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Moyen-Orient

Frappes contre les Houthis et des drones iraniens : les Etats-Unis alimentent la marche à la guerre

Mercredi soir, des frappes américaines ont abattu dix drones houthis ainsi que trois drones iraniens. Ces attaques, premières réponses à la mort de trois soldats américains en Jordanie dimanche dernier, sont une nouvelle marque de l’escalade états-unienne au Moyen-Orient.

Irène Karalis

1er février

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Frappes contre les Houthis et des drones iraniens : les Etats-Unis alimentent la marche à la guerre

Mercredi soir, des frappes américaines ont abattu dix drones d’attaque et un poste de commandement des Houthis au Yémen ainsi qu’un missile balistique antinavire et trois drones iraniens. Le Commandement militaire américain au Moyen-Orient a justifié ces frappes en expliquant que ces drones et missiles « constituaient une menace imminente pour les navires marchands et les navires militaires américains dans la région. »

Ces frappes font suite à l’attaque au drone qui a tué trois militaires américains et fait 34 blessés, ce dimanche, sur la base T-22 à la frontière jordano-syrienne. Si l’Iran a nié toute implication, les États-Unis ont accusé la Résistance islamique en Irak d’être responsable de cette attaque inédite depuis le début de la guerre en Palestine, incriminant indirectement l’Iran. À la suite de cette attaque, Biden avait promis que l’armée étatsunienne riposterait : « Tandis que nous continuons de reconstituer les circonstances de l’attaque, nous savons qu’elle a été menée par un groupe de militants radicaux soutenu par l’Iran et agissant en Syrie et en Irak. Et, soyez-en sûr, ceux que nous tenons pour responsables auront à rendre des comptes, à un moment et d’une manière que nous choisirons ».

Ces échanges d’attaques s’inscrivent dans un contexte toujours plus incandescent au Moyen-Orient depuis le 7 octobre. Alors que les opérations du Hezbollah se durcissent, après l’attaque combinant 13 frappes simultanées, dans la nuit de vendredi à samedi, Israël mène, depuis fin décembre, une campagne vengeresse d’assassinats ciblés contre des hauts responsables du Hamas et du Hezbollah qui a alimenté les tensions au Liban. Dans le même temps, les Houthis, groupe armé qui contrôle la majeure partie du Yémen, ont tiré prétexte du génocide commis par Israël en Palestine pour lancer une série d’attaques contre des navires commerciaux en mer Rouge, dans le but de peser sur les rapports de force régionaux, en particulier vis-à-vis de l’Arabie Saoudite. Derrière ces attaques, plane par ailleurs l’ombre de l’Iran qui, malgré un relatif réchauffement de ses relations avec les Saoudiens, reste leur principal rival dans la région. Les Houthis font en effet partie de l’« Axe de la Résistance », qui regroupe les milices chiites pro-iraniennes dans la région, et bénéficient du soutien iranien. Les attaques de ces dernières semaines ont ainsi permis à l’Iran de viser indirectement ses trois principaux ennemis – l’Arabie Saoudite, Israël et les États-Unis.

Depuis le 19 novembre, plus de 35 attaques ont été recensées contre des navires en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, selon le ministère américain de la Défense. Ces attaques commencent à impacter le commerce maritime international, dont un volume important (10 à 15%) transite par le Canal de Suez chaque année. Ainsi, un rapport du Fonds monétaire international (FMI), paru ce mercredi, affirme que le transport maritime de conteneurs par la mer Rouge a chuté de 30% sur un an. La situation est particulièrement préoccupante pour certains pays comme l’Italie, dont le ministre de la Défense a affirmé ce jeudi que « d’un point de vue géopolitique, la persistance de cette situation pourrait conduire à la marginalisation des ports de la mer Méditerranée. Cela menace non seulement la sécurité de la navigation, mais aussi la stabilité économique de l’Italie. » Le trafic commercial via le canal de Suez, qui représente 40% du commerce maritime total du pays, a en effet chuté de 38% au cours de la dernière semaine de 2023.

