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L’étincelle d’une jeunesse à bout

« Faisons front face aux violences policières sur nos élèves ! » Marion prof dans le 93

Que des très jeunes crament, pillent et s’affrontent à la police depuis maintenant 4 nuits, étonne, inquiète et mets en exergue une colère profonde de la jeunesse. « C’est rude mais c’est sûr que ça allait péter… Trop d’inégalités… » lâche une collègue en salle des profs.

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« Faisons front face aux violences policières sur nos élèves ! » Marion prof dans le 93

Crédits photo : Révolution Permanente

En regardant, mes élèves au bal des troisièmes mardi soir je me suis dit que n’importe lequel d’entre eux pourrait être Nahel, et que le bonheur qu’ils vivaient à ce moment-là allait disparaître et leur colère exploser quand ils le sauraient, quand ils auraient pris connaissance qu’un gamin comme eux avait perdu la vie, tué froidement lors d’un contrôle de Police. Ils recevraient la violence des médias qui décrédibilisent la victime et son entourage, qui stigmatise la jeunesse, qui les stigmatise eux. Au moment où ils auraient pris conscience de tout cela, le bal, la fête, serait fini. Le lendemain soir dans le quartier il y a eu des barricades, des feux aux quatre coins des rues et des affrontements violent avec la police, ils savaient.

Nahel l’étincelle

« Ça fait trop longtemps qu’on subit ce qu’ils appellent des bavures Madame, ils nous mettent dans des situations où on ne peut pas rentrer chez nous et où on ne sait pas comment s’en sortir. » me raconte mon élève Ali. Les humiliations, et les violences policières pour cette jeunesse des quartiers populaires sont vécus quotidiennement, et sont profondément ancrées en eux. Même pour les jeunes qui n’ont pas vécus 2005 et la révolte des banlieues, la réaction face à la police est la même que celle de Zyed, de Bouna ou d’Adama : ils ont la trouille au ventre et s’enfuient lorsqu’il la voit, parce qu’ils sont en sursis, déjà coupable dans leur regard de simplement exister. « Ils nous prennent pour des voyous, c’est comme si on allait commettre un crime et on ne sait jamais jusqu’où ils peuvent aller. » me dit encore Ali.

Alors le meurtre de Nahel c’est l’étincelle parce que cette fois-ci c’est filmé, parce que cette fois-ci on peut les croire et parce qu’ils refusent cette fatalité et veulent se battre et exister. Leur violence et les formes quelle est en train de prendre, quoi qu’on en dise est politique. Pour beaucoup c’est leur première révolte et ils sont jeunes, très jeunes mais ont grandi dans une société où les attaques pleuvent contre le monde du travail, leurs parents. Chaque année depuis qu’ils sont petits il y a des mobilisations, contre le racisme et les violences policières avec le comité Adama, pour l’écologie, le mouvement des Gilets Jaunes, ils ont été exposés au covid et leur familles aussi dans des départements où les services de santé se sont cruellement effondrés, et ils ont vu ces derniers mois les mobilisations et grèves contre la réforme des retraites menés par les plus grand qui s’inquiétaient de crever au boulot. L’inflation galopante, le mal logement, le gouvernement de plus en plus autoritaire et répressif, c’est avec tout cela qu’ils grandissent, c’est contre tout cela qu’ils se révolte. Ils ont découvert leurs propres forces, ils ont une rage incommensurable, ils n’ont pas de perspective d’avenir dans une société qui leur offre que violence et précarité, le gouvernement en a conscience et va tout faire pour les réprimer, les isoler, les stigmatiser.

