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10 de novembre de 2022 Twitter Faceboock

« Un détail de l’histoire »
Le RN président d’un groupe d’étude sur l’antisémitisme ? Entre normalisation et reconfiguration raciste
Léo Stella

Ce mercredi 8 novembre, le RN a réclamé la direction de groupes d’études de l’assemblée nationale portant sur la question de l’antisémitisme et du sida. Une proposition hypocrite qui s’inscrit dans la stratégie politique de dédiabolisation du parti et qui lui permet de reconfigurer son discours raciste.

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Crédits photo : AFP

Comme chaque année, l’Assemblée propose une série de groupe d’étude sur divers sujets, 80 au total, selon les différents vœux des groupes politiques. Sébastien Chenu, membre du RN et vice-président de l’Assemblé Nationale a eu pour mission de proposer cette liste ainsi que les partis politiques qui en prendront leurs directions. Surprise, le RN s’est proposé à la direction de deux groupes d’études sur l’antisémitisme et sur le sida. Deux thématiques pour lesquelles le RN n’a jamais brillé pour sa sensibilité, bien loin de là quand on connaît les origines et la tradition antisémite, raciste, xénophobe et anti-LGBT.

Rapidement, Yaël Braun-Pivet présidente de l’assemblée nationale, a tenu à rappeler que la liste proposée par Chenu n’est pas définitive et qu’elle va être discutée lors de plusieurs réunions dont la prochaine va se tenir le 17 novembre. En effet, la liste définitive sera prononcée le 7 décembre par le bureau de l’Assemblée Nationale qui n’est pas forcément favorable au RN. Les demandes du parti, présidé maintenant par le jeune et réactionnaire Jordan Bardella n’ont pas beaucoup de chance de réussir.

De nombreuses associations contre l’antisémitisme ont dénoncé la demande du RN, à l’image de la Licra, connue pour ses accointances avec une bonne partie de la classe politique qui juge cette proposition comme une «  aberration  », de la même manière que l’AIDES. Même son de cloche chez les autres forces politiques de l’Assemblé qui ont critiqué l’hypocrisie du parti lepéniste. Pour autant, même si le RN n’arrive pas à obtenir la direction de ces deux groupes études, la proposition qui alimente depuis deux jours les médias s’inscrit pleinement dans la stratégie de normalisation du parti d’extrême-droite.

Des demandes qui rentre dans la stratégie politique de dédiabolisation du RN

Cela fait maintenant plusieurs années que le FN/RN a entamé sa stratégie de dédiabolisation qui, depuis l’entrée de 89 de ses députés entame aussi une légitimation institutionnelle. Cette stratégie outre ses mesures « sociales » démagogiques sur le terrain programmatique pour draguer les classes populaires, passe par une rupture avec la ligne politique de Jean-Marie Le Pen, fondateur avec un ancien membre de la Waffen SS et de l’OAS du Front National.

Le Pen père en effet, ne s’est jamais caché de son homophobie, de sa xénophobie et de son antisémitisme. Parmi toutes ses sorties antisémites, on peut citer notamment celle où il proposait de faire « une nouvelle fournée » en parlant des chambres à gaz. Pareil pour la cause de la lutte contre le sida où il comparaît les personnes séropositives à des lépreux comme le rappelle l’AIDES.

Marine Le Pen a ainsi essayé de rompre dès son arrivée à la tête du parti en 2011 avec cette ligne politique. Cette rupture s’est faite notamment avec des prises de position rejetant, en façade, l’antisémitisme. Des positions qui dénotait de celles de Jean-Marie Le Pen. Marine Le Pen a également purgé du parti les membres un peu trop nostalgiques de Vichy, dont la plupart on d’ailleurs finit à Reconquête, le récent parti d’Éric Zemmour.

Ce revirement récent et hypocrite du RN, s’intègre donc pleinement dans la stratégie d’institutionnalisation et de dédiabolisation du parti. Louis Alliot, une des principales figures de l’aile « social » du RN affirmait ainsi en 2013 que c’est l’antisémitisme qui empêche les gens de voter pour le RN, selon lui « à partir du moment où vous faites sauter ce verrou idéologique, vous libérez le reste ».

