×

Gauche pro-Israël

Massacre à Gaza : Sanders refuse d’appeler au « cessez-le-feu » et défend le « droit d’Israël à se défendre »

Interviewé dimanche, Bernie Sanders, figure de l’aile gauche du Parti démocrate, s’est dit opposé au cessez-le-feu à Gaza, réaffirmant le droit d’Israël à se défendre contre le Hamas. Une position dans la lignée de son soutien à l’impérialisme étatsunien au Moyen-Orient, mais révélatrice.

Jyhane Kedaz

6 novembre 2023

Facebook Twitter
Audio
Massacre à Gaza : Sanders refuse d'appeler au « cessez-le-feu » et défend le « droit d'Israël à se défendre »

Capture d’écran CNN

« Je ne sais pas comment il est possible de défendre un cessez-le-feu quand vous avez en face une organisation comme le Hamas qui promeut le chaos et la destruction de l’Etat d’Israël ». Dimanche 5 novembre, le sénateur nord-américain Bernie Sanders, figure des « démocrates socialistes » et de la gauche du Parti démocrate dans le pays, a formellement affirmé sur CNN son opposition à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Alors qu’Israël, soutenu par les Etats-Unis et les puissances occidentales, est responsable depuis le 7 octobre de la mort de plus de 10.000 Palestiniens par ses bombardements, le sénateur s’inscrit dans la lignée du gouvernement impérialiste américain de Joe Biden en refusant d’appeler à mettre fin aux « combats » en cours et en réaffirmant « le droit d’Israël à se défendre ».

« Je crois que les horreurs commises par le Hamas sont très claires pour la plupart des gens. Le Hamas est une organisation terroriste terrible, qui a tué de sang-froid 1400 personnes : Israël a le droit de se défendre », a notamment expliqué le sénateur du Vermont en toute tranquilité, reprenant une rhétorique qui légitime l’opération meurtrière en cours. figure du courant des socialistes démocrates au sein du Parti démocrate américain. Si ce dernier a condamné hypocritement les massacres sur les civils expliquant « qu’Israël n’a pas le droit de tuer des milliers et des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants innocents, qui n’ont rien à voir avec les attaques » du 7 octobre et exigé « l’arrêt immédiat des bombardements », c’est un appui tacite à la politique d’Israël qu’assume le politicien parfois associé à la « gauche radicale ».

Ces dernières semaines, l’État d’Israël a en effet tracé une ligne entre ceux qui emploient le terme, pourtant très minimal, de « cessez-le-feu », considérés comme des ennemis, et les autres. Le sénateur du Vermont a choisi son camp. Dans ce cadre, la timide revendication d’une « trêve humanitaire », c’est-à-dire, d’un arrêt ponctuel des combats pour acheminer de l’aide aux civils et aux secours, sonne comme une façon de masquer une position de soutien à Israël et l’alignement sur les grandes lignes du discours de Joe Biden.

Preuve s’il le fallait de cette attitude, Bernie Sanders a refusé de remettre en cause le soutien financier et militaire des Etats-Unis à l’état colonial israélien, se contentant d’expliquer que les fonds américains devraient être conditionnés au respect du droit international. « Ce n’est un secret pour personne que nous envoyons 3,8 milliards de dollars par an à Israël. Si vous comptez continuer à prendre notre argent, et si Biden compte en envoyer plus, il va falloir qu’ils reconnaissent qu’ils ne peuvent pas violer les valeurs américaines et celles du monde civilisé », a-t-il affirmé dans une vidéo publiée sur son compte Twitter. Comme si l’État d’Israël ne violait pas systématiquement le droit international depuis 75 ans.

Une version de « gauche » du sionisme et de l’impérialisme

En réalité, la position de Bernie Sanders n’est pas surprenante, et s’inscrit dans une longue histoire de soutien du sénateur du Vermont à l’impérialisme américain, y compris dans ses politiques les plus guerrières. Comme le notait en 2019 Doug Greene dans un article de Left Voice, au sujet de la politique du sénateur concernant Israël ces dernières décennies : « Bien que Sanders se dise en faveur des deux camps, dans la pratique, il se range du côté d’Israël (...) Ce soutien ne s’est pas limité à des mots, mais s’est traduit par des votes en faveur de l’octroi de milliards d’euros de matériel militaire et d’aide à l’État d’apartheid en 1997, 1999 et 2004. (...) Il a également voté pour des résolutions en faveur des actions militaires israéliennes contre le Liban en 2006 et contre Gaza en 2014 ». Dans la même logique, l’auteur rappelle que Sanders « a déclaré que le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) visant à mettre fin à l’occupation des territoires palestiniens était motivé en partie par l’antisémitisme ».

