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Made in MEDEF

Décret pro-patronal : le gouvernement facilite la reprise du travail pour les personnes vulnérables

Un nouveau décret gouvernemental vient de tomber : les personnes vulnérables devront retourner travailler si elles bénéficient de « mesures de protections renforcées ». Or ces dernières sont floues, et vont donc laisser les mains libres au patronat pour forcer la reprise.

Philomène Rozan

11 novembre 2020

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Le premier septembre dernier alors que les contaminations repartaient à la hausse, le gouvernement supprimait 7 des 11 critères de vulnérabilité qui permettaient aux personnes ayant un plus grand risque de développer des cas graves de Covid-19, de bénéficier du chômage partiel. De la même manière les membres des foyers des personnes vulnérables se sont retrouvés dans l’obligation de retourner au travail en présentiel.

Le gouvernement avait finalement été obligé de reculer le 15 octobre, le décret du 1 er septembre ayant été invalidé par le juge des référés. Mais alors que le confinement a été décrété depuis plusieurs semaines, le gouvernement vient par un décret datant du 10 novembre, d’élargir la liste des personnes considérées comme « vulnérables  ». C’est plusieurs mois après le début de l’épidémie que les personnes atteintes de sclérose en plaque ou encore de la maladie de Parkinson pourront avoir droit au chômage partiel. Une mesure qui arrive tardivement, alors que le virus circule très activement et que les taux d’hospitalisation approchent de ce que l’on a pu voir au plus haut de la première vague.

Mais ce décret pose surtout de nouvelles conditions -scandaleuses- pour être bénéficiaire du chômage partiel. En effet il y est mentionné que « Les salariés vulnérables placés en position d’activité partielle [...] sont ceux répondant aux deux critères cumulatifs suivants » : à savoir être considérée comme personne vulnérable et « ne pouvoir ni recourir totalement au télétravail, ni bénéficier des mesures de protection renforcées suivantes ».

Des mesures de protection floues qui donnent les pleins pouvoirs au patronat

Ces « mesures de protection renforcées » sont déclinées en 7 points, parmi lesquels l’adaptation des horaires pour éviter les heures de pointe ou encore la mise à disposition de masques par l’employeur pour les trajets. On trouve en deuxième position la mise en place pour les personnes vulnérables de « gestes barrières renforcés : hygiène des mains renforcée, port systématique d’un masque de type chirurgical lorsque la distanciation physique ne peut être respectée ou en milieu clos ». Une proposition pour le moins minimale, qui reprend les gestes barrières et les mesures de sécurité standard en entreprises et valables pour tous les salariés. Mais les conditions ne s’arrêtent pas là...

On trouve ainsi en tête des « mesures de protections » : « L’isolement du poste de travail, notamment par la mise à disposition d’un bureau individuel ou, à défaut, son aménagement, pour limiter au maximum le risque d’exposition, en particulier par l’adaptation des horaires ou la mise en place de protections matérielles ». Ou encore en troisième position « L’absence ou la limitation du partage du poste de travail  ». « Limiter au maximum  », « limitation  » : des termes flous qui enlèvent toute forme de contrainte aux employeurs en leur laissant pleine liberté pour décider de ce qu’est un bureau qui limiterait au maximum les risques. Une absence de règle claire qui offre une très large marge de manœuvre au patronat pour forcer la reprise du travail en présentiel pour un grand nombre de salariés, pourtant bel et bien vulnérables.

Une situation dangereuse que dénonce Julie*, Conseillère Principale d’Education dans un collège de l’académie de Paris et concernée par le décret, interrogée par Révolution Permanente : « Je suis en situation de vulnérabilité, j’ai un asthme sévère, il était maîtrisé jusqu’en septembre mais le port du masque 10 heures par jours a réveillé et aggravé la maladie. J’ai donc été placé en autorisation spéciale d’absence. Mais là avec ce nouveau décret dès demain mon chef pourrait m’obliger à revenir en m’indiquant que j’ai un poste de travail isolé et en m’assurant qu’il respecte les 7 points du décret. Et ça alors même qu’on est au contact d’élèves toute la journée, dans les couloirs et la cantine. Les employeurs peuvent du jour au lendemain nous retirer le chômage partiel, une fois de plus le contrôle de nos vies est laissé à nos hiérarchies. »

Une mesure qui n’a rien de surprenant. Depuis le début de l’épidémie, le gouvernement cherche à éviter au maximum les contraintes qui pourraient peser sur le patronat. Pendant la première vague, Bruno Le Maire s’est ainsi toujours refusé à se prononcer sur la fermeture des entreprises non-essentielles, quand il n’appelait pas carrément les salariés à aller bosser !. Plus récemment, si le gouvernement a poussé pour l’ouverture de négociations sur le télétravail pour donner des gages aux directions syndicales, il n’entend évidemment pas influencer le résultat et laisse le patronat temporiser alors que l’épidémie a repris de plus bel. Si Elisabeth Borne a tenu de grands discours sur la question, le télétravail reste une recommandation et non une obligation. Enfin, le cadre même de son confinement « made in MEDEF » a été conçu pour garantir à tout prix le maintien de l’activité économique.

Le choix opéré par le gouvernement avec ce nouveau décret n’a donc rien de surprenant. Une fois de plus la priorité est donnée aux profits du grand patronat et à la continuité économique, laissant de côté la santé des salariées, même des plus vulnérables. Ce sont ces choix du gouvernement, criminels, qui font que l’on atteint aujourd’hui les 42.200 décès. Un grand nombre d’entre eux auraient pu être évités, et cela passe nécessairement par le fait de protéger les plus vulnérables. A rebours de ces assouplissements qui laissent au patronat les mains libres, ce sont les salariés qui devraient pouvoir décider des conditions dans lesquels ils peuvent - ou non – travailler. Pendant la première de nombreux ouvriers avaient ainsi fermé leurs usines non-essentielles par la grève, tandis que plus récemment les profs ont montré leur capacité à élaborer et imposer leurs propres protocoles sanitaires. Des exemples à suivre et à multiplier de façon urgente.

* Le prénom a été modifié


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Philomène Rozan

Etudiante à l’Université Paris Cité , élue pour Le Poing Levé au Conseil d’Administration

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