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Trahison

Moins d’écologie, pas plus de revenus. La FNSEA applaudit Attal et siffle la fin du mouvement

Dérégulation écologique, mesures au service des grandes exploitations, rien sur les revenus des agriculteurs pauvres. Les annonces d’Attal ont satisfait la FNSEA et les JA qui appellent à mettre fin au mouvement des agriculteurs.

Joël Malo

1er février

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Moins d'écologie, pas plus de revenus. La FNSEA applaudit Attal et siffle la fin du mouvement

« Le mouvement ne cesse pas, il se transforme » a déclaré ce jeudi en début d’après-midi Arnaud Rousseau, le très riche patron de la FNSEA, aux côtés d’Arnaud Gaillot des Jeunes Agriculteurs (JA), en demandant aux agriculteurs de lever les blocages. S’il y en a qui refusent ? « On s’expliquera avec eux » menace Rousseau, du haut de ses 700 hectares et 15 mille euros mensuels. La conférence de presse du syndicat agricole majoritaire faisait suite aux annonces de Gabriel Attal qui a « cédé » en bloc aux revendications libérales et antiécologiques de la FNSEA sans régler le moins du monde la crise agricole.

Souveraineté alimentaire ou tyrannie de l’agro-industrie ?

Quelques heures plus tôt, en conférence de presse, Gabriel Attal, Bruno Le Maire et Marc Fesneau s’étaient succédés pour cocher les cases du cahier des charges demandé par la FNSEA et l’agro-industrie. A la suite de ses annonces de la semaine dernière en Haute-Garonne, Gabriel Attal a surtout misé sur la « simplification ». Assurant d’une plus grande réactivité dans le versement d’aides et le traitement de dossiers, le premier ministre s’est efforcé de détricoter de nombreuses mesures de protection de l’environnement et de règles sociales. « On a parfois laissé continuer à s’empiler des normes sans penser aux agriculteurs » a-t-il déclaré démagogiquement. L’Etat n’a évidemment jamais pensé aux agriculteurs en général mais toujours aux intérêts de l’agro-industrie et des plus gros exploitants, et c’est encore ce qu’il fait aujourd’hui.

Dans la lignée de la dérogation proposée par la Commission Européenne quant à l’obligation de maintenir 4% des terres cultivables en jachère, Gabriel Attal propose une dérogation sur l’obligation de maintenir des surfaces en prairie. Des mesures qui sont pourtant de timides ébauches de protection des sols et de la biodiversité, condition même de la durabilité agricole. Surtout, Gabriel Attal et Marc Fesneau s’en sont pris à la réglementation concernant les produits phytosanitaires. Le Premier ministre annonce ainsi suspendre le plan « Ecophyto », un plan pourtant plus que timoré qui visait à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires.

Une mesure qui incarne à elle seule la philosophie des annonces du gouvernement : remettre 10 balles dans la machine de la crise agricole qui condamne les petits exploitants à la ruine et aux maladies professionnelles. Car l’utilisation de ces produits, qui peut éventuellement assurer pour l’agriculteur individuel un maintien des rendements à court terme dans la course à la réduction des coûts imposés par la grande distribution et les cours boursiers, est en fait ce qui enchaîne et soumet l’agriculteur à la tyrannie des grands monopoles phytosanitaires et agro-industriels, à l’image d’Avril, multinationale milliardaire qui dirige la FNSEA.

Surfant sur les anecdotes folkloriques de néo-ruraux se plaignant du bruit d’un coq, Gabriel Attal a promis de protéger les agriculteurs « contre les recours abusifs de nouveaux voisins qui voient l’agriculture comme une nuisance et non comme une chance ». Derrière cette manœuvre politicienne, se cache en fait la volonté déjà affichée par Marc Fesneau de ferrailler contre les « chartes de voisinage » issues de la loi Egalim qui limitent l’épandage de pesticides à proximité des habitations ou d’écoles. Une mesure qui va impacter tous les voisins nouveaux ou pas, et les agriculteurs en premier lieu. Enfin, Gabriel Attal a annoncé le nivellement par le bas des interdictions de produits phytosanitaires, assurant que désormais aucune molécule ne pourrait être interdite tant qu’elle ne le serait pas à niveau européen. Une mesure de protection de plus pour éviter toute réglementation sérieuse en la matière, mais quasiment superflue : les manettes des syndicats agricoles, du ministère de l’agriculture et les couloirs des différents Parlements nationaux ou européens sont de toute façon occupés toute l’année par les représentants des grandes firmes agro-industrielles.