Bernie Sanders peut ainsi se dire en faveur du respect du droit des Palestiniens, ses actions politiques de soutien à l’Etat colonial d’Israël parlent pour lui. Plus largement, bien qu’il ait fait campagne lors de la présidentielle américaine autour d’un discours « pacifiste », le démocrate « socialiste » a, depuis le début de sa carrière, soutenu de manière plus ou moins directe un certain nombre d’interventions étrangères américaines au nom de la défense « des valeurs du monde civilisé », pour reprendre ses mots.

En 1998, Sanders a ainsi voté pour l’Iraq Liberation Act, une résolution qui a permis de mettre en place le plan des services d’Intelligence américaine pour renverser le régime de Saddam Hussein à Bagdad, imposant dans le même temps des sanctions économiques qui pourraient avoir tué jusqu’à 500 000 enfants irakiens dans la décennie.. Toujours sous Clinton, il a voté en faveur des bombardements américains au Kosovo en 1999.

Concernant cette fois l’intervention américaine en Afghanistan, qui aura duré dix-huit ans, laissant derrière elle un pays dévasté, Sanders a, à plusieurs reprises, approuvé les législations sur les budgets militaires américains à ce sujet, de même que « les actions militaires d’Obama contre la Libye (...) l’aide d’un milliard de dollars au gouvernement ukrainien d’extrême droite en 2014, et l’armement de la monarchie saoudienne pour combattre Daesh », rappelle toujours Left Voice.

La gauche institutionnelle face au massacre à Gaza

Si les positions de Sanders sur le massacre en cours à Gaza rappelle sa longue histoire de soutien à l’impérialisme US, la situation démasque plus largement le rôle des organisations de la gauche institutionnelle, intégrées à leurs régimes respectifs.. En France, les partis de gauche dans leur quasi-totalité se sont alignés sur le discours du régime israélien au lendemain du 7 octobre, tels que le Parti socialiste, le Parti communiste français ou Europe Écologie Les Verts.

Dans le cas de l’Etat espagnol, le PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) au pouvoir, allié de Podemos, défend ouvertement le droit d’Israël à « l’autodéfense ». En Allemagne, où il existe un fort soutien au sionisme, Die Linke, organisation de la gauche radicale, est allée jusqu’à voter une déclaration au parlement avec tous les partis (y compris l’AfD d’ultra-droite) en faveur d’Israël, soutenant l’interdiction des organisations de solidarité avec la Palestine, comme le remarque dans nos colonnes Josefina L. Martínez.

Alors que des mouvements anti-guerre fleurissent dans différents pays occidentaux, il est nécessaire que ceux-ci exigent l’arrêt du massacre en cours et la rupture des relations et coopérations de leurs dirigeants avec l’Etat et le gouvernement israélien, ainsi que le retrait des troupes impérialistes du Moyen-Orient. Des objectifs qui ne pourront être atteints qu’en indépendance des directions politiques conciliantes envers l’impérialisme.


Facebook Twitter
Netanyahou compare les étudiants américains pro-Palestine aux nazis dans les années 1930

Netanyahou compare les étudiants américains pro-Palestine aux nazis dans les années 1930

Interview d'une étudiante de Columbia : « les campements doivent s'étendre à l'ensemble du pays »

Interview d’une étudiante de Columbia : « les campements doivent s’étendre à l’ensemble du pays »

Etats-Unis : la mobilisation de la jeunesse étudiante attise les difficultés de Biden

Etats-Unis : la mobilisation de la jeunesse étudiante attise les difficultés de Biden

Du Vietnam à la Palestine ? En 1968, l'occupation de Columbia enflammait les campus américains

Du Vietnam à la Palestine ? En 1968, l’occupation de Columbia enflammait les campus américains

Hongrie : 4 antifascistes menacés de jusqu'à 24 ans de prison ferme pour leur lutte contre des néo-nazis

Hongrie : 4 antifascistes menacés de jusqu’à 24 ans de prison ferme pour leur lutte contre des néo-nazis

Mumia Abu Jamal, plus vieux prisonnier politique du monde, fête ses 70 ans dans les prisons américaines

Mumia Abu Jamal, plus vieux prisonnier politique du monde, fête ses 70 ans dans les prisons américaines

Surenchère xénophobe : La déportation des migrants vers le Rwanda adoptée au Royaume-Uni

Surenchère xénophobe : La déportation des migrants vers le Rwanda adoptée au Royaume-Uni

Argentine : 1 million de personnes dans les rues pour défendre l'université publique contre Milei

Argentine : 1 million de personnes dans les rues pour défendre l’université publique contre Milei