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La Izquierda Diario
12 de janvier de 2023 Twitter Faceboock

Entreprises écocides 
Pollution des eaux de l’Escaut : le géant du sucre Tereos condamné à payer des miettes
Christa Wolfe

Ce jeudi, le tribunal de Lille a condamné le groupe Tereos, géant sucrier propriétaire de la marque Béghin-Say, à payer 9 millions d’euros de dommages et intérêts pour la pollution massive de l’eau du fleuve l’Escaut, entre la France et la Belgique. Des miettes pour cette entreprise qui accumule les profits au mépris de l’environnement.

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Dans la nuit du 9 au 10 avril 2020, la digue qui protégeait un bassin de décantation près de Cambrai cédait, déversant plus de 100 000 m³ d’eau de lavage de betteraves sucrières, chargée de matière organique, dans le fleuve, asphyxiant la moitié des espèces vivantes sur plusieurs kilomètres. 

Le fleuve, qui court sur la frontière entre la France et les deux régions de Flandres et de Wallonie, fait l’objet d’accords transfrontaliers de gestion, qui auraient « manqué à leurs obligations d’alerte », comme en témoignait Xavier Rollin, responsable de la Direction nature en Wallonie, en 2020. La catastrophe industrielle aura détruit 90% des effectifs de populations aquatiques du fleuve.

 

Malgré le déni de Tereos, qui a d’abord mis en doute la réalité du « lien de causalité » entre l’accident à l’usine d’Escaudoeuvres, dans les Hauts de France, et la situation constatée sur le fleuve en Belgique, où des milliers de poissons morts flottaient sur plusieurs kilomètres, l’enquête a établi la responsabilité de l’entreprise dans la pollution du fleuve. 

 

L’avocat de Tereos a, de son côté, souligné les défaillances institutionnelles et « la chaîne de responsabilités » des acteurs, publics et privés, qui ont conduit à une catastrophe d’un tel niveau. Ce que l’on peut en effet prendre au pied de la lettre : les responsabilités sont diffuses, entre décisions institutionnelles et entreprises privées, puisque ce sont pour les mêmes intérêts que les deux fonctionnent. Ce que montre bien la question des réparations exigées par le tribunal. 

 

Le tribunal de Lille a condamné ce jeudi l’industriel à 500 000 euros d’amende et au paiement de 9 millions d’euros au titre des dommages et intérêts, pour « préjudice écologique ». Ce dont Corinne Lepage, avocate de la Wallonie et ancienne députée et ministre, se félicite, arguant que les sanctions financières sont un moyen de faire pression sur les industriels pour qu’ils investissent dans l’anticipation des risques que créent leurs activités.

Mais, comme l’indique le même article de Libération , le chiffre d’affaire de l’industriel du sucre pour cette année se monte à 5 milliards d’euros et sa part de bénéfices nets à 172 millions d’euros : les 9 millions de frais, qui alimentent la fierté de l’ancienne député européenne, représentent donc en réalité 5% des bénéfices de l’entreprise. 

 

Et on comprend que l’ensemble des parties impliquées dans le procès ont en réalité intérêt à le régler de manière juridique : non seulement parce que les sommes à verser s’avèrent systématiquement dérisoires au vu des profits engrangés par les industriels, mais aussi parce que cela prive le conflit de sa dimension proprement politique, qui interroge l’usage des ressources naturelles et la viabilité, pour l’ensemble des individus vivants, humains et non-humains, des activités humaines. On comprend ainsi qu’une amende et une sanction financière ont pour effet de dissimuler les questions de fond, qui concernent l’exploitation de la nature et du travail humain, ainsi que les conditions de vie, pour tous, à proximité des entreprises. 

 

Ces décisions judiciaires servent à dissimuler la réalité pourtant criante des dégâts engendrés par le patronat que ceux-ci soient climatiques, environnementaux, ou sociaux et économiques. L’arsenal juridique, que vante Marie Toussaint, députée européenne EELV, est moins « un changement de civilisation » qu’une manière de gagner du temps sur le désastre et de laisser les institutions régler le problème à leur manière. Sous la forme d’une architecture complexe de règlements et de lois, il s’agit donc toujours de laisser le patronat gérer ses affaires et, éventuellement, de payer une aumône - de la taille d’un scrupule - pour les dégâts que celles-ci engendrent. Une logique qui vise surtout à empêcher l’émergence d’une écologie de classe, qui porterait les intérêts des salariés, des habitants et de la biodiversité.

 
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