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État d’urgence

Interview de trois lycéennes suite à l’alerte à la bombe dans six lycées parisiens

Agathe, Manon et Anais, lycéennes de Montaigne Nous sommes toutes les trois au lycée Montaigne de Paris et mardi matin nous avons, comme beaucoup de lycéens et lycéennes des établissements de notre secteur, subi l'alerte à la bombe. Nous avons souhaité revenir sur ce qu'il s'était passé et notamment sur la manière absurde dont la situation a été gérée par les autorités.

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Anais :

Il était environ 11h ce mardi matin quand mon cours de philosophie a été interrompu par l’alarme incendie. Tous habitués à ce genre d’exercice, élèves comme professeurs, nous avons quitté nos salles respectives dans une ambiance tranquille. Les élèves étaient plutôt joyeux, c’était l’occasion de faire une petite pause, histoire de s’aérer un peu et de revenir, comme d’habitude, 20 minutes après. Ma classe a rejoint la cour du collège où plusieurs policiers nerveux demandaient à tout le monde de rester groupé au fond de la cour tandis qu’ils confisquent les sacs des élèves descendus avec pour les entasser dans un coin, à peut-être 20 mètres des élèves.

Nous voilà donc, collégiens et lycéens, une dizaine de classes, à attendre sans réellement savoir ce qu’il se passe et en observant policiers et membres de l’administration faisant des vas-et-viens dans toute la cour. On pense d’abord à un exercice de mise en sûreté, on soupçonne un incendie, on a même cru pendant un temps qu’il s’agissait d’une opération anti-drogue sur le lycée. On s’interroge mais personne n’est vraiment inquiet et tout le monde plaisante avec tout le monde.
Puis je reçois un appel d’une de mes camarades, Manon, qui m’informe qu’elle vient d’arriver devant le lycée où quatre voitures de polices sont stationnées. Elle m’a demandée ce qu’il se passait, je lui ai répondu que je n’en savais pas plus qu’elle.

Et pour cause. Tout au long des deux heures qui vont suivre personne n’a jugé bon de venir nous voir en nous expliquant la situation, les professeurs eux-mêmes n’ont pas plus été informés que nous. C’est par Manon, restée à l’extérieur, que j’ai appris qu’il y avait eu une alerte à la bombe sur plusieurs lycées du secteur tels que Henri IV et Louis Le Grand.

Manon : J’avais une heure de trou mardi matin ce qui fait que je n’étais pas dans le lycée quand l’alerte a été lancée. Mais j’étais aux alentours et quand j’ai entendu l’alarme incendie je suis retournée devant le lycée voir ce qu’il s’y passait. Là, j’ai vu quatre voitures de polices garées devant. Je leur ai demandé ce qu’il se passait, il m’ont a peine répondu. Je savais par des amies à l’intérieur qu’ils gardaient les sacs, j’ai été voir un policier en insistant et en demandant pourquoi tant de mesures et il m’a répondu que c’était une fausse information et que non, personne n’allait fouiller les sacs de personne. En clair ils se sont pas mal moqués de moi, me disant tout et son contraire. Du coup j’en ai aussi profité pour leur demander pourquoi il y avait plus de policiers devant un lycée pendant un blocus que pendant une alerte à la bombe, ils ont rigolé et sont partis.

Anais : C’est vrai que personne n’a rien fait pour nous expliquer la situation alors qu’en tant qu’élèves on était les premiers concernés. Bien sûr je n’aurais pas demandé que le policier qui s’agitait dans tous les sens prenne son mégaphone pour nous expliquer qu’il y avait peut-être un colis piégé dans notre lycée et qu’on allait potentiellement tous y passer. Mais quand même, on nous a laissé deux heures à attendre, comme si on était trop stupides pour savoir. D’autant plus que les premières informations commençaient à tomber sur internet et on voyait que Henri IV avait été évacué et forcément on s’est demandés, pourquoi pas nous ? On ne savait pas combien de temps on allait rester là, à attendre dans une cour dans laquelle il y avait peut-être des explosifs cachés. C’était absurde.

