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“Stonewall means fight back !”

51 ans après. Contre les violences policières, l’héritage de Stonewall plus présent que jamais

Le 28 juin 1969, des dizaines de personnes transgenres, de gays et de lesbiennes se sont soulevées contre la répression policière dans une série de révoltes parties du bar Stonewall à New York. L’année suivante, il y a aujourd’hui 50 ans, on célébrait en commémoration la première “Pride”. Un héritage plus présent que jamais, alors que le mois des fiertés LGBT se déroule après qu’ait éclaté un mouvement d’ampleur contre les violences policières et le racisme d’État.

Camille Lupo

30 juin 2020

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 Crédits photo : secretnyc.co

La nuit du 28 juin 1969 à New York, le bar de Stonewall subit un énième raid policier. En vertu des lois de l’époque, la police tente de procéder à des arrestations massives de tous ceux qui portaient à partir de deux vêtements du sexe opposé. Dans une histoire désormais célèbre et après un cri qu’on attribue à Stormé DeLarverie, la confrontation éclate et force la police à l’intérieur du bar, tandis que des personnes trans, des lesbiennes et des gays reprennent possession des rues du quartier de Greenwich Village. Des événements qui se sont reproduits les nuits suivantes, faisant de Stonewall la première révolte pour la libération sexuelle qui a résonné au coeur de l’impérialisme américain et à l’international.

La révolte de Stonewall était portée par les “années 68” : aussi bien le mouvement contre la guerre du Vietnam ou le mouvement pour les droits civiques aux États-Unis, que le mouvement des femmes à l’international et le mouvement de mai 68 en France, et s’inscrit dans ces remises en cause profondes de la société capitaliste, raciste et hétéro-patriarcale.

Au coeur de cette lutte ont émergé des militantes telles que Sylvia Rivera et Marsha P. Johnson, qui sont devenues aujourd’hui des figures de la lutte pour les droits des personnes trans. Elles fondent le STAR (Street Transvestite Action Revolutionaries), une organisation qui s’est consacrée à la lutte pour l’amélioration des conditions de vie et contre la criminalisation des personnes trans, et qui a été l’une des voix les plus radicales de ces mouvements pour la libération sexuelle, en se faisant la voix des plus précaires contre toute tentative de récupération capitaliste.

Dans ce contexte, Stonewall a marqué le début d’un mouvement parti de la défense la plus élémentaire contre les forces répressives de l’État et ses lois réactionnaires, pour lutter au-delà de l’égalité dans les droits formels, pour la libération sexuelle et contre le capitalisme.

Les violences policières et la répression au coeur des luttes LGBT

Alors que dans le contexte actuel de Covid-19, les rassemblements et manifestations pour les fiertés LGBTI sont annulées ou réduites en France comme à l’international, l’héritage de Stonewall n’a jamais été aussi présent que dans les mouvements actuels qui s’élèvent contre les violences policières et le racisme d’État. Les soulèvements suite à l’assassinat par la police de George Floyd il y a un mois sont venus raviver la flamme du mouvement “Black Lives Matter” (“La vie des personnes noires compte”) aux États-Unis, et ont démarré des soulèvements à l’international contre les crimes racistes de la police.

Dans ces manifestations, on peut aussi entendre le slogan “Black Trans Lives Matter” (“La vie des personnes noires trans compte”), notamment suite au meurtre fin mai dernier de Tony McDade, un homme trans noir assassiné par la police de Tallahassee. Des milliers de manifestants se sont d’ailleurs réunis à Stonewall début juin pour demander justice pour George Floyd et Tony McDade, mais aussi Nina Pop, une femme trans noire assassinée.

La conquête de certains droits LGBTI ces dernières décennies, comme la dé-médicalisation de l’homosexualité ou le mariage, sont des acquis de la lutte contre l’oppression par la mobilisation. Ce qui n’empêche pas que ces revendications pour des droits démocratiques aient été utilisés pour "humaniser" en façade les démocraties capitalistes, qui continuent cependant de réprimer et persécuter différents groupes opprimés. Si aujourd’hui, au 51ème anniversaire de Stonewall, Calvin Klein fait de Jari Jones (une modèle trans et noire) sa nouvelle égérie dans une stratégie marketing pour se donner une image progressiste, seule une minorité de personnes LGBTI peuvent profiter pleinement de ces droits, tandis que la grande majorité subit la discrimination systémique et la précarité. Cela se reflète encore plus brutalement, comme le soulignait déjà Sylvia Rivera et le STAR dans les années 70s, chez les personnes trans qui sont touchées de plein fouet par la violence institutionnelle et la pauvreté.

La crise sanitaire puis économique du coronavirus a entrainé plus de 500 000 décès dans le monde et la perte de près de 300 millions d’emplois. Cette crise sociale et économique promet une paupérisation pour la majorité de la population, et des répercussions d’autant plus grande sur les plus précaires, dont font partie les LGBTI. Si cette violence a été aggravée par la pandémie, elle n’a en aucun cas été générée par celle-ci : la situation était extrêmement alarmante bien avant le coronavirus. Selon le Williamson Institute, en 2017, aux États-Unis, le taux de chômage des LGBTI était de 9%, tandis qu’il était à 5% pour le reste de la population. Une enquête réalisée en 2019 par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne dans les 27 pays de l’Union, a montré que sur près de 140 000 personnes LGBTI ayant répondu, 37% avaient des difficultés à joindre les deux bouts, tandis que 17% avaient eu des problèmes de logement.

Et c’est dans ce sens que la manifestation qui a eu lieu juste au début du mois de la Pride devant le bar de Stonewall ne devrait être qu’un début pour les luttes qui se déclenchent ces derniers temps. Pour en finir une fois pour toutes avec le pinkwashing et toutes les formes de récupération de notre lutte et pour rappeler que Stonewall était une révolte contre les persécutions de l’État et de la police, et que cette lutte continue aujourd’hui. Tant que les États maintiennent la répression policière contre les opprimés, tant que le capitalisme défend la marchandisation des corps, des plaisirs et du désir, seule une lutte radicale contre le système capitaliste avec la classe ouvrière et tous les secteurs opprimés peut jeter les bases du développement d’une libération sexuelle totale.


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