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La Izquierda Diario
21 de décembre de 2022 Twitter Faceboock

Deux COP pour le prix d’une planète
COP 15 à Montréal : un accord « historique » qui met en danger la biodiversité et les peuples autochtones
James Draoust

Après l’échec de la COP 27, plus de 190 pays se sont réunies à Montréal pour la COP 15. Centrée sur la biodiversité, elle acte la gestion coloniale des zones naturelles à préserver, au mépris des populations autochtones et du climat.

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Alors que les écosystèmes jouent un rôle primordial dans la préservation du climat, la surexploitation des ressources a déséquilibré durablement ces écosystèmes terrestres et maritimes. En 150 ans, les populations des espèces animales et végétales ont largement chuté à tel point que 83% de la biomasse animale et 41,5% de la biomasse végétale auraient disparues sur cette période selon un rapport commun du GIEC et de l’IPBES .

Pour tenter de régler cette problématique, l’ONU a mis en place une convention sur la diversité biologique (CDB) dans les années 1990 qui se réunit tous les 2 ans, en prenant d’ailleurs grand soin de la séparer des conventions climat, comme si les deux n’étaient pas étroitement liées et ne souffraient pas des mêmes maux systémiques : un moyen supplémentaire de protéger les états et leurs multinationales.

La COP 15 a eu lieu ces deux dernières semaines à Montréal, dont l’intérêt s’est accru après l’échec retentissant de la COP 27 en Egypte  quelques semaines auparavant. Bien évidemment, tout était fait pour relancer l’écologie néo-libérale à partir de grandes promesses sur la « COP de la décennie » ou « de la dernière chance », d’un « moment Paris » qui mettrait en place des accords sur la biodiversité au niveau de ceux de la COP21, alors qu’aucun objectif n’a jamais été rempli dans les deux cas.

De plus, bien qu’il n’y ait pas d’entreprises sponsor de l’évènement comme aux conventions climat, les entreprises ont répondu présent en nombre à l’appel du greenwashing : plus d’un millier de représentants d’entreprises (Total, CropLife, BNP Paribas, Nestlé, industriels de la pêche, …) ont fait le déplacement cette année contre une trentaine pour l’édition précédente.

Formidable ! Nous estimons que c’est la première COP biodiversité pour 90 % des membres du secteur privé présents ici se réjouit Eva Zabey, la directrice de Business for Nature dans un article de Libération  dont on se demande ce qu’il y a de si réjouissant.

Accord sur la protection de 30% des espaces terrestres et maritimes d’ici 2030 sur fond de contrôle colonial

Parmi les discussions, celles sur la protection des zones naturelles a suscité le plus de débats. L’accord final promeut l’ « objectif 30x30 », c’est-à-dire de convertir 30% des espaces terrestres et maritimes planétaires en zones à protéger d’ici 2030. Cependant, les critères de protection ont été délibérément omis de l’accord, laissant le champ libre au pillage des ressources et au contrôle occidental de ces zones.

Pire encore, l’accord feint de respecter les droits des peuples autochtones, habitant dans ces zones et préservant 80% de la biodiversité grâce à des techniques de conservations propres et un rapport à la nature différent. En définitif, l’accord mentionne la reconnaissance et le respect des droits autochtones, mais ces peuples n’ont pas leur mot à dire sur les procédés de préservation et leurs zones protégées ne sont pas comptabilisées dans l’objectif 30x30. Cela a été exprimé dans [un communiqué de l’ONG Survival International, à la suite de la COP 15, qui dénonce le caractère colonial de l’accord :

Malgré un discours puissant de dernière minute du Forum international autochtone sur la biodiversité demandant que les territoires autochtones soient pris en compte dans l’objectif de 30 %, cette demande a été rejetée, principalement par les pays européens, et ce malgré les nombreuses preuves montrant que les peuples autochtones protègent leurs terres mieux que quiconque et que leurs territoires devraient être un mécanisme clé dans la protection de la biodiversité. Cela a montré une fois de plus que la mentalité coloniale en matière de conservation, selon laquelle les “conservationnistes occidentaux” “savent mieux que quiconque”, est toujours bel et bien vivante. 

En effet, la préservation de zones naturelles est un moyen utilisé par les états pour contrôler des territoires et accaparer des terres en chassant des populations. Dans le communiqué précédemment cité, Survival indique que 14 millions de personnes, rien qu’en Afrique, ont été expulsé de chez eux pour mettre en place des zones naturelles, contrôlée par des états et soutenues par des ONG, avec des méthodes purement coloniales.

Par exemple, des familles batwa ont été chassées de leurs terres dans les années 70 pour créer le parc national de Kahuzi-Biega en République du Congo. Depuis le retour d’une partie de la population en 2019, pour survivre et retrouver leurs terres ancestrales, l’ONG Minority Rights Group dénonce une vingtaine de meurtres, une quinzaine de viols et plus de cent personnes déplacées , des violences commises par des gardes forestiers payés en partie par des puissances occidentales.

« Pour le chef Mbuwa Kalimba Bachirembera, ces soldats sont envoyés par l’Agence congolaise de conservation pour nous chasser de nos terres ancestrales » dans un article paru dans Ouest-France .

D’autres accords mineurs sabotés par la France : le pays de la pêche intensive et des pesticides interdits sur son propre sol

En plus de ralentir cet accord, la France a aussi joué un rôle de saboteur de premier plan dans la plupart des négociations. Dans le rôle auto-proclamé de protecteur des fonds marins, l’espace maritime colonial français (deuxième espace maritime mondial, ndlr) a largement été exempté de toute contraintes relatives aux méthodes de pêches destructrices.

De même, celle-ci a poussé pour un accord pour réduire de moitié les risques des pesticides alors qu’elle est un exportateur important de pesticides et que l’Union européenne a reporté la fin du glyphosate d’un an le même jour de la signature de l’accord final de la COP 15.

Pour finir, elle a aussi participé à la réduction drastique du fond pour la biodiversité, passant de 100 milliards d’euros annuels, réclamés par les pays du Sud, à 20 milliards d’ici 2025 et, attention, 30 milliards d’ici 2030 : une somme qui n’est d’ailleurs jamais certaine de voir le jour, tant les mécanismes financiers et les détournements d’autres fonds sont récurrents dans les contributions financières de ces fonds mondiaux.

À l’image de la COP 27, les États et leurs entreprises sont prêts à détruire le climat pour continuer de s’enrichir. Ces conventions maintiennent le projet d’écologie néo-libérale avec des accords "historiques" pour leur vacuité et non pour leur impact. Il est urgent de proposer une alternative écologique anti-impérialiste qui respecte les populations et renforce les liens entres les peuples, par l’internationalisme de classe et la lutte face aux mêmes exploitants et oppresseurs.

 
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