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La coalition au pouvoir menacée

Maroc. Le boycott de Danone devenu le symbole de la lutte contre la vie chère

Un mouvement de protestation lancé il y a 6 semaines sur les réseaux sociaux appelle à boycotter la marque Danone, ainsi que les stations-services Afriquia et l’eau minérale Sidi Ali, afin de protester contre la cherté de la vie. Dans un contexte marqué par le chômage et la précarité grandissante, ce mouvement est symptomatique du ras-le-bol de la population marocaine vis-à-vis de son niveau de vie, mais aussi, vis-à-vis d’un gouvernement qui apparaît de plus en plus comme une caste au service des intérêts des grands groupes, ce dernier voyant sa stabilité menacée.

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PHOTO : Les ouvriers de Centrale Danone ont manifesté le mardi 5 Juin dernier devant le Parlement à Rabat suite à l’annonce du groupe de menacer des emplois en représailles du boycott. P© AFP / Fadel Senna

Un mouvement contre la cherté de la vie…

Le mouvement lancé sur les réseaux sociaux de manière anonyme a rapidement remporté une large adhésion auprès de la population marocaine. En 6 semaines déjà, le géant Danone, devenu le symbole de la cherté de la vie, a vu ses bénéfices dégringoler, enregistrant une perte de 20% de son chiffre d’affaire au premier semestre de cette année, l’équivalent de 13,5 millions d’euros. Le boycott cible également la marque d’eau minérale Sidi Ali et les stations-services Afriquia, dont l’actionnaire majoritaire n’est autre que le milliardaire et ministre de l’Agriculture Aziz Akhannouch.

Ce mouvement contre la cherté de la vie s’insère dans une contestation globale des conditions de vie des marocains. Alors que le pays a vu son PIB croître de 4% l’an passé, le chômage touche près d’un quart des jeunes, ce chiffre pouvant aller jusqu’à 43% dans certaines régions rurales ; comme dans la région du Rif, où des mobilisations avaient déjà éclaté ces derniers mois. Actuellement, le salaire minimum marocain se situe autour de 120 euros, et le salaire moyen ne dépasse pas l’équivalent de 350 euros. En 2016, on estimait également que 60% de la population vivait dans la pauvreté.

…qui menace la coalition au pouvoir

Le boycott économique, qui a déjà amené à la démission du ministre des Affaires générales, menace fortement la coalition dirigée par le Parti Justice et Développement (PJD), déjà très affaiblie. Ainsi, le ministre Lahcen Daoudi, figure du PJD, a été contraint de démissionner mercredi dernier, après que sa participation à une manifestation organisée par les salariés de Danone devant le Parlement ait été vivement critiquée. En effet, plus de 2000 ouvriers de la Centrale Danone manifestaient à Rabat le mardi 5 Juin en réaction à la menace de suppression de contrats par la marque, en représailles au boycott, ce qui constitue un chantage à l’emploi clair.

La participation du ministre des Affaires générales a cette manifestation a suscité la controverse, les partisans du boycott considérant que ce dernier défend les intérêts de l’entreprise et non pas les salariés, ni même les consommateurs. Cet acte a également été désavoué par le PJD, obligeant à sa démission.

Par ailleurs, le boycott concerne directement la société d’Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture et dirigeant du Rassemblement National des Indépendants (RNI), également membre de la coalition. Ces deux partis se voient donc fortement affaiblis par ce mouvement d’ampleur. Le parti authenticité et modernité (PAM), fondé en 2008 par un conseiller du Roi et de tendance libérale, a quant à lui tenté d’émerger comme une alternative, mais dispose d’appui réduit au sein de la population. Le gouvernement, ne sachant pas comment répondre à cette crise politique, s’est muré dans le silence.

Au Maroc, un pays qui a connu de nombreux soulèvements ces dernières années, à l’image des manifestations qui ont éclaté dans le Nord-est du pays en décembre dernier, ou encore dans le Rif au cours de l’année 2017, ce vaste mouvement de boycott économique, et l’instabilité gouvernementale qui l’accompagne pourraient donner lieu à un scénario politique particulièrement convulsif comme observé récemment en Jordanie, où la lutte des salariés et de la population contre l’austérité ont forcé le gouvernement et le FMI à reculer après la démission du premier ministre.


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