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Offensive sociale

Milei menace de privatiser l’audiovisuel public, les syndicats appellent à des assemblées générales

Alors que Javier Milei, le nouveau président argentin, prévoit une série de mesures austéritaires et antisociales, la réaction du mouvement ouvrier va être centrale dans la construction d’une opposition au nouveau gouvernement. Des assemblées ont d’ores et déjà été convoquées par les syndicats de la presse publique.

Irène Karalis

21 novembre 2023

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Milei menace de privatiser l'audiovisuel public, les syndicats appellent à des assemblées générales

Photo : compte X de Javier Milei

Ce dimanche, Javier Milei, le candidat du parti d’extrême-droite La Libertad Avanza, a gagné les élections présidentielles en Argentine face au ministre de l’Économie Sergio Massa. Cette victoire de l’extrême droite montre que Milei a réussi à recueillir les voix de la droite et à capitaliser sur la colère de secteurs populaires contre un gouvernement qui a appliqué des plans d’austérité sévères. En utilisant sa démagogie, il a ainsi réussi à profiter d’une situation marquée par un profond mécontentement social face à l’inflation galopante qui est montée jusqu’à 143% sur un an, à l’explosion de la pauvreté qui est passée de 27,3% à 40,1% depuis 2018 et à l’effondrement des salaires de tous les travailleurs, avec une gravité particulière pour les travailleurs du secteur informel, qui ont perdu 46,7% de leur pouvoir d’achat depuis 2016.

Cette élection vient mettre un coup d’arrêt au bipartisme historique du régime politique argentin, polarisé pendant des années entre le macrisme et le kirchnerisme. Déstabilisant la scène politique, Milei n’a cependant pu remporter la victoire que grâce au soutien de Macri et de Bullrich, figures de la droite de gouvernement, et grâce au discrédit du péronisme, qui a gouverné en alternance avec la droite, imposant ses politiques d’austérité. Des politiques qui n’ont fait qu’aggraver la situation de crise sociale, raison pour laquelle Patricia Bullrich et Sergio Massa, candidats respectifs de ces deux courants politiques, en ont fait les frais.

Mais son mandat, qui prépare de nouvelles offensives contre le monde du travail, risque de se confronter à des contradictions et des faiblesses institutionnelles, comme le fait de ne pas avoir de majorité propre au Parlement national ou de ne pas avoir de gouverneurs locaux ou de maires, mais aussi à la possibilité d’une opposition dans la rue.

Javier Milei, le faux-ami des classes populaires qui veut privatiser « tout ce qui peut être privatisé »

Celui qui a promis de « virer les politiciens à coups de pied au cul » et d’en finir avec l’inflation, capitalisant ainsi sur la colère de la population grâce à un discours individualiste et méritocratique est un ennemi juré des classes populaires. Il défend ainsi la libéralisation illimitée du commerce, les privatisations, les réformes structurelles, la légalisation de la vente et de la circulation des armes, les attaques contre les droits de la femme et la discrimination à l’encontre des minorités.

Sur le terrain économique, Javier Milei souhaite « privatiser tout ce qui peut être privatisé » et a annoncé qu’il allait privatiser les entreprises publiques de pétrole et de gaz YPF et Enarsa et les médias d’État, que ce soit la radio, les agences de presse ou la télévision, dont il considère qu’elles sont « devenues un mécanisme de propagande ». Une offensive contre les médias du service public, avant même son arrivée au pouvoir, qui constitue une façon de mettre la main sur des grands groupes économiques qui pourraient soutenir ses réformes.

Tout un programme anti-social et pro-patronal qui explique pourquoi la directrice du FMI a félicité sa victoire électorale dans un tweet expliquant : « Nous nous réjouissons de travailler en étroite collaboration avec lui et son administration au cours de la période à venir afin d’élaborer et de mettre en œuvre un plan solide visant à préserver la stabilité macroéconomique et à renforcer la croissance inclusive pour tous les Argentins. »

Assemblées des syndicats de la presse : un premier pas vers la construction d’une opposition par en bas

L’arrivée au pouvoir de l’extrême droite ne peut se comprendre sans évoquer l’attitude totalement passive des bureaucraties syndicales et des bureaucraties des mouvements sociaux qui ont laissé passer l’appauvrissement, les plans d’austérités et les capitulations successives menées par les gouvernements péronistes. L’absence de toute riposte était cachée derrière le prétexte que se battre contre le gouvernement aurait fait le jeu de la droite. Mais désormais, après avoir été l’arme au pied, c’est le pire visage de la droite qui vient de prendre le pouvoir. En effet, comme nous le rappelions dans nos colonnes, « les très faibles niveaux de mobilisations ont créé un terrain favorable pour l’avancée des idées individualistes et ultra-libérales de Milei, opposées aux luttes sociales et aux solutions collectives. Personne n’a fait plus le jeu de la droite que ces bureaucraties. » De ce point de vue, l’attitude des directions syndicales et du mouvement ouvrier vont être décisifs dans les prochains mois pour déterminer le niveau de résistance auquel Milei devra faire face pour imposer ses plan anti-sociaux.

À la suite des annonces de Milei sur les privatisations des médias publics, les commissions internes et les délégués du syndicat de la presse de Buenos Aires, le SIPREBA, ont appelé à des assemblées ce mardi, mercredi et jeudi. Le syndicat a également convoqué une réunion ouverte aux travailleurs du syndicat et le secrétaire général du syndicat a expliqué : « sans médias publics, il n’y a pas de démocratie. Depuis le SIPREBA, nous défendrons les médias publics, pluriels et fédéraux, pour tous les citoyens. Avec la FATPREN (Fédération Argentine des Travailleurs de la Presse), les syndicats des médias et tous les secteurs de la société qui défendent les droits démocratiques. »

Il s’agit d’une première réaction qui pourrait ouvrir des éléments d’opposition au programme réactionnaire de Javier Milei. Face à ces premiers signes de résistance, l’attitude des centrales syndicales sera déterminante. Or, pour l’instant, ces dernières maintiennent leur passivité. Quelques jours avant les élections, la CGT, le principal syndicat argentin, a même publié un document programmatique sur les mesures qu’elle défendrait devant le prochain gouvernement, annonçant d’ores et déjà une logique de dialogue social avec le futur gouvernement pour obtenir des mesures minimales telles que « la liberté syndicale ».

Pour Milei, qui n’a obtenu que 10% des sièges au Sénat et 15% au Parlement, la marge de manœuvre est très étroite et l’alliance avec Mauricio Macri ne suffira pas pour obtenir la moitié des députés et des sénateurs. Dans ce contexte, les faiblesses politiques du nouveau gouvernement peuvent ouvrir des brèches par en bas.

C’est de ce point de vue que les militants et militantes du PTS, après avoir été les seuls à avoir dénoncé les politiques austéritaires de Sergio Massa et les menaces que faisait peser Milei sur les travailleurs et les droits des femmes, appellent à organiser la riposte dans la rue et à la structurer par en bas : « Favorisons la coordination des secteurs qui veulent lutter, salariés et chômeurs. A tous les travailleurs qui voient le danger de ce gouvernement de droite, nous disons qu’il ne faut pas attendre que les solutions et les décisions viennent des "directions" : organisons-nous avec des assemblées, des commissions de lutte et tout mouvement qui sert à nous préparer dès maintenant. »


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