Lundi 12 octobre dernier a été annoncé le nom du Nobel d’économie2015 : c’est à Angus Deaton, mathématicien et actuel professeur à l’université de Princeton, qu’il a été décerné. La « prestigieuse » institution suédoise a annoncé par communiqué de presse que Deaton a été choisi pour ses travaux sur la « consommation, la pauvreté et le bien-être ».
L’Académie a également souligné que le travail de Deaton a eu une réelle influence sur les politiques instaurées durant la dernière décennie, en lien avec la pauvreté : « Pour penser les politiques économiques en faveur de l’amélioration du bien-être et de la réduction de la pauvreté, nous devons d’abord comprendre les décisions individuelles qui régissent les actes de consommation. Et Deaton a largement contribué, plus que quiconque, à améliorer ces recherches », pouvait-on lire dans un communiqué de presse. Pour cela, le nouveau Nobel a donc reçu une récompense de 8millions de couronnes suédoises, soit plus de 850000€.
Keynésianisme et anti-austérité
À 69ans, Deaton peut être classé parmi les économistes keynésiens hétérodoxes qui, ces dernières années, ont su afficher un profil « anti-austérité ». Le professeur d’Économie et de questions internationales à Princeton a ainsi déclaré dans un article de 2012 : « Nous voulons tous être heureux, mais une grande partie de la planète est aujourd’hui inquiète que les plans d’austérité qui se voient appliqués à beaucoup de pays nous fassent perdre ce bien-être et peut-être pour plusieurs années ».
Et il continue : « avec l’austérité, les revenus se réduisent, tout comme les bénéfices, et des emplois sont détruits. Malgré la confiance qui est attribuée aux résultats d’une telle politique et à un retour rapide à la normale, il n’y a pourtant aucune garantie que cela se fasse de cette manière, et il est possible qu’il faille attendre plusieurs années avant le retour à la croissance et au plein-emploi ».
De plus Deaton explique dans son ouvrage intitulé « The Great Escape » que les aides au développement que reçoivent les pays les moins développés ont davantage d’aspects négatifs que positifs, puisqu’ils génèrent des effets pervers. Pour Deaton, la pauvreté ne se réduit pas au fait de détenir peu de ressources, mais se définit plutôt par un maintien d’institutions faibles, de gouvernements corrompus et de politiques toxiques ».
Il considère l’aide extérieure comme étant « anti-démocratique car elle n’oblige aucunement les politiques locales à répondre de leurs actes devant les électeurs ».
Le gagnant du prix Nobel est un économiste peu connu, selon l’enquête réalisée sur la page web du prix Nobel, 68% des personnes interrogées ne le connaissaient pas. Une situation bien différente des autres gagnants, comme celui du Nobel de Littérature qui a été donné à la biélorusse Svetlana Alexievich, journaliste et chercheuse connue internationalement grâce, selon les mots du comité, à « ses écrits plurivoques, un monument à la souffrance et au courage inscrit dans son époque ».
La désignation la plus polémique a bien sûr été celle du prix Nobel de la Paix décerné aux quatre représentants du dialogue Nationale Tunisien « pour leur contribution à la création d’une démocratie plurielle ». Rappelons que ceux qui reçurent ce prix sont également les principaux acteurs de la déviation du processus révolutionnaire tunisien et de l’instauration d’une démocratie de façade en Tunisie, une continuité avec l’ancien régime, jusqu’au maintien du personnel politique de la dictature de Ben Ali. Ce n’est pas la première fois que le comité Nobel est mis en cause pour reconnaître de manière cynique le travail de personnalité politique comme pour ce prix Nobel décerné à Obama en 2009 « pour ses efforts pour renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples ». Quelques jours seulement après la cérémonie, Obama avait ordonné le renforcement des troupes en Afghanistan, vital pour gagner la « guerre contre le terrorisme » qui a causé des centaines de milliers de morts.
Pour ce qui est des prix Nobel, la norme qui s’impose est celle de « récompenser » les personnalités qui représentent les idées ou les intérêts du comité. Ceux qui choisissent décident qui, parmi des « recherches ou des personnalités », sera propulsées sur le devant de la scène. Ils ne le font jamais de façon neutre ou indépendante mais toujours de manière à promouvoir, en dernière instance, des intérêts politiques.
