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Guerre en Ukraine

Etats-Unis. Le Parti Républicain prêt à débloquer l’aide à l’Ukraine à condition de l’endetter

Après des mois de blocage de l'envoi d'aide militaire et économique à l'Ukraine par le Parti Républicain, hégémonisé par l'aile trumpiste, celui-ci annonce être prêt à infléchir sa position en à condition que l'aide soit mise au passif de l'État ukrainien.

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Etats-Unis. Le Parti Républicain prêt à débloquer l'aide à l'Ukraine à condition de l'endetter

Le Congrès états-unien a recommencé à siéger ce mardi après deux semaines de vacances de Pâques et l’un des débats prioritaires sera la question de l’aide économique et militaire à l’Ukraine. Deux ans après le début de l’invasion russe, le principal allié dans conflit de l’État ukrainien retarde depuis des mois l’envoi d’un nouveau paquet d’aide. Ce retard est en train de lentement inverser la situation au front car l’Ukraine subit une pénurie d’obus inédite depuis le début de la guerre. Pour cause : la chambre des représentants, la chambre basse du Parlement états-unien, est dominée par une courte majorité des Républicains, parti dont l’aile trumpiste fait tout pour bloquer l’aide à l’Ukraine.

Le dirigeant des républicains à la chambre des représentants, Mike Johnson, nommé après la destitution de Kevin McCarthy, avait alors été décrit par la presse comme un fidèle de Trump et a soutenu le blocage de l’aide à l’Ukraine depuis presque six mois. Mais alors que la situation devient critique sur le front ukrainien et que le Sénat a approuvé un nouveau paquet d’aide de 60 milliards d’euros, Johnson doit trouver l’équilibre entre les positions isolationnistes de l’aile trumpiste (capable de lui faire perdre son poste, comme McCarthy avant lui) et l’interventionnisme traditionnel de l’establishment républicain.

En effet, si au début de la guerre il existait un consensus bipartisan pour soutenir l’Ukraine afin d’affaiblir la Russie permettant des envois records, inédits depuis la Seconde guerre mondiale, aujourd’hui seul le bloc de la droite traditionnelle du Parti Républicain reste convaincu par l’idée, à l’instar de l’ancien secrétaire de la défense Mike Pompeo, qui a écrit une lettre ouverte à Mike Johnson l’implorant de soumettre le paquet d’aide au vote. Au vu du départ en novembre de son chef de file au Sénat, Mitch McConnell, l’aile establishment est en perte de vitesse. Les primaires républicaines dont Donald Trump a été le gagnant incontestable ont accéléré cette tendance à l’érosion de l’establishment et à la trumpisation du parti, permettant à Trump de nommer sa belle-fille Lara Trump en tant que co-présidente du parti Républicain. Cette aile, dont le représentant médiatique est Tucker Carlson, prône une politique du retrait des États-Unis du conflit avec la Russie et considère que la guerre est ingagnable.
 
Le compromis proposé par Mike Johnson entre les deux blocs est de conditionner une partie de l’aide à l’Ukraine à son remboursement ultérieur, c’est-à-dire en endettant l’Ukraine auprès des États-Unis, et pour une autre partie à utiliser les fonds des oligarques russes restés gelés dans les banques états-uniennes. « Si nous pouvons utiliser les biens saisis des oligarques russes pour permettre aux Ukrainiens de les combattre, c’est de la pure poésie », a imaginé Johnson dans une interview à Fox News. En parlant d’aide à crédit, Johnson reprend directement la proposition de Donald Trump qui a affirmé dans un meeting récent : « Prêtez-leur l’argent. S’ils y arrivent, ils nous remboursent. S’ils n’y arrivent pas, ils n’ont pas à nous rembourser. Pourquoi devriez-vous simplement leur donner de l’argent ? Faites-le sous la forme d’un prêt ».

Pourtant, comme les autres fois, sur les 60 milliards promis par le paquet d’aide à l’Ukraine approuvé au Sénat, plus de 48 milliards iraient à l’achat et à la production d’armes par les armateurs états-uniens, et seulement 12 milliards seraient directement envoyés à l’Ukraine. Il n’est pas encore clair si l’Ukraine devrait rembourser l’intégralité de l’aide, y compris la partie qui va alimenter directement les recettes du secteur militaro-industriel états-unien. Dans son interview diffusée à la télévision ukrainienne, le président Volodymyr Zelensky a déjà confirmé que le pays serait ouvert à une aide à crédit car il n’en a pas de choix. Des concessions que la bourgeoisie ukrainienne est prête à accorder aux créanciers occidentaux, même si elles signent, à terme, la ruine économique de l’Ukraine.