Le 13 octobre dernier, le même Louis Alliot, actuellement maire de Perpignan, attribuait au nom de sa ville une médaille à Serge Klarsfed, figure de la déportation et de la lutte contre l’antisémitisme. Un évènement qui n’a pas manqué de susciter l’indignation. Pour se justifier, Klarsfeld a déclaré sur France Inter avoir accepté la médaille de la ville de Perpignan en raison de « l’évolution » du parcours de Louis Alliot. Tout un symbole.

De l’antisémitisme et de l’homophobie assumée à l’instrumentalisation raciste et islamophobe de la lutte contre l’antisémitisme et contre l’homophobie

Si ce revirement sur la question de l’antisémitisme et de l’homophobie s’inscrit pleinement dans la stratégie du RN, il est loin d’acter une quelconque mue progressiste du RN. La tradition du parti et ses origines sont bien sûr là pour le rappeler. Mais au-delà de l’histoire antisémite du RN, ce changement permet en réalité au parti de reconfigurer son discours raciste pour cibler davantage les personnes musulmanes et assimilées comme telle en instrumentalisant la lutte contre l’antisémitisme. Cette reconfiguration du racisme qui instrumentalise la lutte contre l’antisémitisme n’est d’ailleurs pas propre au RN, puisque de nombreux intellectuels bien intégrés au régime et proche de la classe politique ont théorisé « un nouvel antisémitisme » qui serait principalement le fait des populations musulmanes.

De la même manière le discours hypocritement anti-homophobie utilisé pour attaquer la population musulmane n’est pas une nouveauté du RN et est largement utilisée par la classe politique française pour dépeindre les étrangers et les musulmans comme les principaux responsables de l’oppression homophobe et patriarcale. Comme le reste du régime, le RN joue donc du discours contre l’antisémitisme et contre l’homophobie pour reconfigurer son racisme et attaquer les personnes musulmanes.

Une citation d’un communiqué de Julien Odoul, une des figures du RN, datant de 2019 et intitulé « La lutte contre l’islamisme homophobe doit devenir une grande cause nationale » est ainsi particulièrement révélatrice : «  Dans ces territoires où la République a été chassée et remplacée par l’islamisme, les homosexuels comme les juifs sont pris pour cible et condamnés à vivre cachés ou à déménage ». La manœuvre est ici explicite. Le RN passe donc de l’antisémitisme et de l’homophobie assumée à l’instrumentalisation raciste et islamophobe de la lutte contre l’antisémitisme et contre l’homophobie.

Le retour du refoulé

Cependant, même si la dédiabolisation/légitimation du RN pour être un parti de « gouvernement  » semble avoir des réussite partielles, la course à la surenchère nationaliste, raciste et xénophobe que le RN mène en compétition avec Zemmour et avec le gouvernement finit par révéler des contradictions dans leur stratégie, à l’image de la rediabolisation médiatique qui a eu lieu autour du cri raciste et négrophobe du député Grégoire De Fournas contre Carlos Bilongo, député de la France Insoumise.

Le RN a l’image de ses fondateurs a gardé un caractère profondément réactionnaire et xénophobe, mais a su avec un lissage de son image ainsi que des années d’offensives islamophobes et sécuritaires de la part du PS au pouvoir et de Macron, s’imposer comme l’une des principales force politique française. Face à l’héritage d’un homme qui parle de « détails de l’histoire » en parlant de la shoah ou de « sidatorium », aucune dédiabolisation n’est possible.

Mais il est urgent de dénoncer les politiques xénophobe et racistes qu’ont mené les différents gouvernements successifs qui ont progressivement repris les thèmes de l’extrême-droite et lui ont pavé la voie, à l’image de la loi immigration actuellement menée par Darmanin.

La lutte contre l’extrême-droite et ses idées ne pourra donc se faire qu’en luttant à la fois contre le gouvernement et ses politiques qui renforcent l’extrême-droite. Celle-ci devra se faire à rebours des illusions institutionnelles et doit être menée avant tout sur le terrain de la lutte des classes, seul terrain à même de permettre la construction d’un rapport de forces durable face au gouvernement et à l’État et de marginaliser l’extrême-droite, ennemie historique des luttes sociales et pour l’émancipation de toutes et tous.

 
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