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Par un enseignant

Coup de gueule. L’intersyndicale de l’éducation se fourvoie dans l’union sacrée

Le dernier communiqué de l'intersyndicale enseignante chante une ode à la République pour faire « face à l'obscurantisme » et se joint au concert de l'union nationale, sans même critiquer la République qui instille une islamophobie d'Etat et qui casse le service public d'éducation.

Boris Lefebvre

22 octobre 2020

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République, République, République. Le communiqué de l’intersyndicale qui appelle à faire « grandir une société unie et fraternelle » pour faire « face à l’obscurantisme » chante à l’unisson la partition que le gouvernement réussi à imposer dans toutes les bouches, de l’extrême droite à la France insoumise. Le mouvement syndical enseignant, pourtant au cœur des réalités soulevées par l’assassinat abject de Samuel Paty vendredi dernier, aurait pu se délimiter clairement d’une République qui la méprise pourtant ostensiblement depuis des années. De l’hommage hypocrite de Macron aux enseignants et à Samuel Paty au dernier mot de Jean Castex sur l’Education nationale « choyée », un abîme d’opportunisme se déverse depuis près d’une semaine sur le corps enseignant, ces nouveaux héros d’un jour de la République, qui demain ne seront plus rien face à un gouvernement sourd à toutes leurs revendications.

République, République, République. Par trois fois, le communiqué reprend à son compte ce vocable qui fait le lit de l’union sacrée dont nous ne voulons pas. Et pas une seule fois « islamophobie », ce mot qui exprime pourtant si bien ce que vivent les musulmans en France et qui n’est pas étranger au climat qui a rendu possible un assassinat proprement terrible qu’on n’aurait pas osé imaginer il y a encore quelques jours. Peut-être que « l’esprit critique », que le communiqué de l’intersyndicale défend à juste titre, leur a fait défaut lors de la rédaction ? À moins que ce ne soit une concession et un recul face à l’offensive réactionnaire menée contre toutes celles et ceux, associations, militants et collectifs qui osent nommer clairement les choses et les dénoncer...

République, République, République. Mais de quoi parle-t-on avec ce mot qui revient en boucle depuis une semaine ? De la « République unie et fraternelle, diverse et respectueuse, éclairée et apte au débat démocratique » ? De la République accompagnée d’une « politique de justice sociale » prompt à faire reculer l’obscurantisme ? De la République garante de « son École publique et laïque et de notre Nation » ? N’a-t-on sérieusement jamais eu à faire à une telle République et en particulier ces dernières années ? La République qui a vu naître des contestations sociales fortes depuis 2016, dont le point culminant lors des Gilets Jaunes a fait rejaillir le spectre de la révolution ; la République du grand débat où un président honni de tous disserte seul face à un parterre docile ; la République des violences policières et de la stigmatisation des musulmans via la loi sur le séparatisme ; la République des cadeaux fiscaux aux riches et des coupes budgétaires pour les services publiques ; la République qui ne respecte pas ses enseignants et qui fait la sourde oreille lorsque Christine Renon alerte l’institution scolaire en le payant de sa vie... c’est cette République-là qui se dresse devant nous et qui nous enjoint à faire la paix le temps d’une union sacrée servant simplement à perpétuer son pouvoir injuste.

République, République, République. À trop invoquer ton nom, on en oublie presque celui de Samuel Paty et on en oublie même de chercher les responsables. Faire barrage à « l’islamisme intégriste » est une nécessité, combattre « l’obscurantisme » également. Mais à trop opposer l’ombre à la lumière, on s’en tire à bon compte pour dédouaner une République qui, si elle peut offrir une liberté d’expression et de conscience – à géométrie variable –, assène aussi les coupes budgétaires dans l’éducation et l’islamophobie dans les têtes. Contre ce climat autoritaire et stigmatisant, nous soutenons tous ceux qui souffrent des amalgames et de l’islamophobie institués par l’État. Nous nous refusons également à n’avoir pour seule réponse que d’en appeler à une République qui n’a que des réponses répressives à adresser au corps enseignant. Nous réclamons d’urgence des moyens pour faire face à la crise que traverse l’éducation et pour palier à tous les manquements que nous n’avons eu de cesse de dénoncer. Nous en appelons à une volte-face de l’intersyndicale qui devrait s’émanciper du piège de l’union sacrée et qui devrait dénoncer urgemment le climat islamophobe que le gouvernement cherche à imposer.


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