Crédits photo : Eden Golan - Twitter
Le génocide en cours dans la bande de Gaza n’est visiblement pas un argument suffisant pour priver l’Etat d’Israël de sa participation à l’Eurovision. Alors que les appels au boycott et à l’exclusion d’Israël se multiplient, la candidate de l’Etat sioniste s’est hier produite sur scène à Malmö, en Suède, avant d’être sélectionnée pour la finale.
« On ne peut pas lancer des paillettes d’une main et lâcher des bombes de l’autre » : les soutiens à la Palestine font entendre leur voix à l’Eurovision
Depuis plusieurs mois, les actions appelant au boycott et à l’exclusion d’Israël face au génocide en cours se sont multipliées, notamment en Suède, où sont cette année organisées les épreuves de l’Eurovision. En février dernier, une pétition signée par plus de 1000 artistes Suédois dénonçait ainsi la participation de l’Etat d’Israël au concours, pointant qu’« accueillir des pays qui se placent au-dessus du droit humanitaire et les autoriser à participer à des événements culturels internationaux banalise les violations du droit international et rend invisible la souffrance des victimes. »
Ce qui n’a pas empêché l’Union européenne de radiotélévision (UER), organisatrice de l’évènement, de confirmer la participation d’Israël et de sa candidate, Eden Golan. Une situation jugée « inacceptable » par des fans du concours et par les soutiens au peuple palestiniens présents en Suède. Lors des répétitions, la prestation de la candidate israélienne a été en partie recouverte par les sifflements du public, dont certains scandaient « Free Palestine », tandis que d’autres ont ostensiblement tourné le dos.
La performance "d'Israël" a été sifflée lors des répétitions de la demi-finale de l’Eurovision. Le public a scandé « Free Palestine ».
La chanteuse représentant l’entité génocidaire, Aden Golen, a été huée lors des répétitions générales de l'Eurovision. pic.twitter.com/1YX0FxK0Al
— NusaybaAlQalam (@AlNusayba) May 9, 2024
Alors que la police suédoise bloquait hier l’accès à la Malmö Arena où se tenait la demi-finale du concours, plus de 10 000 personnes ont manifesté dans la ville suédoise, brandissant des pancartes « Libérez la Palestine », « L’EUR légitime le génocide ». Pour Pia Jocobson, organisatrice de la manifestation interrogée par BFMTV, « On ne peut pas lancer des paillettes d’une main et lâcher des bombes de l’autre. On veut montrer notre solidarité avec les Palestiniens. »
Massive rally in #Malmo happening right now, protesting Israel's participation in @Eurovision.
Still 2 more days to go !#BoycottEurovision2024 pic.twitter.com/f7QfraVXPg— Brighton PSC (@BrightonPSC) May 9, 2024
Présente lors de la manifestation, Greta Thundberg, figure militante de l’écologie et de la jeunesse, venue affirmer son soutien au peuple palestinien face au génocide en cours : « Il faut montrer que c’est scandaleux et inexcusable de la part de l’Eurovision de laisser Israël participer alors que le pays perpétue actuellement un génocide. »
En Belgique, la diffusion de la demi-finale interrompue par une action syndicale
En Belgique, c’est la diffusion même de l’évènement qui a été perturbée. Des salariés de la chaîne ont interrompu brièvement l’émission, affichant à la place un écran noir portant la mention : « Ceci est une action syndicale. Nous condamnons les violations des droits de l’homme commises par l’État d’Israël. De plus, l’État d’Israël détruit la liberté de la presse. C’est pourquoi nous interrompons brièvement l’image. #CeaseFireNow StopGenocideNow. »
Belgian TV right before the start of Eurovision :
"We condemn the violations of the Israeli state. Israel is also destroying the freedom of the press. That's why we temporarily interrupt the screen." pic.twitter.com/YMEgcLdHyM
— Pim (@EscPim) May 9, 2024
Une action revendiquée par le syndicat ACOD-VRT, qui, dans un communiqué, déclare « Nous sommes convaincus que l’État d’Israël est en train de commettre un génocide, et il est donc scandaleux qu’il y ait un candidat israélien au concours Eurovision de la chanson. […] Ne rien faire, se contenter de regarder, ce n’est plus une option. » Une action symboliquement forte dans un contexte où se renforce la censure et la répression de toute critiques de l’Etat d’Israël en Europe, aux Etats-Unis et dans tous les pays alliés d’Israël.
Censure et exclusions : l’Eurovision, une institution « apolitique » très politique
Si l’UER réaffirme sur son site que l’Eurovision « est un événement apolitique » le concours s’avère en réalité très politique. Compétition non sportive la plus regardée au monde, avec près de 200 millions de spectateurs chaque année, l’Eurovision participe du « soft power » des différents états représentés, et notamment d’Israël, premier état non-européen à avoir été intégré, en 1973.
Alors que la désignation du vainqueur n’est pas exempte de considérations politiques – le cas de l’Ukraine, qui a remporté la victoire en 2016, année de l’invasion de la Crimée, et en 2022, année de l’invasion du pays par les armées de Poutine, étant en cela emblématique – il n’est pas rare que les candidats interprètent des textes aux sous-entendus politiques. Une précédente version de la chanson interprétée par « l’apolitique » candidate israélienne s’intitulait ainsi « October rain », en hommage aux victimes israéliennes du 7 octobre, avant d’être censurée par les organisateurs. Bambie Thug, candidate irlandaise à l’Eurovision, a quant à elle déclaré avoir dû modifier à la demande de l’UER des messages appelant à un « cessez-le-feu » et à la « liberté pour la Palestine » écrits sur son corps en ogham, un ancien alphabet celte.
De même, si l’UER déclare n’avoir pas « le pouvoir politique » de « prendre des sanctions » dans le cas où « la communauté internationale » ne l’imposerait pas, dans les faits, des états ont déjà été exclus du concours pour des raisons politiques. En 2022, l’UER prenait la décision d’exclure la Russie, après l’invasion de l’Ukraine. Autre précédent, la Yougoslavie, exclue en 1993 suite sanctions de l’ONU. Parmi les manifestants rassemblés à Malmö, certains dénoncent ainsi un deux poids, deux mesures.
Alors que la répression et la criminalisation des soutiens à la Palestine se fait de plus en plus forte, la mobilisation contre la participation d’Israël à l’Eurovision est un nouvel exemple du soutien au peuple palestinien qui s’exprime à travers le monde. Alors que le mouvement étudiant en soutien à la Palestine s’étend à l’échelle internationale, ces actions illustrent la vitalité de la mobilisation contre le génocide, pour la fin de la colonisation, en soutien avec le peuple palestinien.