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5 de août de 2022 Twitter Faceboock

Première ligne
Les patrons jouent avec nos vies. Quatre morts en deux semaines à cause du travail en pleine canicule
Seb Nanzhel

Le lundi 18 juillet, un ouvrier mourait sur un chantier après avoir travaillé sur une nacelle en pleine chaleur. D’après l’agence Santé Publique France, il serait le quatrième travailleur en deux semaines tué par le travail en pleine canicule. Alors que la mort d’ouvriers et les accidents de travail sont les derniers des soucis du gouvernement et du patronat, il devient vital de leur imposer des aménagements de travail face à la chaleur.

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Credit photo : AFP

Cette année, les vagues de canicule se succèdent. Alors que seuls les profits du patronat dictent l’organisation du travail, l’activité sous la chaleur est particulièrement dure et dangereuse, voire mortelle. Ce lundi 18 juillet un ouvrier de 43 ans est décédé sur le chantier de construction de la plate-forme logistique Lidl à Châtelaudren-Plouagat dans le Morbihan. Celui-ci travaillait en plein soleil dans une nacelle télescopique. Pris d’un malaise, il a été descendu au sol par ses collègues, mais malgré leurs soins et avant l’arrivée des pompiers, il a été emporté par un arrêt cardiaque.

Ce drame serait le quatrième décès au travail en deux semaines provoqué par la canicule de juillet selon le système d’inspection du travail rapportant ses analyses à l’agence Santé Publique France. En 2020 en France, 12 personnes ont été victimes de leur travail sous les conditions caniculaires En effet, l’exposition a la chaleur peut avoir de multiples effets sur les organismes : déshydratation, hyperthermie, tachycardie,... qui peuvent conduire à de graves malaises ou des symptômes neurosensoriels tels que des confusions ou des délires favorables aux accidents. Et surtout, cela peut révéler ou aggraver des pathologies pré-existantes

L’activité sous la chaleur met donc non seulement le corps en danger mais augmente également les probabilités d’accidents de travail : en Espagne les chaleurs extrêmes pourraient provoquer près de 3% des accidents de travail, soit environ 500 000 incidents par ans. A l’échelle mondiale, une étude conclut à partir de l’analyse de 22 millions d’accidents qu’une augmentation de température de 1°C au-dessus des températures moyennes de référence entraînerait une augmentation de 1% du risque d’accidents professionnel, et que ces risques augmenteraient de 17% lors des vagues de chaleur.

Ce problème de santé publique pour les travailleurs est le dernier des soucis du gouvernement et du patronat. En France, le Code du travail n’impose en effet aucun plafond de température au-dessus duquel l’employeur ne peut plus faire travailler les salariés. Une législation particulièrement pro-patronale alors que des températures-plafond existent ailleurs en Europe comme en Belgique, où un travail physiquement exigeant est interdit au-delà de 22°C ou encore en Hongrie et en Slovénie, où le travail s’arrête lorsque les températures dépassent 27 et 28°C. Le 25 juillet, la Confédération européenne des syndicats (CES) plaidait pour l’adoption d’une loi qui fixerait une température maximale au travail sur le continent.

Toutefois, entre les mains du gouvernement, rien ne garantit l’application de ces règles et les mesures d’atténuation et d’aménagement du travail mises en place sont souvent ridicules et inadaptées, si toutefois elles existent. Un agent de la RATP témoignait ainsi : « Il y a un an, la RATP a arrêté de nous fournir des bouteilles d’eau et nous a donné une gourde. Mais si on ne l’oublie, c’est fini ... Il existe bien une "note forte chaleur" à partir de 28°, qui est censé nous permettre plus de temps aux machinistes au terminus. Le problème c’est que beaucoup de régulateurs ne transmettent pas l’info et qu’elle pas assez appliquée » La canicule est même parfois un prétexte pour justifier des offensives pro-patronales, comme avec l’instauration de la Journée de solidarité envers les personnes âgées et handicapées à la suite de la canicule de 2003. En plus de faire payer les travailleurs plutôt que le patronat avec une journée de travail non rémunérée, cette journée a plutôt servi à boucher les trous de la sécurité sociale et à offrir des heures de travail gratuites au patronat qu’autre chose.

Alors que la crise écologique s’approfondit, amenant avec elle une multiplication des canicules, et que pour l’Organisation mondiale de la santé la température de travail optimale se situe entre 16 et 24 °C, l’aménagement des conditions de travail devient une priorité face aux chaleurs et à l’obstination du patronat à maintenir coûte que coûte l’activité. Une première étape dans ce sens pourrait consister en l’utilisation collective du droit de retrait en périodes de canicules pour imposer des aménagements, notamment des températures plafond. Au plus fort de l’épidémie de Covid, les travailleurs se sont mobilisés en utilisant ce droit face à des conditions de travail dangereuses comme l’expliquait Gaetan Gracia, militant à Revolution Permanente et à la CGT AHG dans la sous-traitance aéronautique : « Le plus important pour nous c’était de casser la logique individuelle du droit de retrait et d’essayer d’adopter au maximum une logique collective. Individuellement, face à son employeur, on est faible, mais collectivement on a plus confiance et on a davantage de rapport de force. Et c’est pour ça que notre plan de bataille prévoyait une Assemblée générale dans laquelle on aurait pu exercer tous ensemble notre droit de retrait et aller collectivement informer l’employeur. Ça donne de la force, ça coupe l’herbe à toutes les tentatives d’intimidations de la direction… »

Toutefois, ce droit de retrait reste limité à un outil de pression car il laisse les choix des aménagements entre les mains du patronat pour la reprise du travail. Face à la multiplication des canicules, qui deviennent un véritable danger récurent dans de nombreux secteurs, il devient nécessaire d’imposer au patronat des aménagements adaptés à chaque secteur. Pour cela, ils devront être élaborés par les travailleurs eux-mêmes et ne pourront s’arracher au patronat que par la grève. La gestion par les travailleurs eux-mêmes de ces aménagements est l’unique garantie qu’ils soient appropriés : la connaissance des conditions de travail et des spécificités de chaque poste permet aux travailleurs de déterminer les modifications techniques ou adaptations de rythmes nécessaires, les températures-plafond d’arrêt du travail ou encore les aménagements d’horaires appropriés

Ce 20 juillet, des facteurs de l’Hérault ont observé une journée de grève mixée avec l’exercice du droit de retrait contre la réalisation des tournées de distribution du courrier aux heures les plus chaudes, et pour des horaires de travail adaptées. L’année dernière, alors que les Etats Unis traversaient une vague de chaleur exceptionnelle, des salariés de la restauration s’étaient mis en grève face aux fortes chaleurs dans les cuisines et aux moyens défaillants d’y faire face. Autant d’exemples à suivre pour empêcher le patronat de tuer plus de travailleurs en les exposant délibérément aux fortes chaleurs.

 
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