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Loi séparatisme. Retrait du titre de séjour des "polygames" : Schiappa relance sa comm’ xénophobe et raciste

Polygamie, interdiction des certificats de virginité, mariage forcé : à l'occasion de la présentation du projet de loi contre les « séparatismes » et sous prétexte de lutter pour les droits des femmes, Marlène Schiappa a ressorti son discours xénophobe nauséabond.

Philomène Rozan

9 décembre 2020

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Crédits photo : AFP

Ce mercredi 9 décembre, Gérald Darmanin, Ministre de l’Intérieur, et Marlène Schiappa, ministre déléguée à la citoyenneté, présentaient leur projet de loi visant à « conforter les principes républicains ». Le projet, plus couramment nommé « loi contre les séparatismes », est en préparation depuis des mois et promet une attaque sans précédent contre les populations musulmanes ou assimilées comme telles. A l’occasion de la conférence de presse donnée par le gouvernement, Schiappa a pris la parole, affirmant à nouveau - et de manière toujours aussi hypocrite - que ce qui se jouerait dans cette loi serait une volonté de « protéger les droits des femmes ».

Et en terme de lutte pour les droits des femmes, Marlène Schiappa a le sens des priorités : elle a donc choisi hier d’insister sur la nécessité de « renforcer la lutte contre la polygamie ». À ce titre, elle a annoncé : « nous ne donnerons pas de titre de séjour à des personnes qui sont polygames ». Et si la personne a déjà un titre de séjour, celui-ci lui sera retiré. Le 5 octobre, elle expliquait déjà au micro de Bourdin sa volonté de retirer le titre de séjour des personnes polygames « jusqu’à ce qu’elle se mette en conformité ». Cette annonce n’a rien de nouveau. Comme le reconnaît Schiappa elle même « la polygamie est déjà interdite en France » et une loi répressive et raciste autorise déjà le retrait du titre de séjour en cas de polygamie.

Mais alors pourquoi proposer une loi qui existe déjà ? Tout bonnement pour occuper le terrain médiatique de l’extrême-droite, en reprenant leurs attaques favorites. En ce sens, Schiappa ne s’est pas arrêtée à la polygamie et a ressorti son discours sur les certificats de virginité. Elle a ainsi assuré que figurerait dans la loi l’interdiction de ces certificats, avant de poursuivre sur la nécessité de renforcer la lutte contre les mariages forcés - eux aussi, déjà interdits par la loi…

Le point commun entre ces trois prétendues "luttes" ? Elles se basent sur des faits marginaux et au nom de la lutte pour les droits des femmes, attaquent les musulmans ou plus largement les personnes étrangères. Par exemple, la délivrance de certificats de virginité est un phénomène pour lequel on ne dispose d’aucun chiffre précis - en l’absence de jurisprudence - et reste tout à fait marginal, comme le souligne Amina Yamgnane, gynécologue, auprès de 20 minutes : « J’ai déjà rencontré ce cas de figure, mais c’est rare, entre une et trois fois par an… sur 6.000 consultations ». Alors que certains voudrait en faire l’apanage des musulmans, Isabelle Derrendinger, secrétaire générale du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, assure, toujours auprès de 20 minutes : «  C’est un fait religieux, quelle que soit la religion. Ce serait réducteur de l’assigner à la communauté musulmane. » C’est le même procédé qui est à l’œuvre avec la polygamie : ici aussi la proposition de loi part d’un phénomène qui est tout à fait marginal, comme le souligne un rapport de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, datant de 2006 : « Il semble que la polygamie en France soit un phénomène social totalement marginal [...] La fourchette raisonnable du nombre de familles polygames, reconnues comme telles (non compris les femmes qui sont déjà en situation de décohabitation et celles qui sont en situation irrégulière) pourrait se situer entre 8 000 et 10 000 ménages. En majorant les chiffres ci-dessus, il y aurait adultes et enfants compris, au maximum 180 000 personnes vivant en situation polygamique ce qui, rapporté à la population française, représente moins de 0,3%.  » En résumé, moins de 1 % des personnes serait concernées par ce phénomène. De plus, la solution que propose Schiappa est ouvertement xénophobe puisqu’elle s’en prend à la question du titre de séjour, en le réduisant par conséquent aux hommes étrangers.

On assiste ici à une stigmatisation très claire des étrangers et à la construction d’un ennemi extérieur, d’un homme musulman comme intrinsèquement machiste voire "barbare". Et en face, à la construction de femmes musulmanes opprimées non pas par le patriarcat mais par des hommes généralement de leur famille, père ou mari, et qui auraient besoin du secours de la République - une République qui promet avec cette loi de les précariser et de les stigmatiser toujours plus. Si Schiappa se targue de libérer les femmes musulmanes, elle va en réalité les obliger à divorcer dans le cadre de la polygamie et plus largement avec cette loi contre les séparatismes leurs interdire l’accès même à un certain nombre de métiers. Les femmes voilées se verront en effet désormais interdites de travailler dans des entreprises délégataires du service public.

Alors que l’offensive sécuritaire bat son plein avec l’attaque que représente la Loi sécurité globale, le gouvernement renforce le volet raciste de celle-ci avec la loi "Séparatisme". Les déclarations de Schiappa et d’autres ministres impliqués dans la loi arrivent une semaine à peine après que le CCIF ait été dissous en Conseil des ministres.

Il est urgent de dénoncer l’instrumentalisation du féminisme opérée par Schiappa, mais aussi d’incarner une opposition féministe anti-raciste. La première manche de ce combat sera de répondre présent.e.s à la manifestation contre la Loi séparatisme, appelée ce samedi 12 décembre par le Collectif du 10 novembre qui avait organisé la marche contre l’islamophobie il y a un an.


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Philomène Rozan

Etudiante à l’Université Paris Cité , élue pour Le Poing Levé au Conseil d’Administration

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