Face à ces perturbations en mer Rouge, les États-Unis ont lancé en décembre une coalition internationale chargée de mener l’opération « Prosperity Guardian » pour contrer les attaques des houthis. Composée du Royaume-Uni, du Bahreïn, du Canada, de l’Italie, des Pays-Bas, de la Norvège, de l’Espagne, des Seychelles, de la France et des États-Unis, cette coalition constitue une extension d’une des cinq forces maritimes combinées dirigées par les États-Unis depuis vingt ans entre le golfe Persique et la mer Rouge. En janvier, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont inauguré l’opération en frappant le Yémen. Une autre mission navale, baptisée « Aspides », devrait par ailleurs commencer le 17 février à l’initiative des États membres de l’Union Européenne, et en particulier de la France, de l’Italie et la Grèce.

Pour les États-Unis, les possibilités tactiques sont limitées. Affaibli par son soutien inconditionnel à Israël et confronté à la désertion d’une partie de son électorat à l’orée des élections présidentielles, Joe Biden espère résoudre la situation à Gaza au plus vite mais ne peut ignorer les attaques des Houthis et de la Résistance islamique en Irak. Alors que les Républicains le pressent de répondre par une riposte massive, une attaque directe contre l’Iran pourrait avoir des résultats catastrophiques, libérant les tensions accumulées dans la région : soudant l’Axe de la résistance, une réponse brutale pourrait pousser le Hezbollah à entrer en guerre contre Israël en même temps qu’elle libèrerait Netanyahou de la pression diplomatique étatsunienne. Un dilemme que résume Stephen Collinson, journaliste à CNN : « C’est pourquoi le dilemme de Joe Biden est si aigu. Comment trouve-t-il exactement le juste milieu entre la dissuasion et l’escalade désastreuse ? Les représailles qu’il exercera feront-elles courir un risque encore plus grand aux forces américaines ? Ou bien l’Iran les ignorera-t-il tout simplement [...] ? Joe Biden doit encore se débattre avec cette question sans réponse : Comment affirmer la puissance américaine dans une guerre régionale qui s’étend sans rendre le conflit encore plus dangereux, plus vaste et plus susceptible d’échapper à tout contrôle ? »

Pour l’instant, les États-Unis comme l’Iran cherchent dont à calmer le jeu. Joe Biden a ainsi affirmé : « Je ne pense pas que nous ayons besoin d’une guerre plus large au Moyen-Orient. Ce n’est pas ce que je recherche », déclarations dont le général Hossein Salami, chef des forces militaires iraniennes, s’est fait l’écho. Soulignant que l’Iran « ne cherchait pas la guerre », il a rappelé que le pays ne laisserait « aucune menace sans réponse ». Selon la chaîne américaine NBC News, la riposte américaine pourrait plutôt, à moyen terme, prendre la forme d’une « campagne » de plusieurs semaines et viser des sites iraniens à l’extérieur de l’Iran ainsi que d’autres sites dans plusieurs pays, incluant des frappes et des opérations cybernétiques. Le professeur Michael Clarke explique ainsi auprès de Sky News que l’une des solutions pourrait être de cibler les navires iraniens en mer Rouge : « Les Américains pourraient considérer qu’il s’agit d’une cible judicieuse, étant donné que tous ces navires font partie des tentatives de l’Iran de créer une crise pour les États-Unis ».

Si les équilibres régionaux se maintiennent, les interventions répétées des États-Unis les fragilisent sans cesse davantage. Alors que les États-Unis avaient pour projet de se désengager de la région pour se concentrer sur l’Indo-Pacifique et la guerre contre la Chine, leurs plans, bousculés par la guerre en Palestine, ne promettent que destruction et instabilité aux populations locales. Maintenant une pression forcenée pour conserver ses positions régionales, la surenchère guerrière et meurtrière de l’impérialisme étatsunien menace de faire sombrer la région dans la spirale de la guerre.


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