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17 de juin de 2022 Twitter Faceboock

Economie
Etats-Unis. Face à l’inflation, la Fed annonce la plus forte hausse de ses taux directeurs depuis 28 ans
Nathan Deas

Pour contrer l’inflation, qui a atteint 8,6% en mai, la banque centrale américaine a augmenté ses taux à court terme de 0,75 points. Un autre ajustement de cette ampleur pourrait suivre. Ce mouvement inédit, depuis 1994, aura un impact mondial.

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Crédit photo : AFP / Olivier DOULIERY

Face à la flambée des prix, la Fed double ses taux directeurs

Mercredi, le président de la banque centrale américaine, M.Powell, a confirmé un resserrement de la politique monétaire de l’institution fédérale américaine en réponse à l’inflation actuelle, à son plus haut niveau depuis 40 ans. Le chiffre calamiteux de l’inflation de mai, publié vendredi 10 juin, a provoqué un électrochoc sur l’institut monétaire. Dans un communiqué de presse la Réserve fédérale (Fed) explique : « L’inflation reste élevée, elle reflète les déséquilibres de l’offre et de la demande liée à la pandémie, la hausse des prix de l’énergie et les pressions plus générales sur les prix » (sic).

La (Fed) a donc décidé de doubler ses taux directeurs, après que l’inflation a atteint 8,6% au début du mois. La banque centrale américaine a augmenté ses taux à court terme de à 0,75 points, une hausse inédite depuis 1994. Les taux se situent désormais dans une fourchette comprise entre 1,50 et 1,75%.

De prochains équilibrages pourraient advenir dans les mois qui viennent. Ainsi, M.Powell a d’ores et déjà envisagé une nouvelle hausse des taux de 0,5 à 0,75 points à l’occasion de la prochaine réunion de juillet. D’ici à la fin de 2022, ceux-ci pourraient atteindre 3,4, et 3,8% en 2023 selon les objectifs de la Fed.

Il s’agit d’une révision à la hausse considérable depuis les prévisions de mars, l’institution prédisant à l’époque des taux à court terme de 1,9 % et 2,8 % seulement fin 2022 et 2023. Longtemps, la Fed a semblé tergiversé à propos de la politique monétaire à mener.

« Les faibles taux d’intérêt sont préjudiciables parce que trop d’emprunts à des taux bon marché pourraient conduire à une inflation plus élevée et soutenue si l’offre ne peut pas correspondre à l’accélération de la demande. Dans le même temps, les emprunts pour la spéculation sur les actifs financiers et l’immobilier se poursuivront. D’autre part, la hausse des taux d’intérêt augmentera le coût du service de la dette existante, qui atteint maintenant des niveaux records, ce qui pourrait éventuellement conduire à des défauts de paiement, des faillites et un krach financier. » résumait Michael Roberts à la sortie de la pandémie.

Dans ce contexte, le durcissement des mesures a d’abord été loué par les marchés financiers, après un lundi « noir » des principales places boursières en début de semaine qui avait entraîné dans sa chute le cours des crypto-monnaies et fait miroiter le risque de défauts de paiement dans certaines économies « émergentes ». Mais jeudi, la Bourse US a à nouveau clôturé en nette baisse, les investisseurs craignant une récession de l’économie suite aux annonces de la Fed. Le Dow Jones a coulé de 2,41%, le S&P 500 a lâché 3,25% et la Nasdaq 4,08%.

Faire baisser l’inflation en s’attaquant aux salaires ?

A première vue, l’objectif des politiques de contraction de la Fed est de s’attaquer à la poussée inflationniste, en refroidissant l’économie, en décourageant à la consommation et en rendant l’accès au crédit plus coûteux. Pour l’heure, si les taux directeurs n’ont pas encore été considérablement augmentés, ils ont déjà conduit à une hausse du loyer de l’argent sur les marchés, notamment pour les prêts immobiliers, et à une chute de la Bourse comprise en 20 et 30%, autant d’éléments qui doivent contribuer à refroidir l’économie.

