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Remise en location des passoires thermiques : une mesure anti-pauvres et anti-écolo

Alors que l’interdiction de louer les pires passoires thermiques est en place depuis janvier 2023, le gouvernement vient d’annoncer sa suspension pour 140 000 logements. Un nouveau cadeau au lobby immobilier et aux propriétaires fonciers de la part de Kasbarian, tout juste nommé au logement, le tout en pleine crise du logement.

Cathu Isnard

15 février

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Remise en location des passoires thermiques : une mesure anti-pauvres et anti-écolo

En janvier 2023, les logements notés G+ sur le diagnostic de performance énergétique (DPE) deviennent interdits à la location en raison de leur consommation d’énergie, écartant du marché locatif les pires passoires thermiques. Cette mesure devait s’étendre à l’ensemble des passoires thermiques selon le calendrier suivant : logements classés G au 1er janvier 2025, puis F au 1er janvier 2028 et enfin E au 1er janvier 2034. En inscrivant ces étapes dans la « Loi Climat et Résilience » de 2021, le gouvernement avait voulu faire croire qu’il était possible d’allier attrait du gain sur le dos des locataires et écologie en prétendant pousser à la rénovation de l’ensemble de ces logements par leurs propriétaires. Opération désormais annulée, puisque le nouveau ministre du logement, connu notamment pour sa honteuse loi « anti-squats » en tant que député, Guillaume Kasbarian a annoncé le 12 février au micro de RTL que 140 000 de ces passoires thermiques allaient pouvoir de nouveau être louées.

Pour justifier l’abandon d’une des seules mesures du premier quinquennat d’Emmanuel Macron censées lutter contre le dérèglement climatique, le ministère du logement évoque des rectifications dans le calcul du DPE qui aurait été jusqu’ici « biaisé ». Si le gouvernement prétend corriger un biais contre les plus petits logements, il applique en réalité les revendications des principaux lobbies de l’immobilier et des propriétaires fonciers. A titre d’exemple, l’UNPI (Union de la Propriété Bâtie de France), l’un des principaux syndicats de propriétaires fonciers, caractérisait le nouveau DPE « d’accident industriel » et « appelait à la révision du calendrier des objectifs du dispositif de mesure (DPE) » dès 2021. Même son de cloche chez la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier), qui appelle désormais à « aller plus loin » dans la suppression des maigrelettes mesures prises contre la précarité énergétique.

En réalité, le DPE est généralement plus élevé pour les logements aux faibles surfaces non pas parce qu’il les noterait plus sévèrement, mais bien parce que les plus petits logements ont davantage tendance à être mal isolés. Auprès de Mediapart, Isolde Devalière à la tête de l’Observatoire national de la précarité énergétique, constate que la concentration de petites surfaces dans certaines villes sont souvent le résultat de choix des propriétaires qui « ont découpé des appartements pour en faire des petits lots ».

Après seulement quelques mois d’interdiction, ces mesures vont permettre aux propriétaires de remettre sur le marché des milliers de passoires thermiques sans les avoir ni rénovées ni réhabilitées, c’est-à-dire sans avoir résolu le problème de leur gaspillage énergétique. En pleine crise du logement et à l’heure où les loyers continuent de s’envoler alors que les salaires stagnent, nul doute que ces logements trouveront preneurs. Les travailleur.euses, les classes populaires et les étudiant.es n’ayant d’autres choix, ils seront à nouveau contraints de se priver de chauffage et d’eau chaude dans ces logements indécents. Ce nouveau cadeau aux couches les plus riches de la population (selon l’INSEE en 2021, 24% des ménages détenaient 68% des logements possédés par des particuliers) est d’autant plus scandaleux que le bouclier tarifaire énergétique a pris fin en 2024, et expose davantage les classes populaires à l’augmentation du prix de l’électricité.

Toutefois, le calendrier initial et les mesures proposées par le gouvernement ne garantissaient en rien une lutte efficace contre le dérèglement climatique dans un secteur du bâtiment qui représente un cinquième des émissions de gaz à effet de serre en France. En effet, la suppression des passoires thermiques du marché de l’immobilier avait eu pour effet de contribuer à la hausse des loyers, les propriétaires n’ayant pas prévu d’assumer les coups de rénovation quand il leur a fallu un an seulement pour forcer le gouvernement à faire machine arrière. Ce sont principalement les plus petits logements, notamment ceux occupés par les étudiant.es et les travailleur.euses précaires, notamment en Ile-de-France et dans les grandes métropoles, qui avaient été touchées par ces premières interdictions. Ces mesures visaient donc déjà à faire payer la lutte contre le réchauffement climatique aux plus précaires, contraints de déménager pour se retrouver à payer plus cher dans des logements parfois tout aussi indécents.

Quelques semaines à peine avoir satisfait aux demandes de la FNSEA avec la suspension du plan Ecophyto, le gouvernement priorise une nouvelle fois les souhaits de riches et du patronat aux quelques mesures mises en place contre le réchauffement climatique malgré leur caractère déjà purement esthétique.


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