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Casse de la Sécu

Sécu : le gouvernement veut faire des économies sur le dos des malades chroniques

Le gouvernement a récemment annoncé vouloir faire 12 milliards d’économie. Parmi ses cibles, la sécurité sociale, et notamment le remboursement des soins liés à des affections de longue durée (ALD).

Arsène Justo

12 février

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Sécu : le gouvernement veut faire des économies sur le dos des malades chroniques

Alors que le gouvernement est à la recherche de nouvelles coupes austéritaires, il plancherait en ce moment même, d’après Les Echos, sur un projet de réduction des dépenses de l’Assurance maladie, notamment en matière de remboursement des affections de longue durée (ALD). L’objectif est clair : faire des économies sur le dos des personnes touchées par des maladies chroniques en déremboursant une partie de leurs soins et en rendant plus compliqués les diagnostics, quitte à les pousser encore plus dans la précarité et dans l’errance médicale.

Un clou de plus dans le cercueil de la sécurité sociale

Pour rappel, ces soins concernent 12 millions de personnes et les deux tiers des dépenses de l’assurance-maladie. Il s’agit donc d’un poste de dépense important, ce qui explique que Bercy l’ait à l’œil dans le cadre de sa recherche de coupes austéritaires. À l’heure actuelle, 29 ALD sont remboursées à 100% et sont regroupées dans une liste fixée par décret.

Si cette attaque est extrêmement grave, elle n’est pour autant pas nouvelle, dans un système qui maltraite déjà particulièrement les malades chroniques. La liste des ALD remboursées à 100% est en effet particulièrement restrictive : seules 29 maladies sont reconnues par l’Etat comme en faisant partie, soit une liste extrêmement réduite et excluante. L’administration le reconnaît d’ailleurs cyniquement, puisqu’elle fait elle-même la distinction entre « les ALD exonérantes » et « les ALD non exonérantes ».

En plus de ces deux catégories, il en existe une troisième, encore plus obscure : les « ALD hors listes », qui rassemble, comme son nom l’indique, toutes les maladies qui ne figurent sur aucune des deux listes précédentes. Elles nécessitent des démarches longues et éreintantes pour pouvoir être reconnues. On peut pourtant y retrouver des maladies chroniques aussi répandues que le COVID long (qui n’existait pas lors de l’élaboration des listes initiales) ou l’endométriose (dont le caractère invalidant continue d’être relativisé par la médecine patriarcale). La liste des ALD exonérantes est depuis plusieurs décennies complètement verrouillée, par des autorités gouvernementales qui veulent à tout prix éviter une extension du champ des remboursements. Pire, sa dernière modification, qui remonte à la présidence de Nicolas Sarkozy, avait justement consisté en son racourcissement, puisque l’hypertension artérielle avait été rayée de la liste par décret ministérel.

Pour les personnes souffrant d’ALD hors liste, l’obtention du remboursement des soins est un véritable parcours du combattant. Les patients doivent dans un premier temps réussir à faire reconnaître leur pathologie comme étant une ALD, ce qui prend généralement plusieurs tentatives et plusieurs mois, voire plusieurs années, et mène bien souvent à la reconnaissance de leur ALD comme non exonérante.

C’est par exemple le cas de l’endométriose, qui toucherait entre 1.5 et 2.5 millions de personnes en France. Alors que le projet de loi visant à en faire une ALD a été voté à l’Assemblée nationale en janvier 2022 sous l’impulsion des députés LFI, ces derniers n’ont pas jugé utile ni d’y inclure tous les cas d’endométriose, ni d’y associer un décret d’application, la rendant de fait parfaitement inutile. Ainsi, seules 15 000 personnes, soit entre 0.5 et 1% des personnes victimes d’endométriose, ont réussi à faire reconnaître leur pathologie comme relevant d’une ALD.

C’est également le cas du COVID long, une pathologie qui touche plus de 2 millions de personnes en France. Là aussi, une loi a été votée afin de le reconnaître comme une ALD, mais elle n’a été suivie d’aucun décret d’application et n’a donc dans les faits aucune conséquence, avec des conséquences dramatiques pour nombreuses personnes touchées par cette maladie, sur lesquelles le gouvernement ferme les yeux.

