salaires, puisque ce sont les plus gros salaires reçoivent des énormes primes. On demande donc un système de prime égalitaire. Et pour finir, on veut qu’au moins la moitié des jours de grève soient payés.

Au début, la direction faisait la sourde oreille. Le directeur général de Leroy merlin avait même menti dans la presse sur le nombre de grévistes, et depuis ils ne communiquent plus rien. Jusqu’à maintenant ils ne voulaient rien entendre, mais le 30 novembre à dix heures va se tenir la première discussion entre la direction et l’intersyndicale.

Nous de notre coté on est ultra déterminés. On a pas trop d’illusions dans cette première réunion, la direction a fait comprendre qu’elle voulait seulement « discuter » et pas forcément négocier. Mais face à ça, tous les collègues sont ultras chaud de continuer, parce qu’on sait que pour imposer nos revendications, il faut un rapport de force.

RP : Beaucoup de jeunes travailleurs ont subi la pandémie, soit en perdant leur travail avec pour certains l’aide alimentaire comme seule solution, soit en étant la seconde ligne avec des hausse de cadences et des salaires souvent très bas. Comment s’est passé l’arrivée du Covid pour toi ?

Moi je suis un jeune étudiant de 23 ans qui est arrivé dans l’entreprise pendant les rushs du Covid. Scolairement c’était assez chaotique, et au travail c’était extrêmement physique, on avait des cadences infernales et on manquait de personnel. Quand tu rentre explosé à la maison, tu te demande pourquoi tu te casses le dos pour un salaire de 400 euros. Le métier qu’on fait nous abîme la santé, on mérite beaucoup plus que le SMIC.

Aujourd’hui, c’est trop insultant de garder un salaire si bas vu les efforts qu’on a fourni. Surtout que certains collègues sont totalement à bout, ça fait 20 ans qu’ils sont dans l’entreprise avec des bas salaires. Pendant les rushs du Covid, des collègues faisaient du 45 heures par semaine, c’est invivable. C’est aussi pour les soutenir que je suis dans la grève, quitte à perdre un salaire, tant pis, on reste déterminé.

RP : Leroy Merlin c’est un des bijoux de la famille Mulliez, la septième fortune de France qui cumule 24 milliards de fortune selon Challenges. Le groupe possède de nombreuses enseignes comme Auchan et Chronodrive qui ont battu des records de vente pendant la pandémie. C’est la même situation pour vous ?

On connaît bien la famille Mulliez. Quand je suis arrivé dans l’entreprise, j’ai été choqué de tout le discours qu’il nous sorte sur l’entreprise, l’esprit familial etc... A la fin, on voit que le groupe pèse des milliards avec des dizaines d’enseignes en sa possession. Mais ces milliards qui sont dans la poche des Mulliez, ils n’arrivent pas de nul part, c’est notre travail qui le permet.

Comme tu dis, surtout pendant le Covid j’avais jamais vu des chiffres d’affaires pareils. Décathlon et Chronodrive ont fait des gros chiffres aussi. Nous, à Leroy Merlin, on a connu une situation de rush constant du mois de février à avril. Forcément, beaucoup d’argent a été gagné, et aujourd’hui on fait grève pour reprendre ce qui nous revient.

RP : Dans un contexte de hausse générale des prix, que penses-tu de la politique que mène le gouvernement, comme le chèque énergie annoncé récemment ?

Pour moi c’est simple, on a pas connu pire que ce gouvernement pour les jeunes. Il y a eu le Covid, où tout le monde parlait des étudiants avec les queues pour les colis alimentaire, mais malheureusement ce n’est pas une situation nouvelle. La précarité étudiante existait déjà avant, mais avec le Covid elle s’est aggravée. Pour commencer, c’est honteux de devoir travailler pour financer des études. Moi si je travaille, c’est que je suis obligé de payer un loyer, ma bouffe etc. Avec des payes à quelques centaines d’euros c’est loin d’être évident et ça impacte forcément mes études.

Les mesures du gouvernement pour la jeunesse c’est uniquement de la poudre aux yeux. Et ça s’est bien vu, parce que quand la question de la précarité étudiante a été mise au devant de la scène au début de la crise sanitaire, le gouvernement s’est empressé de parler de « l’islamo-gauchisme » dans les facs pour détourner l’attention des vrais problèmes.

RP : Comment vois-tu la suite de votre grève ? Vous avez des liens avec des salariés d’autres entreprises dans lesquelles il y a eu des grèves comme Décathlon par exemple ?

Oui, on voit que ça bouge dans d’autres entreprises aussi. A notre niveau, on a discuté avec les représentant syndicaux qu’il fallait continuer la grève et bloquer les magasins et les entrepôts. Il faut continuer sur une voie radicale car c’est comme ça qu’on pourra vraiment obtenir ce qu’on veut.

Mais il faut également faire le lien avec les autres enseignes, et des employés de Auchan et Décathlon sont par exemple venus nous voir. Plus largement, dans le groupe Mulliez, on sent que la tension monte. Il y a aussi un Chronodrive à côté de notre magasin, et on essaye de les faire venir. C’est quelque chose qui serait énorme, si on arrivait à construire une mobilisation commune.

Pour soutenir les grévistes de Leroy Merlin, participez à leur caisse de grève ici

*le nom a été modifié

Propos recueillis par Rafael Cherfy, responsable section CGT Chronodrive

 
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