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Course aux armements

Aide à l’Ukraine : comment les budgets militaires s’envolent en Europe

Lors de la conférence internationale sur l’Ukraine, réunie ce lundi à l’Élysée, Macron a annoncé que l’Europe doit « aller encore plus fort sur une économie de guerre ». Un appel à approfondir la militarisation massive que connait l’Europe.

Antoine Chantin

27 février

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Aide à l'Ukraine : comment les budgets militaires s'envolent en Europe

Crédit photo : Compte X Emmanuel Macron

En affirmant ce lundi lors d’une conférence internationale que « rien ne doit être exclu » concernant l’envoi de troupes occidentales en Ukraine, Emmanuel Macron a créé un véritable remous diplomatique parmi les membre de l’Alliance du traité de l’Atlantique Nord, l’Otan. Alors que la conférence a acté un nouvel envoi d’armes, ce saut dans le discours militariste approfondit une dynamique européenne de course aux armements entamée depuis le début de la guerre en Ukraine.

Les dirigeants européens minimisent l’annonce de Macron mais actent un nouvel envoi d’armes

Une mobilisation telle que l’a décrit Emmanuel Macron marquerait en effet un tournant majeur dans l’intensification du conflit armé sur le continent européen. Aussi, les vingt-cinq chefs d’État réunis à Paris ce lundi 26 février pour discuter d’un accroissement de l’aide militaire accordée à l’Ukraine, dans un contexte marqué par l’échec de la contre-offensive ukrainienne et par la défaite militaire et politique à Avdiivka, ont réagi avec plus de retenue que le président français.

Le chancelier allemand a ainsi rappelé ce mardi, en conférence de presse, « qu’il n’y aura aucune troupe au sol, aucun soldat envoyé ni par les États européens ni par les États de l’Otan sur le sol ukrainien », de même que le Premier ministre polonais, qui a affirmé que « la Pologne n’a pas l’intention d’envoyer ses troupes sur le territoire de l’Ukraine ». En effet, si les propos du chef de l’État français ne vont pas entrainer un changement immédiat sur le terrain avec l’envoi de troupes au sol, ils marquent toutefois un saut indéniable du discours militariste d’Emmanuel Macron et des dirigeants européens, qui n’ont pas exclu cette perspective à moyen et long terme.

Signe de cette dynamique, la conférence réunie ce lundi a acté une nouvelle salve de production et de livraison d’armes à l’Ukraine. En ce sens, la proposition de la République Tchèque devant permettre à l’Union européenne d’acheter des munitions produites hors d’Europe a « joui d’un grand soutien de la part de plusieurs pays », parmi lesquels la France, d’après le premier ministre de cet État d’Europe centrale. Une nouvelle batterie d’aides militaires des États de l’Union européenne qui vient s’ajouter aux 28 milliards d’euros de matériel militaire déjà livré à l’Ukraine, depuis février 2022, par ces derniers.

Dès lors, les déclarations d’Emmanuel Macron annoncent un renforcement de cette dynamique, alors que ce dernier a également affirmé ce lundi que les États européens doivent « aller encore plus fort sur une économie de guerre ». Un appel clair à accélérer la course à l’armement alors que depuis février 2022 les budgets militaires occupent une place sans cesse plus importante, en France comme dans le reste de l’Europe.

413 milliards d’euros dépensés pour les armées françaises d’ici à 2030

Les déclarations belliqueuses de Macron résonnent en effet avec les récentes annonces du ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Ce dernier avait déclaré, lors d’un déplacement au sein du siège de l’OTAN, le 15 février dernier, que la France allait atteindre le seuil des 2% de son produit intérieur brut (PIB) consacré aux dépenses militaires en 2024, alors que cet objectif des 2% avait initialement été annoncé pour 2025.

Cette accélération militaire s’inscrit elle-même dans un plan plus ambitieux encore, qui vise à doubler le budget militaire français d’ici 2030, par rapport à celui de 2019. Soit un objectif de 413 milliards d’euros dépensés pour les armées françaises jusqu’en 2030, qui contrastent cruellement avec les 10 milliards de coupes budgétaires, principalement dans le domaine de l’éducation, annoncées par Bruno Lemaire.

Or, comme l’a affirmé le ministre des Armées, cet objectif ne vise pas simplement, pour la France, à respecter les objectifs de dépenses militaires prévues par l’OTAN pour ses États membres. Ce pallier des 2% doit, en effet, permettre à la France de faire face et de se préparer à des conflits de haute intensité. « La vraie question maintenant ce n’est pas tant d’obtenir ces 2%, même si c’est un sujet qui a l’air de passionner beaucoup de gens, c’est de faire en sorte évidemment que ces 2% du PIB soient véritablement utiles sur le terrain militaire », déclarait ainsi Sébastien Lecornu, le 15 février dernier. Des déclarations très bientôt mises en œuvre avec la livraison à l’Ukraine de 78 canon césars, ces « fleurons » de l’industrie de l’armement français, qui valent entre trois et quatre millions d’euros à l’unité selon le même ministre.

