×

Le surendettement des ménages atteint des taux records

Léo Serge et Nina Kirmizi Aujourd'hui en France, comme ailleurs en Europe, le surendettement des travailleurs atteint son point le plus haut avec 200 000 personnes déclarées officiellement surendettées chaque année. Un business extrêmement juteux pour les banques et leurs actionnaires. Il y a vingt ans le nombre de ménages surendettés ne dépassait pas 60 000. Un triplement qui n'affole, ni les banques, ni les gouvernements à leurs services.

Facebook Twitter

Le surendettement aujourd’hui en France : des personnes isolées et des dépenses de la vie courante

Comment définir le surendettement ? En France c’est une commission étatique qui détermine sur dossier qui est surendetté. Il est définit comme l’impossibilité de rembourser les prêts contractés. Pour la seule année 2014, le nombre de dossiers déposés auprès des commissions de surendettement a augmenté de 3,5 % en 2014, soit 230 935 cas !

Parmi ces dossiers, plus des trois quarts (77,5 %) concernaient des locataires, mais la part des propriétaires et des propriétaires accédants tend à augmenter : + 0,6 points pour atteindre 10,8 % des cas de surendettement, selon la Banque de France. Le montant moyen des dettes par dossier a légèrement augmenté, s’élevant à 40 253 euros en 2014. En moyenne, les dettes immobilières se situent à 106 407 euros, et les dettes à la consommation à 21 772 euros.

Les personnes isolées sont les plus touchées et représentent 64,6 % des dossiers jugés recevables en 2014 selon une étude publiée le 1er juillet par la Banque de France. De plus, si la part des dossiers comportant un endettement immobilier, lié à l’achat d’un bien ou à des travaux, a aussi progressé d’un point, pour atteindre 11,8 % des cas - le rêve de l’accession à la propriété de sa maison se termine donc pour 23 000 personnes chaque années en cauchemar - dans 85,5% des cas, le surendettement est essentiellement lié à des crédits à la consommation.

La faute au chômage, à l’insuffisance des salaires et aux pratiques des banques

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le surendettement n’est pas uniquement lié aux licenciements ou aux décès d’un proche : bien sûr, la crise et les vagues de licenciements, ainsi que l’instabilité de l’emploi qui pèse de plus en plus sur les travailleurs, y sont pour quelque chose. Mais dans la majeure partie des cas le surendettement survient dans le cadre de prêts contractés pour financer les besoins de la vie courante – d’ailleurs qui ne peut pas dire qu’avoir un toit est un besoin de la vie courante ? Pour expliquer leur situation, les personnes interrogées par les commissions de surendettement placent ainsi en haut de la liste le poids des dépenses quotidiennes (loyer, alimentation…). À tel point que le crédit renouvelable devient « un substitut de ressources ». Ainsi, Marie-Andrée Blanc, administratrice de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), déclare au Monde : « Il n’y a pas de cause unique, mais l’augmentation des dépenses incompressibles joue un rôle essentiel. J’en veux pour preuve le nombre croissant de Français désormais contraints de solliciter un microcrédit pour se soigner ». Inflation et manque de transparence quant au calcul de la hausse des prix, politique de désinflation compétitive qui porte un coup d’arrêt à la hausse des salaires – notamment avec le gel des points d’indice des fonctionnaires -, valorisation insuffisante du SMIC, chômage de masse et son utilisation pour faire pression à la baisse sur les salaires, prestations sociales en dessous du seuil de pauvreté ( un RSA à 514 euros pour une personne seule et sans ressources) sont parmi les causes évidentes de cette hausse des taux de surendettement, et le besoin de recourir au crédit pour vivre, voire survivre tout simplement.

Mais la responsabilité est aussi largement imputable aux banques et aux organismes financiers qui, non contents de la situation, font leur beurre sur la misère des gens. Leurs techniques sont bien rodées : prêt pour rembourser des prêts, taux fluctuants dissimulés – comme ce fût le cas pour les crédits octroyés qui déclencheront la crise des subprimes - , taux usuriers (très élevés), contrats incompréhensibles, absence d’assurance en cas de perte d’emploi, démarchages des personnes les plus faibles et autres arnaques. Par exemple, les crédits renouvelables -aussi appelés crédits revolving - octroyés par les grandes surfaces ont déjà été épinglés par l’UFC-Que-choisir, ayant porté l’affaire devant les tribunaux, sans grand résultat face au travail de lobby des banquiers extrêmement puissants : il s’agit de crédits accordés par les grandes enseignes, généralement acquis avec une carte du magasin, et qui permettent au client de disposer d’un montant de crédit qu’il peut utiliser à tout moment, le montant de crédit se reconstituant au fur et à mesure des remboursements. Ces crédits sont accordés sans aucun regard sur les capacités de remboursement des agents, enrobés de formules publicitaires alléchantes, et surtout les taux pratiqués sont supérieurs à 16% et peuvent monter à près de 20% de la créance.

La crise des subprimes... déjà oubliée ?

