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Education Nationale

Perturbations lors du passage des E3C : Jean-Michel Blanquer toujours dans le déni

Invité de la matinale de France Info ce mercredi 19 février, le ministre de l’Education Nationale persiste et signe. Affirmant qu’il n’y a actuellement « aucun trouble » en lien avec les épreuves de contrôle continu du baccalauréat, il déclare que la mobilisation contre les E3C n’a été qu’un phénomène circonscrit à la région parisienne et accuse des « groupes politiques » d’avoir attisé la rébellion des lycéen.e.s. Pour lui répondre, un petit tour de la mobilisation au niveau national s’impose.

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Une mobilisation limitée à quelques établissements ?

D’après le ministre de l’Education Nationale, les choses sont claires : non seulement la mobilisation contre les E3C a été un phénomène mineur, mais en plus, elle n’a concerné que la région parisienne. En effet, il observe que depuis que la zone A (Ile-de-France et Occitanie) est en congé, on entend plus parler des E3C ! Cette analyse ne résiste pas longtemps à la confrontation avec les faits. Le 16 février 2020, le recensement des actions passées contre le bac Blanquer proposé par des enseignant.e.s indépendantes fait état de 228 lycées où les épreuves anticipées du baccalauréat ont dû être annulées ou reportées, tandis que 442 lycées ont rencontré des perturbations liées aux E3C. Ainsi, loin d’être un phénomène mineur, les actions contre les E3C avaient touché un tiers des 1700 lycées français dimanche dernier !

« Quelque chose d’assez ciblé géographiquement »

De même, loin d’être concentrée à la région parisienne, ces actions ont touché la plupart des académies, que ce soit en métropole ou en outre-mer : sur les 228 lycées où les épreuves ont été annulées, moins de 80 se trouvent en région parisienne, soit seulement 30 %, tandis qu’en Guadeloupe, 14 lycées sur 15 ont été bloqués, et les épreuves reportées en mars sur décision du préfet. La carte des luttes en cours reflète cette très large mobilisation, qui touche la majeure partie du territoire. Si, en région parisienne, les E3C ont été fortement perturbées, l’opposition aux E3C a aussi été particulièrement intense en Bretagne ou dans la région bordelaise. Fin janvier, les épreuves ont dû être annulées dans 5 lycées nantais, tandis que la répression a été particulièrement brutale au lycée Victor et Hélène Basch de Rennes. A Bordeaux, les épreuves ont dû être annulées dans 5 lycées, avec, à nouveau, une très forte répression dans certains établissements. Début février, les épreuves ont été annulées 3 fois de suite au lycée François Mauriac, suite à un blocage des élèves, ce qui a conduit l’administration a faire intervenir les forces de l’ordre pour faire passer les épreuves aux élèves dans des conditions inacceptables. La répression des bloqueurs s’est aussi abattue à Grenoble, où une lycéenne du lycée Grésivaudan a été interpellée, et à Dole, où c’est cette fois-ci c’est un enseignant du lycée Duhamel qui a été suspendu pour avoir soutenu le blocage. Evitant soigneusement de mentionner ces établissement, le ministre préfère, dans son intervention, évoquer le cas de l’académie de Lille, où, d’après lui, « à une exception près », les épreuves se sont « déroulées normalement » dans les 140 lycées. Si, effectivement, à Lille même, c’est surtout au lycée Faidherbe qu’élèves et enseignant.e.s se sont mobilisés contre les E3C,, des blocages lycéens ont conduit au report des épreuves au Lycée Queneau de Villeneuve d’Ascq et au lycée Blaringhem de Béthune. Dans ce dernier établissement, les conditions « normales » de passation de l’examen n’ont pas été tout à fait respectées non plus : lors du report le sujet d’histoire avait fuité sur les réseaux sociaux…

Des lycéen.ne.s manipulés par des « groupes politiques » envoyés par des « maires communistes » (!)

Plutôt que d’envisager que le caractère bâclé, inégalitaire et injuste des épreuves anticipées du baccalauréat puisse être à l’origine de la contestation des élèves, des parents et des enseignant.e.s, Jean-Michel Blanquer préfère voir en sous-main l’influence de groupes politiques. Ce sont ces derniers qui auraient incité les élèves à se rebeller, voire auraient eux-mêmes pris en main les actions de blocage et de perturbation des épreuves. Le ministre cite alors l’exemple du Val-de-Marne, où, explique-t-il, ce sont les mairies communistes qui auraient elles-mêmes affrété des bus pour aller bloquer les établissements scolaires… Difficile de contredire ces déclarations, puisqu’elles ne reposent sur aucun élément concret. Toutefois, on peut souligner que la presse locale, évoquant les actions contre les E3C dans le Val-de-Marne, précise que ce sont les élèves eux-mêmes qui bloquent leurs établissements. Dans un article publié le 3 février 2020, une enseignante interviewée par une journaliste du Parisien fait par ailleurs l’éloge de la capacité d’auto-organisation des élèves : « C’est assez exceptionnel que les élèves s’organisent à ce point. Ils se sont réunis en assemblées générales au niveau du district avec les deux lycées de Vitry, ont fait circuler des pétitions, ont désigné un responsable ». De même, on peine à croire que les lycéens bordelais, pourtant à l’avant-garde de la mobilisation, aient bénéficié de l’appui de Nicolas Florian, ancien bras-droit et successeur d’Alain Juppé, dans la tenue des blocages....

Une reprise de la mobilisation attendue après la trêve imposée par les vacances scolaires

Si la lutte contre les E3C peut sembler s’essouffler, ce n’est donc pas parce qu’elle ne concerne que peu d’établissement et se limite à la région parisienne, ou que des forces politiques auraient entraîné les élèves. Cela peut tout d’abord s’expliquer par le calendrier, comme a essayé de le faire le ministre, mais aussi pour d’autres raisons. De même, deux zones scolaires sont actuellement en congés, la zone B et la zone C, ce qui limite le nombre d’établissement dans lesquels des épreuves ont actuellement lieu. Par ailleurs, dans les établissements les plus mobilisés, les reports ont repoussé les épreuves à la date limite, c’est-à-dire la dernière semaine de février, voire au mois de mars, soit hors-calendrier. On peut donc s’attendre à ce que la mobilisation reprenne avec le retour des épreuves. Parmi les lycées qui n’ont pas encore passé les E3C, certains ont d’ailleurs déjà annoncé des perturbations lors des épreuves. C’est le cas dans le Gard, au lycée Charles Gide d’Uzès, où les professeurs ont décidé, avec le soutien des parents d’élèves, de ne pas assurer la surveillance de ces épreuves du baccalauréat, qui se dérouleront du 24 au 28 février.->https://www.objectifgard.com/2020/02/19/uzes-un-preavis-de-greve-contre-la-tenue-des-e3c-au-lycee-charles-gide/
Alors même si Jean-Michel Blanquer continue à fermer les yeux et profite des vacances pour prétendre qu’il n’y aurait « aucun trouble », la mobilisation contre les E3C est importante et la désynchronisation des épreuves n’empêche en rien son ampleur. Alors à quelques jours du retour au lycée, un grand nombre d’enseignants et d’étudiants sont bien lancé pour imposer le retrait du bac Blanquer.


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