Cette même industrie de l’armement français jouit elle aussi en plein de ce réarmement généralisé. Une industrie centrale pour les ambitions que porte Macron dans le domaine militaire. En ce sens, comme le soulignait un rapport au Parlement de 2023 du Ministère des Armées, « pour disposer dans la durée d’un outil de défense performant, qui puisse nous permettre de faire face à l’éventualité du retour d’un conflit de haute intensité auquel nous serions partie prenante, nous avons besoin d’une Base industrielle et technologique de défense (BITD) résiliente, compétitive et innovante, et qui a besoin des marchés à l’exportation pour asseoir son modèle économique ». Une industrie également très lucrative , dont le gouvernement cherche à multiplier les exportations à l’étranger, alors qu’on trouve déjà des armes de fabrication française dans les violents conflits actifs ces derniers années, comme au Yemen par exemple. À l’heure ou l’impérialisme français multiplie les camouflets, notamment dans son ancien pré-carré colonial, le terrain ukrainien devient donc un terrain de premier ordre pour la promotion de ce marché de la mort.

Le réarmement de l’Allemagne, au cœur de l’offensive militariste européenne

Sans production militaire conséquente depuis la Seconde guerre mondiale, l’Allemagne participe également à plein à cette campagne militariste. En effet, l’État dirigé par le chancelier social-démocrate a lui aussi annoncé, début février, sa volonté d’accélérer considérablement sa production militaire qui permet là-aussi, aux industriels militaires de s’enrichir et de proliférer grâce à cette résurgence des conflits armés. En ce sens, comme nous le notions dans ces mêmes colonnes, « en mars 2023, Rheinmetall, premier producteur allemand de munitions et producteur des chars Leopard, dont une centaine ont été envoyés en Ukraine, a officiellement rejoint le DAX, l’indice de référence de la Bourse de Francfort, après avoir vu sa cote en bourse bondir de plus de 120%. » Un fleurissement industriel auquel le gouvernement allemand est le principal contributeur, en portant, comme la France, son budget consacré aux dépenses militaires, de 1,53% du PIB, à 2% du PIB dès 2024. En effet, 100 milliards d’euros de budget extraordinaire avaient été accordé à l’armée dès 2022, conduisant à une multiplication des commandes. En ce sens, le chiffre d’affaire de Rheinmetall devrait doubler entre 2022 et 2026, passant de de 6,4 milliards d’euros à 13 ou 14 milliards d’euros selon Les Échos.

Un réarmement généralisé en Europe

Or, cette militarisation s’observe également à l’échelle du continent tout entier. Ainsi, dès 2022, les dépenses des États membres de l’Union européenne ont bondis de 6% par rapport à l’année 2021, atteignant la somme record de 240 milliards d’euros de dépenses militaires, d’après un rapport de l’Agence européenne de défense délivré fin 2023. Une conjoncture loin d’être anodine, comme l’illustre la Fondation pour la recherche stratégique, qui note que « le niveau [de dépense militaire en Europe] de 2022 (2182 milliards de dollars) est plus élevé de 33%, par rapport à 1988 (1602 milliards de dollars), pic de la guerre froide. »

Une hausse des budgets militaires d’autant plus importante chez les États frontaliers ou géographiquement proches de la Russie, qui figurent parmi les États de l’UE réservant la plus grande part de leur budget aux dépenses militaires : la Pologne (3,9 %), l’Estonie (2,7 %) ou encore la Finlande et la Lituanie (2,5 %), la Hongrie et la Roumanie (2,4 %) et la Lettonie (2,3 %). En ce sens, la Pologne illustre parfaitement cette dynamique en se posant comme un pilier du schéma militaire européen. En effet, cet État ambitionne de devenir « la plus grande puissance militaire » du continent, en comptant à terme 300.000 soldats dans ses rangs et en consacrant plus de 5% de son PIB aux dépenses militaires.

Une dynamique de course aux armements dans les États européens que le dirigeant ukrainien, Volodymyr Zelenski, participe activement à renforcer. Ainsi ce lundi il a exhorté les dirigeants européens a accroitre d’avantage leur aide à l’Ukraine, déplorant que « sur un million d’obus que l’Union européenne nous a promis, ce n’est pas 50 % mais malheureusement 30 % qui ont été livrés ». A cet égard, les difficultés militaires de l’Ukraine risquent de renforcer cette montée en tension des puissances européennes. De même, l’escalade activée par les déclarations de Macron est aussi à comprendre comme une réponse aux dernières sorties de l’ancien président américain, Donald Trump, qui a lancé aux dirigeants européens, lors d’un meeting, que « Non, je ne vous protégerai pas. En fait, je les encouragerai à vous faire ce qu’ils veulent. Vous devez payer vos dettes ». Une déclaration qui a ouvert une véritable crise au sein de l’OTAN, poussant les ministres de la défense des États membre de l’Alliance à réaffirmer leur soutien à l’Ukraine et d’augmenter leurs budgets militaires.

Cette réorientation des dépenses publiques qui s’inscrit dans une escalade militariste est très inquiétante pour notre classe car elle laisse présager des guerres, des coupes dans les budgets des services publics, et facilitera aussi la répression même au niveau national. Comme le notait en ce sens Damien Bernard, dans notre journal, « ce qui semble certain c’est qu’il n’y aura pas de retour en arrière et que le continent européen est entré dans une spirale de militarisation. Quelle que soit l’issue de la guerre en Ukraine, l’Europe redeviendra une région hautement militarisée et dangereuse où des conflits de haute intensité pourraient éclater. Une escalade militariste qui sonne un nouvel avertissement pour la classe ouvrière et tous les secteurs opprimés du continent ».


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