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27 de janvier de 2022 Twitter Faceboock

Mouvement ouvrier
Grève du 27 janvier. Une journée en deçà de la colère latente, quelles perspectives ?
Antoine Bordas

Ce jeudi, une journée de grève interprofessionnelle était appelée par l‘intersyndicale, autour de la question des salaires et de l’emploi. En dépit de la colère profonde dans l’éducation nationale, cristallisée le 13 janvier dernier, et de l’existence de conflits locaux sur les salaires, la mobilisation est restée limitée, en-deçà du 5 octobre dernier. Alors que les directions syndicales ont rendez-vous demain pour penser la suite, quels bilans tirer de la séquence ?

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Une mobilisation décevante sur la question brûlante des salaires

Ce jeudi 27 janvier, des manifestations se sont élancées à travers tout le pays pour une journée de grève interprofessionnelle. Appelée par une intersyndicale CGT-FO-FSU-Solidaires autour de revendications sur les salaires, la date était la première échéance nationale interpro de 2022.

A Bordeaux et Toulouse les cortèges se sont élancées dès le matin, réunissant respectivement près de 4000 et 3000 manifestants. Dans toute la France, des manifestations ont eu lieu. A Paris, 20.000 personnes ont défilé d’après les syndicats après un meeting sur la place où se sont notamment exprimés les dirigeants confédéraux. On comptait dans le même temps 4.000 manifestants à Lyon, 4500 à Lille, 2000 à Montpellier, 1000 à Clermont-Ferrand, plus de 1000 à Nice,

Si les rassemblements ont été relativement nombreux, « près de 170 » selon Le Monde, et parfois combatifs, la mobilisation est ainsi restée limitée. A ce titre, l’intersyndicale a annoncé que plus de 150.000 personnes étaient mobilisées ce jeudi, soit moins que lors de la dernière date interprofessionnelle du 5 octobre 2021.

Un bilan en demi-teinte qui se retrouve du côté des secteurs en lutte. A commencer par l’éducation nationale où, comme souvent, la journée s’est ouverte par des blocus de lycées, témoignant d’une colère d’une partie de la jeunesse. Comme le 13 janvier, ceux-ci ont été violemment réprimés. A Paris, c’est à coup d’interpellations et de matraques que la police à mis fin aux blocus. A Rennes, une lycéenne de Brequigny a été blessé au crâne par la police et emmenée à l’hôpital.

Les personnels de l’éducation nationale, dont la colère est toujours latente après la grève historique du 13 janvier, étaient également mobilisés, pointant notamment la question de leurs salaires. A Paris, deux cortèges de personnels de l’éducation nationale de différents établissements d’Ile-de-France se sont même constitués derrière des banderoles « Blanquer démission », témoignant d’une colère latente. Pour autant, le taux de grévistes était loin de celui du 13 janvier, avec par exemple près de 20% de grévistes dans le premier degré selon le Snuipp-FSU, contre 75% le 13 janvier. Un regain de mobilisation par rapport au 20, mais qui n’efface pas le poids de la politique des directions syndicales qui a largement contribué à démobiliser les personnels de l’éducation nationale.

Plus largement, la mobilisation a eu du mal à exprimer la radicalité qui peut exister dans des conflits locaux. A Paris toujours, des secteurs en lutte étaient, à l’image des travailleurs sans papiers de Chronopost à Paris, formant un important cortège derrière le ballon SUD PTT, ou des travailleurs de la Fnac Saint-Lazare, en grève reconductible pour leurs salaires. En Gironde, les Dassault et leurs soutiens ont manifesté jusqu’à Thalès. Mais nationalement, les mobilisations historiques autour des salaires dans la grande distribution, l’agro-alimentaire ou l’industrie se sont peu exprimées.

Alors que l’inflation continue de progresser, et que le prix du carburant s’envole de même que certaines denrées alimentaires, les salaires sont pourtant au cœur des enjeux d’une grande partie du monde du travail. En ce sens, si la journée n’a pas réussi à faire converger les colères, il faut poser la question du bilan de la politique des directions syndicales.

Face à la peur du gouvernement, l’urgence d’un plan de bataille

Alors que les directions syndicales se réunissent demain pour fixer la suite de la mobilisation, le bilan de la journée du 27 janvier s’explique par les limites d’une mobilisation sans perspective. Un constat comparable à celui du 5 octobre dernier. Comme le pointait Anasse Kazib, cheminot et candidat à la présidentielle, à l’AG de Paris Nord ce jeudi matin : « Tout le monde dit qu’on n’arrive pas à vivre comme ça. J’ai fait récemment un plein à 102€, un plein à trois chiffres ! Comment ça se fait qu’il y a si peu de mobilisation ? Le souci c’est que quand on va voir nos collègues ils nous demandent c’est quoi la suite ? Ils comprennent bien que ce n’est pas avec une journée de 24h qu’on va augmenter les salaires de 300€ ! Pourquoi on se contenterait de journées sans perspectives ? »

Ce bilan apparaît pourtant paradoxal si l’on regarde du côté du gouvernement, qui craint plus que tout la colère par en bas. Une crainte qui explique notamment la réactivité de Jean Castex sur le prix du carburant, qui ne s’est cependant soldée que par quelques miettes. Ce mercredi, dans le journal patronal Les Échos, Dominique Seux pointait en ce sens « une grogne sociale inhabituelle et qui inquiète au plus haut sommet de l’État ». Et d’évoquer les « près d’un tiers des enseignants en grève il y a deux semaines, un peu plus chez les personnels d’EDF ce mercredi, mouvement interprofessionnel ce jeudi à l’appel de cinq syndicats, mécontentement patent à l’hôpital et fébrilité dans les transports privés : c’est sûr, ce début d’année 2022 est atypique. ».

Or, alors que le gouvernement se méfie plus que tout de la rue, la politique des directions syndicales reste de n’appeler qu’à des dates isolées. Alors que celle-ci a déjà contribué à dilapider en partie la mobilisation des personnels de l’éducation nationale, il faudrait à l’inverse forger un véritable plan de bataille, qui s’appuie sur les secteurs les plus déterminés et les conflits locaux pour chercher à généraliser et étendre la colère.

Une telle perspective semble très loin de l’optique de l’intersyndicale, qui s’élargira ce vendredi à l’UNSA et la CFE-CGC pour discuter de la suite du mouvement. C’est pour ça qu’il est fondamental d’appuyer les luttes partout où elles existent et d’encourager l’auto-organisation et la coordination de celles-ci, pour poser les bases de la généralisation de la colère de demain.

 
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