Des économies sur le dos des malades chroniques

Même si le projet du gouvernement est encore très flou, ce dernier s’apprête à priori à brouiller les frontières entre les 29 ALD exonérantes et les ALD non exonérantes, voire à rendre encore plus difficile de faire catégoriser sa pathologie comme ALD. Les Echos rapportent en effet que même si raccourcir la liste demeure une option, le gouvernement a bien conscience de son caractère particulièrement explosif dans l’opinion publique : « Si modifier de nouveau la liste des ALD promet d’être un exercice difficile, l’exécutif pourrait chercher à agir sur d’autres tableaux. Notamment en se penchant sur les soins qui ne sont pas liés à la pathologie éligible à l’ALD, et qui ne doivent pas donner lieu à la même prise en charge à 100 % depuis 1987 ».

C’est donc dans cette logique que l’Assurance maladie, qui négociait ces dernières semaines avec les médecins libéraux sur la hausse de leurs tarifs, leur a posé comme condition un durcissement de l’octroi des reconnaissances d’ALD, jugeant que certains médecins les délivrent trop facilement. Les Echos expliquent ainsi que : « les médecins sont censés différencier les prescriptions [entre ALD exonérantes et non exonérantes]. Pas sûr cependant que cette distinction soit toujours bien faite. L’Assurance Maladie a d’ailleurs mis ce sujet sur la table dans le cadre des négociations en cours avec les médecins libéraux sur le tarif des consultations ». Une exigence qui n’est pas sans rappeler l’offensive que le gouvernement mène actuellement contre les médecins qui délivrent, d’après lui, trop d’arrêts maladie.

Si les détails de l’attaque ne sont pas encore connus avec précision, son objectif l’est : réaliser des économies sur le dos des personnes malades et du système de santé dans son ensemble. Le gouvernement explique en effet vouloir se focaliser sur le remboursement de la dette et la réduction du « déficit public ». Son argument pour justifier de cibler les ALD est que ces dernières concernent essentiellement les personnes âgées, dont la population augmente. Les macronistes ressortent en réalité ici le fameux argument du vieillissement de la population et de l’augmentation de l’espérance de vie, qui servait déjà de socle aux reculs successifs de l’âge de départ à la retraite et qui se trouve une énième fois mobilisé pour justifier une offensive violente contre nos droits.

Le gouvernement prétend en fait ne pas avoir le choix que de récupérer directement dans les poches des malades les 12 milliards d’euros dont il a besoin, quitte à menacer un acquis historique fondamental du mouvement ouvrier français. Pourtant de l’argent il y en a, dans les poches d’un patronat toujours plus arrogant et qui semble de son côté étonnamment épargné par la crise. Ainsi, TotalEnergies a par exemple battu une nouvelle fois son record de bénéfices, engrangeant quasiment 20 milliards d’euros sur la seule année 2023. Dans le même temps, la fortune de Bernard Arnault, qui n’a jamais travaillé de sa vie, s’élève à 220 milliards de dollars américains, soit un peu plus de 200 milliards d’euros.

Si les détails de l’offensive que prévoit le gouvernement sont encore flous, elle s’inscrit réalité dans une attaque austéritaire généralisée contre le domaine de la santé. Nous avons ainsi assisté ces dernières semaines à la hausse des prix des médicaments, à la suppression du suivi des cancers liés à l’amiante, au déremboursement de dispositifs médicaux comme les machines respiratoires pour l’apnée du sommeil, au projet de suppression de l’aide médicale d’Etat ou encore au déremboursement des soins dentaires. Il faut donc surtout avoir à l’esprit que cette offensive prend plus largement place dans le contexte du démantèlement méthodique de l’hôpital public français et du système de sécurité sociale - qui constitue une conquête historique du mouvement ouvrier - par les gouvernements français successifs.

Face à cette offensive généralisée, il va falloir construire d’urgence une riposte d’ensemble, contre les coupes austéritaires, pour une sécurité sociale intégrale et un investissement massif dans la santé, qui permette à toutes et tous de se soigner, mais également pour l’augmentation des salaires et la répartition du temps de travail, afin d’éradiquer le chômage et la précarité.


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