Manon : Pendant ce temps moi j’étais toujours devant le lycée, et j’ai vu l’armée arriver, puis d’autres policiers, puis les chiens de déminage. Ils sont arrivés plus d’une heure après que l’alerte a été donnée. Pourtant c’est pas comme si on était pas en plein centre de Paris.

Agathe : On a vu d’autres policiers et un chien arriver dans la cour pendant que leurs collègues fouillaient les étages. Ils ont fait le tour et se sont dirigés directement vers les toilettes dans lesquelles ils sont restés quelques minutes. Ces mêmes toilettes où moi j’étais allée peut-être une demie-heure plus tôt. En clair s’il y avait vraiment eu une bombe j’aurais pu sauter avec. C’est rassurant, merci. Toutes ces mesures de sécurité on été absolument ridicules et scandaleuses. On est restés deux heures confinés dans un établissement, tous regroupés aux mêmes endroits dans les cours du collège et du lycée, si des terroristes avaient vraiment voulu tout faire péter ça aurait pas été un problème, et on y serait tous restés. Je pense personnellement qu’on nous a pas évacués car nous étions sous la responsabilité des policiers et de l’administration à ce moment-là, qu’on aurait soit-disant pris trop de risque en sortant et que la faute aurait pu retomber sur quelqu’un. Peut-être ont-ils préféré leur protection judiciaire que notre protection physique.

Anais : Je pense aussi qu’il y a un peu de ça. Et je pense que la principale raison pour laquelle les forces de police ne nous ont pas tenus au courant de la situation c’est parce qu’un potentiel terroriste aurait pu se cacher derrière le visage d’un collégien ou d’un lycéen. Voilà où l’on en est aujourd’hui, tout le monde est suspecté et ça instaure un climat de peur, ça ne fait qu’amener les élèves à se méfier les uns des autres, on n’a pas besoin de ça. Il y a un moment où il va falloir arrêter de fliquer la jeunesse, le terrorisme n’est pas notre faute. On n’aurait pas juste dû nous traiter comme des enfants incapables de comprendre l’enjeu de la situation.

Finalement, après un petit tour du propriétaire ils ont décidé que l’on pouvait sortir, il était 13h. Deux heures donc. Bien sûr ça n’a fait rire personne, ni les policiers, ni l’administration, ni les professeurs et ni les élèves. Malgré tout, ces derniers ont pour la plupart trouvé des stratagèmes et des jeux pour faire passer le temps et je dois reconnaître que mes camarades ont fait preuve d’extrêmement de sang-froid malgré le fait que personne n’a pris cette mesure à la légère.

En effet, depuis les attentats de novembre, des consignes de sécurité ont été données sur la conduite à suivre en cas d’attaque terroriste et il y a eu un exercice de simulation d’une mise en sûreté. D’autant qu’on sait bien que Montaigne pourrait être dans le collimateur, on est situé en plein quartier latin, le quartier des étudiants, près du Sénat, du Panthéon, de St Michel -un grand lieu d’affluence. Le risque zéro n’existe pas, mais je suis convaincue que si quelque chose devait arriver rien ne l’empêcherait, et sûrement pas ces mesures complètement absurdes.

Aujourd’hui nous nous sommes toutes les trois réunies avec quelques autres camarades du lycée pour parler de ce qui s’était passé ce matin-là et nous ne sommes pas les seules à partager les différents avis ci-dessus. On tient avant tout à porter un message. On demande tout d’abord à certains de nos camarades notamment les plus jeunes qui réclament plus de mesures de sécurité dans les lycées, de ne pas céder à la panique et surtout de ne pas tomber dans l’immense piège qu’est l’ultra-sécuritaire. Premièrement parce qu’elle porte mal son nom, et qu’elle ne protégera personne, et parce que la seule chose qu’on y perdra c’est le peu de libertés que les lycées offrent encore et que l’idée qu’à l’avenir , chaque lycéen ou collégien soit vu comme un potentiel suspect, qu’on ai le droit de fouiller constamment son sac ou de surveiller tous ses faits et gestes nous parait insupportable. Enfin, revenir sur le fait que la façon dont les choses ont été menées mardi matin est inadmissible et que pour notre part on a plus eu l’impression qu’on nous mettait en danger que l’on nous protégeait.


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