Alors que l’économie mondiale pourrait se diriger vers une nouvelle récession, avec des dangers de famine dans les pays pauvres, de crise climatique et de hausse des prix, la question est de savoir quelles recettes adopter pour faire baisser le niveau général des prix.

Aux Etats-Unis, le plan agressif de la Fed pourrait augmenter le chômage en décourageant les investissements. Et donc préparer le terrain pour des « baisse des salaires ». Dans cette perspective, M.Powell faisait déjà valoir depuis plusieurs semaines que « les salaires augmentent à un rythme effréné, le plus rapide depuis plusieurs années » et qu’il y avait trop d’emplois à un « niveau [salarial] malsain ». En réalité, les hausses de prix dépassent la croissance des salaires presque partout dans le monde et la plupart des travailleurs et des classes populaires doivent déjà faire face à une perte du revenu disponible.

C’est ce que souligne l’économiste Michael Roberts sur son blog dans un article, Inflation : wages versus profits : « Depuis l’effondrement lié à la crise du COVID, la part des revenus allant aux travailleurs et aux salaires réels a chuté drastiquement en même temps que le chômage baissait. [...] La montée de l’inflation n’a pas été causée par quoi que ce soit ressemblant à une surchauffe du marché du travail 一 elle a au contraire été alimentée par des marges bénéficiaires plus élevées et des goulets d’étranglements des chaînes d’approvisionnement. Ceci signifie que l’augmentation des taux d’intérêt par les banques centrales afin de « refroidir » les marchés du travail aura peu d’effet sur l’inflation et risque au contraire d’entraîner une stagnation dans les investissements et la consommation, et de provoquer une récession. »

Aussi, le président de la Fed ne dit rien sur la croissance des inégalités et ne voit aucun problème à ce que les milliardaires aient vu leur richesse se démultiplier pendant la pandémie pendant que des millions de personnes étaient plongées dans la précarité. Mais cette promesse de nouvelles attaques contre les travailleurs intervient précisément, là où, dans la première économie mondiale, un processus de syndicalisation a vu le jour dans des branches liées à la logistique comme Amazon. De quoi promettre de nouveaux épisodes animés sur le terrain de la lutte des classe aux Etats-Unis mais aussi à l’échelle internationale alors que le niveau de dépendance des économies mondiales relatif à l’internationalisation du capital et aux dites chaînes de valeurs est très élevé.

Quelles conséquences ?

Pour cause, le PIB (Produit Intérieur Brut) des Etats-Unis équivaut à 25% du total mondial et de nombreux pays entretiennent des relations économiques privilégiées avec la puissance américaine. Pour les pays sous domination impérialiste, en retard économiquement et dépendants, comme ceux d’Amérique latine ou d’autres régions du monde, cette décision de la Fed risque d’avoir des conséquences importantes et d’accroître la subordination au FMI (Fond monétaire international).

De plus comme le note Michael Roberts dans The scissors of slump ces derniers mois :« la croissance de la productivité a été épouvantable. De plus en plus d’Américains sont retournés au travail depuis la pandémie, mais la production nationale ne correspond pas à l’augmentation de l’emploi, de sorte que la productivité par travailleur s’est effondrée – à partir de taux de croissance déjà faibles. ».

Le relèvement des taux a déjà conclu à une baisse des perspectives de production aux Etats-Unis et devrait accoucher d’une croissance plus faible, ce qui pourrait entraîner une baisse durable du PIB et une possible récession. Des millions d’emplois et les revenus de millions de travailleurs seraient alors mis en péril dans le monde. En clair, alors que l’inflation des prix des biens et des services ne semble pas devoir diminuer dans les grandes économies cette année, les perspectives s’annoncent moroses pour les travailleurs, en premier lieu dans les économies dépendantes. Plus que jamais, il sera nécessaire d’aller à l’affrontement avec les ajustements des gouvernements et les attaques des patrons.

 
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