Les trumpistes peuvent mettre fin au statu quo de la guerre et faire perdre l’Ukraine

Il est clair qu’en cas de victoire de Donald Trump en novembre, la politique extérieure des États-Unis en Europe d’Est connaîtra un tournant. Le Washington Post rapporte que celui-ci se dirait en privé prêt à désengager les États-Unis de la guerre en Ukraine, et à convaincre l’Ukraine de céder les territoires annexés de la Crimée et du Donbass à la Russie. Si l’ancien président a démenti ces propos, ces derniers sont cohérents avec ses précédentes sorties promettant de « rétablir une paix en Ukraine en 24 heures après l’élection » et de se concentrer sur l’opposition avec la Chine. Ce tournant politique peut devenir critique pour l’Ukraine et permettre des avancées majeures à la Russie, comme en témoignent les premières modestes réussites de l’offensive russe entamée en octobre 2023 après l’échec de la contre-offensive ukrainienne en été 2023.

Ces derniers six mois, la Russie a réussi à conquérir environ 518 kilomètres carrés du territoire ukrainien, selon le Telegraph. Une avancée qu’on jugerait insignifiante à une autre époque, mais qui devient importante dans une période de guerre de tranchées. L’armée russe a notamment pris la ville d’Avdiivka, poussant un millier de soldats ukrainiens à reculer de cette position, et se prépare à l’assaut de Kharkiv. Aujourd’hui, la Russie se préparerait, selon The Economist et les affirmations du président ukrainien Zelensky, à une grande offensive en mai-juin qui serait la plus ambitieuse depuis la tentative de blitzkrieg en février 2022. Il n’est pas sûr que la Russie ait les ressources humaines et technologiques nécessaires pour mener une telle offensive dans l’immédiat, mais les rumeurs ont déjà poussé les autorités ukrainiennes à renforcer la ligne du front autour de Kharkiv.
 
Du côté russe, le Kremlin a continué d’accuser l’Ukraine d’être impliquée dans l’attentat à Crocus City Hall, et les États-Unis avec l’OTAN de couvrir leur allié en accusant l’État islamique au Khorassan d’être le véritable instigateur de l’attentat. Ces accusations sont lourdes d’implications étant donné le choc qu’a produit l’attentat en Russie, le plus mortel depuis deux décennies. Elles peuvent notamment signifier la volonté du Kremlin de préparer idéologiquement la population à une escalade dans la guerre, et à une nouvelle vague de mobilisation, faisant de l’attentat de Crocus City Hall un point de départ à la guerre comme l’ont été le 11 septembre 2001 ou le 7 octobre 2023 - un événement catalyseur permettant une unité nationale face à l’ennemi extérieur.

Depuis l’Ukraine on reçoit des brèves de presse évoquant la démoralisation au sein de l’armée, ou encore sur les jeunes hommes fuyant la conscription par tous les moyens. En même temps, le soutien états-unien vacille et les efforts de l’Union Européenne bien que conséquents peuvent ne pas parvenir à le remplacer. Dans ce sens, le cumul des difficultés subjectives, économiques et politiques du côté ukrainien peut contribuer à une potentielle percée du côté russe.
 

Contre les créanciers, contre les annexions, pour une Ukraine indépendante, ouvrière et socialiste !

Depuis le début de la guerre, Révolution Permanente défend une position « ni Poutine, ni OTAN », n’acceptant ni la guerre d’invasion que livre le régime de Poutine à la population ukrainienne, ni la participation de l’OTAN au conflit qui utilise les combattants ukrainiens comme de la chair à canon pour affaiblir son adversaire russe. Deux ans après le début de la guerre, on a vu le résultat des politiques des impérialistes qui ont poussé le gouvernement de Zelensky à poursuivre la guerre : des territoires annexés et dévastés, des millions des réfugiés dont les maisons ont été détruites, des centaines de milliers de soldats morts de chaque côté, des régions entières couvertes de mines et des bombes à sous-munitions attendant à exploser.
 
Alors qu’une partie des dirigeants du bloc impérialiste commence à conditionner l’aide à l’Ukraine à son endettement, ce qui voudrait dire la transformer définitivement en un État vassal de l’OTAN, voire à la pousser aux négociations d’une paix avec des annexions, cela rappelle qu’en absence d’un troisième camp, celui des masses ouvrières ukrainiennes et russes, se battant pour une rupture révolutionnaire avec cette guerre il n’existe aucune alternative progressiste pour les habitants de la région. Il faut un camp qui lutterait résolument pour une Ukraine libre de la dette, indépendante à la fois de la Russie mais aussi des États impérialistes, une Ukraine ouvrière et socialiste. 


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