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Grève pour les salaires

Grève historique au Bangladesh : des dizaines de milliers d’ouvriers en grève, 600 usines à l’arrêt

Depuis deux semaines, des dizaines de milliers d'ouvrier·e·s du textile au Bangladesh ont entamé une grève historique pour leurs salaires et conditions de travail. Une mobilisation largement réprimée, dans un contexte de crise importante du gouvernement bangladais.

Olga Hagen

10 novembre 2023

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Grève historique au Bangladesh : des dizaines de milliers d'ouvriers en grève, 600 usines à l'arrêt

Quelques 600 usines textiles fermées, une cinquantaine d’entre elles saccagées, 4 brulées, de nombreuses routes bloquées : tel est l’état du Banglandesh en ce moment, en proie à un mouvement de contestation impressionnant. Depuis plus de deux semaines, plusieurs dizaines de milliers d’ouvrier·e·s du textile ont décidés d’entamer une grève pour des augmentations de salaires et sortent dans la rue pour manifester.

Au Bangladesh, des dizaines de milliers d’ouvrier·e·s en grève pour leurs salaires

Face à un salaire misérable qui s’élève autour de 8.300 takas (70 euros mensuels), les travailleurs et travailleuses du secteur, composé à 80% de femmes, demandent un triplement de leur salaire, soit 23.000 takas (190 euros). Malgré la proposition faite par la Première Ministre d’une augmentation de 56%, les ouvrier.e.s ont refusé de s’y plier et continuent la grève, signe de leur détermination.

En plus de leur faible salaire, les conditions de travail terribles des ouvrier.e.s Bangladais.es expliquent la colère des travailleurs, entre nombres d’heures travaillées insoutenables (environ 47 heures par semaine), infrastructures insalubres ou normes de sécurité non respectées… Une situation tragiquement illustrée par les incendies de l’usine textile de Tazreen et ses 110 morts en 2012, et du tristement célèbre effondrement de Rana Plaza en 2013, qui avait fait plus de 1135 morts.

Effondrement du Rana Plaza en 2013. Photo : Rijans / Flickr

C’est d’ailleurs suite à cette catastrophe qu’un « conseil du salaire minimum » avait été créé pour canaliser la colère qui avait suivi. Le gouvernement s’était engagé à augmenter les revenus tous les… cinq ans. Et c’est précisément cette année 2023 que les salaires devaient augmenter, ce qui n’a pas eu lieu. Cela signifie qu’ils n’ont pas été augmentés depuis 2018, alors même que l’inflation a atteint 10% cette année et que le taka a subit une dépréciation d’environ 30% par rapport au dollar américain depuis début 2022. « Les travailleurs n’ont jamais été aussi pauvres et avec un pouvoir d’achat aussi bas » explique Salma Lamqaddam pour L’Obs.

Une ouvrière tuée d’une balle dans la tête par la police, symbole d’une répression féroce

Face à la colère ouvrière, très vite la répression s’est abattue sur les grévistes. Ce mercredi, une ouvrière de 23 ans et mère de deux enfants a été tuée d’une balle dans la tête par la police bangladaise alors qu’elle manifestait près de Dacca, la capitale. On note des centaines d’arrestations et des dizaines de blessés depuis le début.

Une répression « structurelle, surtout quand la question de salaire est évoquée » explique Salma Lamqaddam. En effet, si le pays est devenu le deuxième exportateur de textile mondial derrière la Chine, c’est pour sa main d’oeuvre à très bas coût. La sous-traitance y est de mise, en majorité par des entreprises de fast fashion mondiales telles que H&M, Levi’s, Zara, Asos, Primark, Uniqlo ou Gap. Le Bangladesh s’est développé sur cette base et aujourd’hui, les 3.500 usines textiles représentent 85% des exportations du pays et emploient 4 millions d’ouvrier.e.s. Ainsi, les grèves mettent en cause les intérêts patronaux nationaux, mais aussi ceux de grandes marques internationales, ce qui engendre donc une forte pression pour que les grévistes reprennent vite le chemin du travail et sans encombres.

Dans les précédents mouvements pour les salaires au Bangladesh comme en 2016, les manifestations avaient aussi été violemment réprimés : à la fois physiquement par la police, mais aussi lors du retour au travail. Beaucoup d’entre eux se sont en effet fait licencier et mettre sur « listes noires ». Dans le cadre de la mobilisation actuelle, la Première Ministre a déclaré que « s’ils descendent dans la rue pour protester à l’instigation de quelqu’un, ils perdront leur emploi, leur travail et devront retourner dans leur village ». Un véritable climat de terreur pour tenter de calmer la situation à tout prix.

Ce mouvement déstabilise d’autant plus le gouvernement du Bangladesh alors que ce dernier est en proie à une crise politique importante. Le 28 octobre dernier, plus de 100.000 personnes étaient réunies dans les rues de la capitale pour exiger la démission de la Première ministre. Là encore, une répression très dure s’était abattue sur les manifestants, causant la mort de l’un d’entre eux.

Face à un gouvernement autoritaire et un patronat national qui ne compte ni réduire ses profits, ni augmenter ses coûts de ventes aux franchises occidentales pour pouvoir rester compétitif, la détermination des travailleuses et travailleurs du Bangladesh est particulièrement impressionnante. À cela il faut ajouter les représentants des entreprises des pays impérialistes qui mettent toujours plus de pression pour maintenir les salaires les plus bas possible. Pour toutes ces raisons, la mobilisation des grévistes Bangladais.e.s de l’industrie textile appelle à un large soutien à l’international.


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