Levée des blocages, poursuite de la misère

Assorties de quelques enveloppes d’aides pour les éleveurs (150 millions) et la viticulture (230 millions), ces annonces ont permis à la FNSEA et la JA de siffler la fin du mouvement. Pourtant, aucune des causes de la crise agricole et de la crise des revenus agricoles pour les petits producteurs n’a été réglée. Seul un sursis a été accordé, à l’image de la remise partielle sur la hausse de la taxe du GNR (gazole non routier).

La dictature des grandes coopératives et de la grande distribution est intacte, et ce n’est pas les « 10.000 contrôles » promis par Bruno Le Maire à destination des grandes enseignes pour vérifier l’origine des produits étiquetés « made in France » qui va y changer quoi que ce soit. Au contraire, toutes les annonces du gouvernement vont dans le sens de la poursuite de la misère et de l’exploitation des sols et des travailleurs. Auto-exploitation du petit agriculteur qui trime pour sa survie, mesures servant les grands exploitants pour accentuer l’exploitation de la main-d’œuvre agricole, notamment immigrée. L’inscription de l’agriculture au rang des « métiers en tension » permet ainsi de pérenniser l’attachement d’une main-d’œuvre corvéable au secteur agricole.

Lire aussi : Billet. Les salariés, grands oubliés de la crise du monde agricole

Pour l’heure, la Confédération Paysanne appelle à poursuivre le mouvement. Dans la soirée, le syndicat d’extrême droite, la Coordination rurale, a appellé à la suite de la FNSEA à mettre fin au mouvement. Mais la FNSEA qui règne en maître sur le syndicalisme agricole compte bien mettre fin à l’ensemble des blocages actuels. Le bloc FNSEA/JA a joué son rôle à plein en monopolisant les revendications contre les normes écologiques et la concurrence étrangère, et servant ainsi la fuite en avant libérale et anti-écologique du gouvernement. Exit le problème des revenus (qui n’est en réalité pas un problème pour les cadres de la FNSEA) qui aurait obligé de pointer l’ensemble des grands patrons qui enserre tous les agriculteurs : les banques, les grandes coopératives, les groupes agro-industriels.

A ce titre, la Coordination Rurale n’a masqué que par un supplément de radicalité médiatique (bien servi par le groupe Bolloré) son alignement total avec la FNSEA pour détourner l’attention des responsables de la crise agricole. Une des leçons des événements récents est évidemment la nécessité de la rupture des agriculteurs avec les réseaux mafieux de la FNSEA pour tout début de solution à leur crise. Une autre est celle de l’urgence de la lutte contre l’influence de l’extrême droite, alors que la dernière trahison en date de la FNSEA et les annonces du gouvernement pourraient ouvrir la voie à ce que les organisations d’extrême droite jouent la radicalité pour canaliser la colère sur un terrain réactionnaire. En parallèle, le RN continue d’avancer ses pions en ciblant les mêmes prétendus responsables que le gouvernement (la bureaucratie, les taxes, les contrôles, les écologistes, la restriction des pesticides, etc.) tout en critiquant l’exécutif.

Des solutions véritables, les agriculteurs n’en trouveront qu’en poursuivant leur mouvement aux côtés du mouvement ouvrier. A qui les agriculteurs peuvent-ils faire confiance pour contrôler les prix et les produits dans les supermarchés : à Bruno Le Maire ou aux employés dont les bas salaires sont la condition de marges astronomiques ? Une telle question peut être répétée à l’infini dans tous les secteurs qui intéressent les agriculteurs : banques, énergie, commerce, matériel agricole, semences etc. L’urgence de ce point de vue est à l’élaboration d’un plan (qui ne peut être pensé dans les étroites limites nationales) pour une agriculture organisée selon les besoins de la population, de l’environnement et des conditions de travail et de vie dignes pour les agriculteurs pauvres. Il n’y a que la misère imposée par les spéculateurs qui oblige à sacrifier l’écologie pour ne même pas sauver les agriculteurs. Ainsi, des mesures élémentaires s’imposent pour les agriculteurs de tout le continent : blocage des prix du matériel agricole, expropriation des grands groupes de l’agroalimentaire, gel des dettes et crédit à bas taux par la nationalisation intégrale des banques et assurances, imposition d’un revenu agricole minimum à hauteur du SMIC revalorisé à 1800€. Voilà qui devrait simplifier la vie des agriculteurs.


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