Ça allait péter et dans l’éducation on le savait

Mal logement, inflation galopante et prix des denrées alimentaires en hausse, pas d’argent pour partir en vacances, pas d’activité extra-scolaire, une éducation et une santé au rabais, comme disait ma collègue « trop d’inégalités ». Ça allait péter et dans une éducation publique à bout de souffle. On le savait, notre secteur est en proie aux logique néolibérale qui visent à « dégraisser le mammouth » alors qu’il ne reste que les os, de supprimer des classes, exploser les seuils du nombre d’élèves par classe, rendre impossible tout suivi individuel, supprimer des postes d’enseignants, d’AED, d’AP, rendre impossible l’accueil des élèves handicapés en précarisant les AESH. Et une logique de l’école de plus en plus affirmée ; autoritaire, au service du patronat, au service de l’armée, les dernières réformes sont là pour pleinement l’assumer. Alors non ! Cette jeunesse ne veut pas marcher au pas, ils ne veulent pas se faire exploiter, ils n’en peuvent plus de se faire intimer l’ordre de se calmer. La violence de ce monde leur est depuis toujours renvoyée en pleine face. Ils intègrent l’exploitation et l’oppression avant même l’entrée sur le marché du travail, les logiques de sélection et mise en compétition, les Parcoursup etc une institution scolaire violente qui leur renvoie l’idée perpétuelle que tout ça, ce n’est pas pour eux et qu’ils ne pourront jamais étudier, qu’ils ne sont « pas très scolaire » et qu’ils « n’iront jamais bien loin ». Alors aujourd’hui ils s’attaquent aux mairies, aux commissariats à tout ce qui les renvoie à la violence de ce système, ils s’attaquent donc aussi parfois aux écoles comme symbole de ce qui les a rejetés et humiliés.

Aussi du côté des travailleurs de l’éducation nous n’avons cessé d’alerter sur les conditions d’éducation déplorables, sur l’accueil toujours plus au rabais de nos élèves, sur l’idéologie réactionnaire, sur la violence des réformes, aux côtés des parents. Ceux d’en haut refusent nos revendications, pire, ils redoublent les attaques, rendant encore plus profond le sentiment d’asphyxie. Alors peut-on vraiment s’étonner que ça pète ?

Profs solidaires des révoltés et en lutte contre les violences policières

Le gouvernement et les médias cherchent aujourd’hui à isoler la colère de cette jeunesse par la répression et par la stigmatisation en montrant en boucle les scènes de pillages et en donnant toujours plus la parole à l’extrême droite « Tout cela n’a plus grand-chose à voir avec le meurtre de Nahel » peut-on entendre en boucle sur BFM depuis 48h. Sauf que si, toute cette colère à justement avoir avec l’énième meurtre commis par la police, avec le sentiment d’injustice profond face à l’impunité policière, et parce que ces jeunes ressentent aussi un sentiment d’identification en Nahel. Cette colère était sourde et n’arrivait jusqu’alors pas à s’exprimer, elle s’est rependue comme une trainée de poudre et maintenant elle embrase le pays et ses colonies. La jeunesse hurle sa rage, hurle ce qu’elle pense de l’État français.

Dans les rassemblements ou les manifestations de soutien ces derniers jours, on croise beaucoup de collègues qui cherchent à exprimer leur soutien envers la famille d’abord mais également ne condamnant pas les violences de la jeunesse, soutiennent discrètement la révolte en cours. Les directions syndicales réagissent de façon plus que timorée, et restent silencieuse lorsqu’il s’agit d’exprimer leur soutien à la jeunesse révoltée et restent l’arme au pied lorsqu’il s’agit d’appeler à la mobilisation du mouvement ouvrier et de faire converger tous les secteurs de la société à la marche pour Adama le 8 juillet, dans la perspective d’un mouvement d’ensemble.

L’heure est à soutenir la jeunesse des quartiers qui se révoltent et à dénoncer de façon implacable les violences policières, de s’appuyer sur la révolte en cours pour remettre en cause l’autorité d’un gouvernement qui n’a que la répression comme seule réponse : le GIGN, la BRI, le Raid face à des gamins de 14 ans. L’heure est à se solidariser, à dénoncer la gestion autoritaire et austéritaire de Macron, à dire tout ce qui ne va plus.

Le fait que nos élèves se révoltent face à ce système profondément violent doit nous réveiller et nous pousser à nous organiser pour leur dessiner un avenir qui leur offre autre chose que la violence et la précarité. Avant que le mouvement ne se fasse étouffer, il est urgent de lutter contre la répression, d’exiger la fin de la militarisation des quartiers, la libération immédiate de la jeunesse. Il est temps pour nous de constituer un front large contre les violences policières aux côtés de la jeunesse, des familles de victimes de violences policières et des autres travailleurs de la société pour mettre sur la table toutes nos revendications et nous organiser collectivement pour un autre avenir, une autre société.


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