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« L’éducation n’est pas à vendre ! »

Grèce : Manifestations et assemblées étudiantes se multiplient contre la privatisation des universités

En Grèce, les manifestations et assemblées générales étudiantes se multiplient contre un projet de loi prévoyant la mise en place d’universités privées. Un mouvement étudiant massif qui rappelle la force de frappe de la jeunesse dans un pays qui subit encore les conséquences de la crise de 2008.

Irène Karalis

18 janvier

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Grèce : Manifestations et assemblées étudiantes se multiplient contre la privatisation des universités

Crédits photo : Μη μου μιλάς για καλοκαίρια sur X

En Grèce, un vaste mouvement étudiant se structure en assemblées générales et rassemblements réguliers contre une nouvelle réforme du gouvernement qui vise à mettre en place des universités privées. En effet, le ministre de l’éducation grec, Kyriákos Pierrakákis, a annoncé il y a quelques semaines un projet de loi sur les « universités libres » prévoyant la création d’universités privées dans le but de « libérer l’enseignement supérieur du monopole de l’État ».

Ce projet de loi constitue une nouvelle attaque contre l’enseignement public gratuit, pour laquelle le premier ministre Kyriákos Mitsotákis n’hésite pas à contourner l’article 16 de la Constitution qui stipule que « l’enseignement supérieur est dispensé exclusivement par des établissements qui sont des personnes morales de droit public jouissant d’une pleine autonomie. La création d’établissements d’enseignement supérieur par des personnes privées est interdite. » Cet article constitue un acquis du soulèvement de Polytechnique de 1973 contre la dictature des Colonels ainsi qu’une des conquêtes les plus importantes du mouvement ouvrier et de la jeunesse en Grèce. Or, le gouvernement souhaite procéder à une révision constitutionnelle en 2024 pour le supprimer de la Constitution, dans une attaque claire contre l’enseignement public et gratuit.

Cette nouvelle attaque, qui s’inscrit dans l’agenda néolibéral de Kyriákos Mitsotákis, arrivé au pouvoir en 2019, aura des conséquences graves pour les jeunes des classes populaires et toute la jeunesse étudiante : la création d’universités privées signifie la généralisation de la marchandisation de l’enseignement, l’aggravation du sous-financement pour les établissements publics et du manque de personnel, le démantèlement des infrastructures ainsi que des fermetures et des fusions d’école. Ce projet de loi prend place dans un programme plus global de privatisation des services publics et dans un nouveau cycle d’attaques de la part du gouvernement Mitsotákis depuis sa réélection en juin dernier contre tous les droits sociaux, démocratiques et syndicaux. Cette politique de privatisation a déjà montré ses conséquences criminelles lors du terrible accident ferroviaire qui a fait 57 morts en mars dernier.

Lors des manifestations qui ont suivi l’accident, de nombreux manifestants et organisations politiques pointaient déjà la responsabilité de Syriza, qui avait privatisé la compagnie ferroviaire mise en cause durant son mandat. Aujourd’hui, la responsabilité du parti de l’ancien premier ministre Aléxis Tsípras est limpide quand on sait que Syriza comme le PASOK, le parti traditionnel de la social-démocratie, ont tous deux déclaré qu’ils étaient « ouverts à la possibilité de créer des universités non étatiques ».

Face à cette nouvelle attaque, le mouvement étudiant n’a pas tardé à répliquer. Toutes les universités d’Athènes ainsi que 180 écoles sont occupées, des Assemblées générales ont eu lieu dans plusieurs universités et des manifestations massives ont lieu plusieurs fois par semaines dans plusieurs villes du pays. Ce jeudi, des milliers de jeunes ont ainsi défilé dans les rues d’Athènes, Thessalonique, Patras, Volos, Chania, Xanthi ou encore Rethymnon. Les manifestants défendent une éducation publique et gratuite et le retrait des projets de loi anti-éducation et s’opposent à la création d’universités privées. Sur les pancartes, on pouvait lire les slogans suivants : « De l’argent pour l’éducation ! », « Éducation publique et gratuite ! », « L’éducation n’est pas à vendre ! » ou encore « L’éducation, la santé, l’électricité et l’eau ne sont pas des produits du marché et appartiennent au peuple ».

Lors des manifestations, les étudiants ont dû affronter la répression de la police grecque, qui a utilisé des gaz lacrymogènes et des produits chimiques, allant même jusqu’à ouvrir le crâne d’un manifestant. Le 15 janvier, la police a ainsi pris d’assaut l’université de Polytechnique, procédant à des arrestations, terrorisant et emprisonnant les étudiants qui se trouvaient dans les facultés occupées environnantes. Une répression permise par l’abrogation de la loi de l’asile universitaire qui interdisait à la police d’entrer dans les universités. Cette loi avait été promulguée après la chute de la dictature des colonels, en mémoire du soulèvement de Polytechnique du 17 novembre 1973 qui avait été férocement réprimé par l’armée grecque, entrée avec des tanks dans l’École Polytechnique, faisant 24 morts.

Face à la répression, nous envoyons toute notre solidarité à la jeunesse grecque, qui s’affronte aujourd’hui aux plans néolibéraux du gouvernement Mitsotákis. Alors qu’en France, l’avenir proposé par Macron aux jeunes se résume aux « réarmement démographique », c’est-à-dire à faire des enfants, et « réarmement civique », avec l’annonce de nouvelles attaques contre l’école à l’image de la généralisation de l’uniforme d’ici 2026 et du Service National Universel en seconde, il faut rappeler que la lutte pour une éducation gratuite, publique et émancipatrice est internationale !


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