Ce qu’il faut rappeler en premier lieu c’est que chaque prêt est contracté parce qu’il est à l’avantage du prêteur. On sait que même en cas de défaut d’une dette, les banques contractent des assurances leur permettant de détourner les risques vers d’autres acteurs financiers, ou tout simplement, se tournent vers les Etats, qui interviennent comme prêteurs en dernier ressort avec l’argent des contribuables pour éponger les dettes des banques et faire repartir la machine. En 2007, lors de la crise des subprimes aux Etats-Unis, ces contrats d’assurance sur les crédits, aussi appelés produits dérivés ont eu une grande responsabilité dans la propagation de la crise financière : preuve de leur soi-disant infaillibilité, ce sont ces mêmes contrats qui ont causé la faillite de la banque d’affaire Lehman Brothers, et qui ont obligé le Trésor américain à renflouer les autres banques qui disposaient de ces titres pourris.

L’épisode de la crise des subprimes n’a pourtant pas endigué les pratiques des banques et des capitalistes : c’est notamment des cas de surendettement de ménages populaires et l’impossibilité des remboursements des créances immobilières dont les taux étaient particulièrement juteux pour les capitalistes et totalement usuriers pour ces ménages à faibles revenus, qui a été l’élément déclencheur de la crise économique dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Tellement juteux que les banques et les organismes de prêts ont été bien peu regardants sur la solvabilité des ménages – leur capacité à rembourser – délivrant largement des crédits à taux variables et abusant de la naïveté de ses clients. Et tout porte à croire aujourd’hui qu’une crise similaire à celle des subprimes pourrait bien de nouveau arriver.

La barbarie du capitalisme peut se lire dans le fait qu’il s’en prend systématiquement au plus faible pour faire le maximum d’argent. Le scandale comme toujours est double : les salaires insuffisants ne permettant pas de vivre normalement, de se soigner, de se loger, de manger sainement... Associées à la destruction des services publics qui ouvrent des besoins de financement privé pour la population, ces situations sont de véritables aubaines pour les banques et le mécanisme de crédit.

En dernier ressort, et la crise de 2007-2008 l’a bien montré, les banques elles, ne courent aucun risque, et ce sont les États qui accourent au sauvetage des banques avec les deniers publics. « Too big to fail » les banques. Trop grosses pour tomber, dirons-nous, sans entraîner dans leur sillage le sort de l’entièreté du système économique : et c’est la survie de milliards de travailleurs qu’elles mettent en jeu, travailleurs qui sont ceux qui, in fine, payent les frais de ces crises.

La crise des subprimes, un petit coup de chaud, un vague souvenir pour les capitalistes, qui sont repartis de plus belle avec les mêmes recettes mortifères. Et ce sont les travailleurs qui payent encore aujourd’hui les pots cassés.

Le remède à la crise et au surendettement : un monopole public bancaire

La richesse provient du travail et de la production, et c’est sous la forme des salaires et du profit qu’elle est accaparée par les capitalistes qui dirigent les banques, et au travers d’elles, le système économique. La moralisation de la finance ne passera pas par un arsenal de mesures légales visant à la limiter : les mêmes erreurs sont reproduites malgré toutes les formes de régulation qui ont pu être prises depuis 2007.

Éviter les crises passe par le contrôle des banques de manière démocratique, par ses salariés et par la population, par la majorité des travailleurs qui sont saignés par la crise, et qui doivent s’en remettre au système financier pour obtenir leur salaire et disposer de leurs économies. Rien de plus normal au final que ce soit eux, sur le dos duquel le système financier fructifie, qui puissent contrôler leur argent. Réquisition et nationalisation des banques sans indemnités ni rachat ! Un monopole public bancaire sous contrôle des salariés et de la population ! Voilà le remède possible et crédible à l’arrêt d’un système qui n’a pour moral que l’exploitation.


Facebook Twitter
Tribune. Stop à la criminalisation du soutien à la Palestine !

Tribune. Stop à la criminalisation du soutien à la Palestine !

Surveillance olympique : des centaines de milliers de parisiens seront contrôlés par QR Code

Surveillance olympique : des centaines de milliers de parisiens seront contrôlés par QR Code

Toulouse. 33 organisations appellent à se rassembler contre la criminalisation du soutien à la Palestine

Toulouse. 33 organisations appellent à se rassembler contre la criminalisation du soutien à la Palestine

« Sciences Po a le droit d'évacuer » : Glucksmann soutient la répression des étudiant·es pro-Palestine

« Sciences Po a le droit d’évacuer » : Glucksmann soutient la répression des étudiant·es pro-Palestine

Nouveaux dispositifs policiers et surveillance accrue : l'offensive sécuritaire se déploie à Brest

Nouveaux dispositifs policiers et surveillance accrue : l’offensive sécuritaire se déploie à Brest

Simplification administrative : des annonces creuses qui préparent des offensives d'ampleur

Simplification administrative : des annonces creuses qui préparent des offensives d’ampleur

Solidarité ! Un militant BDS convoqué à Montpellier après la plainte d'un sénateur PS

Solidarité ! Un militant BDS convoqué à Montpellier après la plainte d’un sénateur PS

Durée d'allocation, durcissement des règles : Attal précise son offensive contre l'assurance chômage

Durée d’allocation, durcissement des règles : Attal précise son offensive contre l’assurance chômage