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Attaque anti-démocratique

Répression et contrôle des journalistes : Darmanin met en place son nouveau schéma du maintien de l’ordre

A l’issue du rassemblement à proximité de l’Assemblée Nationale contre la loi « sécurité globale » mardi soir de nombreux journalistes ont été réprimés. Hier Darmanin a justifié cette répression, et pour cause, elle répond au nouveau schéma de maintien de l’ordre mis en place par le Ministre de l’Intérieur en septembre dernier.

Paul Morao


et Youri Merad

18 novembre 2020

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Répression violente contre les manifestants mobilisés contre la loi « sécurité globale »

Mardi 17 novembre plusieurs milliers de manifestants étaient rassemblés à proximité de l’Assemblée Nationale pour protester contre la loi « sécurité globale », qui menace, notamment, le droit de la presse en faisant peser sur la diffusion d’images de policiers le risque de lourdes sanctions. À Paris, c’est plus de 10 000 manifestants qui se sont rassemblés près de l’Assemblée Nationale pour protester contre le texte de la loi relative à la « sécurité globale » mardi soir. Parmi eux de nombreux jeunes, aux côtés des syndicats de presse, dénoncent les attaques anti-démocratiques et liberticides de cette loi qui renforce les pouvoirs de surveillance et de répression de la police tout en rendant passible de prison la diffusion de l’image d’un agent de police par la presse.

Pour l’occasion, un dispositif policier important avait été déployé dès 18h. Après une heure de prises de paroles et de slogans repris massivement par la foule, fusent les premiers gaz lacrymogènes. S’ouvrent alors un épisode qui illustre parfaitement la façon dont le gouvernement fait face à la moindre contestation : les canons à eau sont déployés, les coups de matraques assénés massivement, et les gazs répandus, jusque dans le métro. Alors que les débats parlementaires autour de la loi commençaient au même moment à l’Assemblée, les policiers n’hésitent ainsi pas à réprimer violemment les manifestants et à interpeller 33 personnes comme l’a notifié l’AFP hier matin.

Dans le cadre de cette répression, les journalistes ont fait l’objet d’un traitement spécial. Deux photographes qui couvraient la manifestation pour le site d’information indépendant Taranis News ont notamment fait les frais de ces violences. Images particulièrement symboliques, Hannah Nelson s’est ainsi faite interpeller, traîner au sol par deux policiers puis menotter avant d’être placée en garde à vue et libérée hier après-midi. Plus largement, de nombreux autres journalistes racontent avoir été victimes d’intimidations et de violences de la part des forces de l’ordre. C’est le cas par exemple de Rémy Buisine, Clément Lanot, Taha Bouhafs ou Simon Louvet. Or, si l’entrave à l’activité des journalistes et la violence à leur encontre est habituelle, les policiers n’ont pas hésité à la justifier hier en évoquant le nouveau schéma de maintien de l’ordre mis en place par Gérald Darmanin en septembre dernier, qui facilite la possibilité d’interpeller des journalistes coupables de couvrir la répression policière.

Darmanin revendique son nouveau schéma de maintien de l’ordre liberticide

Dans différents échanges enregistrés mardi soir, des policiers intiment à des journalistes l’ordre de quitter les lieux sous peine d’être interpellés, alors même que ceux-ci couvrent la manifestation. Sur des images captées par le journaliste Thibault Izoret, Rémy Buisine raconte ainsi « Ils comptaient m’interpeller, ils disaient ‘’c’est un délit, on a demandé à disperser les gens’’ alors qu’on voit bien que je suis entrain de filmer les gens. » Sur une autre vidéo, des policiers expliquent clairement : « Les journalistes qui ont une carte officielle, je vous demande de la présenter et de partir. Maintenant on a pour ordre d’interpeller, si vous êtes dedans on interpelle également. »

Au lendemain de cette répression, Gérald Darmanin n’a cependant pas hésité à revendiquer cette entrave à la liberté de la presse. Et pour cause, le ministre de l’intérieur c’est exprimé sur les dispositions qu’il réserve aux journalistes qui couvrent une manifestation, en évoquant son « schéma du maintien de l’ordre » entré en vigueur en septembre dernier. Il explique que tout journaliste qui souhaiterait couvrir une manifestation sans se faire interpeller devrait au préalable avoir demandé une accréditation par la préfecture de police : « Un journaliste a fait savoir (…) qu’il aurait été menacé d’être interpellé. Ce journaliste ne s’est pas rapproché de la Préfecture de Police de Paris (…) pour couvrir cette manifestation. Si les journalistes couvrent des manifestations, conformément au schéma de maintien de l’ordre que j’ai indiqué, ils doivent se rapprocher des autorités (…) pour se signaler. »

En clair, Darmanin évoque l’obligation pour les journalistes de se faire accréditer par le pouvoir pour ne pas risquer une interpellation lorsqu’ils travaillent sur la voie publique. Cette nouveauté scandaleuse est rendue possible par le schéma de maintien de l’ordre qui élargit les possibilités pour les forces de répression d’évacuer les journalistes et de les interpeller s’ils refusent. « Le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d’associations. Dès lors qu’ils sont au cœur d’un attroupement, ils doivent comme n’importe quel citoyen obtempérer aux injonctions des représentants des forces de l’ordre en se positionnant en dehors des manifestants appelés à se disperser. » note en effet le texte. Une disposition à propos de laquelle les organisations de journalistes (SNJ, SNJ-CGT), la CGT et la Ligue des Droits de l’Homme avaient saisi le Conseil d’Etat fin septembre dans le cadre d’une demande de suspension en référé qui a été rejetée, et qui montre aujourd’hui tout son caractère répressif en ouvrant la voie à un contrôle accru du gouvernement sur les médias.

Alors que la loi sécurité globale s’inscrit dans la continuité de cette offensive sécuritaire dont le schéma de maintien de l’ordre a été un jalon important, bien que largement passé sous silence, la répression qui s’est abattue hier soir montre à nouveau la gravité des attaques perpétrées par le gouvernement contre les droits démocratiques. Face à cette situation, le front le plus large doit se consolider pour s’opposer au gouvernement, et le mouvement ouvrier devrait jouer un rôle central pour mettre sa force au service de la défense de droits élémentaires.


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