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Ouvrez les frontières !

Réchauffement : les Etats impérialistes renforcent leurs frontières contre les futurs réfugiés climatiques

Les records de températures mondiales exposent des populations entières à des températures meurtrières, qui vont être forcées de quitter leur lieu de vie pour survivre. Un avant goût de la catastrophe climatique, à laquelle les États impérialistes répondent par la xénophobie et le tout-sécuritaire.

Seb Nanzhel

7 juillet 2023

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Réchauffement : les Etats impérialistes renforcent leurs frontières contre les futurs réfugiés climatiques

Crédits photo : Anthony Easton

Alors que les températures mondiales ont battu de nouveaux records cette semaine, de nombreuses régions du monde sont exposées à des chaleurs intenses et meurtrières. Un avant-goût d’une catastrophe climatique qui s’intensifie et qui va forcer de nombreuses personnes à quitter leur lieu de vie pour survivre, face à laquelle la réponse des États est profondément xénophobe et sécuritaire.

2,1 milliards de personnes exposées aux conditions climatiques du Sahara d’ici la fin du siècle

Ce 22 mai paraissait l’article « Quantifying the human cost of global warming » dans la revue Nature Sustainability. Dans ce dernier, une équipe de scientifique étudie les intervalles de température et de précipitations relativement stables dans lesquelles les sociétés humaines se sont développées depuis des millénaires. A partir de ces données, ils cherchent à évaluer le nombre de personnes exclues de ces intervalles en raison du changement climatique. D’après leurs résultats, 700 millions de personnes ont déjà été poussées hors de ces intervalles depuis les années 1980. Un nombre qui devrait atteindre 2 milliards en 2030 et 3,7 milliards en 2090, selon la tendance actuelle d’un réchauffement à +2,7 °C auquel mènent les politiques climatiques des États (si toutefois elles sont respectées).

De plus, les chercheurs calculent le nombre de personnes exposées à une température moyenne supérieure à 29°C. Des conditions « actuellement présente sur seulement 0.8% de la surface terrestre émergée, surtout concentrée au Sahara. », comme l’explique une autre étude sur le sujet, dans lesquelles vivaient seulement 12 millions de personnes en 1980. 29 °C en moyenne à l’année signifie l’occurrence de beaucoup plus de températures extrêmes, et de chaleurs humides potentiellement létales.

Selon les calculs des chercheurs, 300 millions de personnes devraient vivre ou plutôt survivre dans l’enfer d’une température moyenne à 29°C d’ici à 2030 selon la trajectoire actuelle, et 2.1 milliards d’ici à 2090. Ces nombres sont indicatifs, et varient grandement selon l’évolution des émissions de CO2 et des hausses de températures qu’elles engendrent. Les chercheurs relèvent ainsi que chaque hausse de 0.3°C de la température globale d’ici à la fin du siècle expose 410 millions de personnes de plus à des températures moyennes annuelles invivables de 29°C et chasse des intervalles de températures historiques 310 millions de personnes.

Traduction : la zone non-habitable pour l’homme évolue en fonction de l’amplitude du réchauffement climatique. Etude de Nature Sustainability

Les « Murs climatiques »

Comme l’expliquent les chercheurs, les impacts d’une telle hausse des températures sont loin de se limiter aux effets directs sur le corps humain : « Environ 2 milliards de personnes dépendent d’une agriculture de subsistance » « De hautes températures font baisser les rendements agricoles et favorisent les insectes ravageurs de cultures et les pathogènes. » Ils concluent : « Ces éléments [...] suggèrent que les avancées technologiques n’ont qu’un potentiel limité pour étendre cette dernière [l’intervalle de température viable] dans le futur ». Autrement dit, de larges zones vont devenir très difficilement habitable voire invivables à l’horizon de quelques dizaines d’années.

Des zones qui sont concentrées en Afrique centrale, en Asie du Sud et au Moyen Orient ainsi qu’en Amérique du Sud. Les pays les plus touchés en termes de population exposées à des chaleurs extrêmes à l’horizon 2070 et selon les tendances actuelles sont l’Inde, le Nigeria, l’Indonésie, les Philippines, le Pakistan, le Soudan ou encore le Niger. Une liste qui montre la nature profondément impérialiste de la crise climatique, qui impacte en premier lieu les populations des pays dominés. Le continent africain, auquel sont rattachées seulement 3% des émissions cumulées pour 17,2% de la population mondiale en 2020 se retrouve ainsi au cœur du pire des impacts du changement climatique.

Personnes exposées à des températures annuelles supérieures à 29°C en 2070 par pays selon les tendances actuelles, Quantifying the human cost of global warming, Lenton et al., Nature Sustainability

Ces hausses de températures, l’intensification générale des phénomènes météorologiques extrêmes dus au changement climatique ainsi que leur gestion entre les mains des puissances impérialistes et du patronat forceront les personnes à quitter leurs lieux de vie pour survivre. Mais les centres impérialistes ont d’ores et déjà acté qu’elles laisseront ces personnes mourir aux frontières ou sur des territoires devenus inhabitables. Le récent naufrage meurtrier du Péloponnèse illustre cette dynamique. 350 migrants présents sur le bateau qui a sombré au large de la Grèce venaient en effet du Pakistan, un pays ravagé par le pillage par la dette, les politiques austéritaires du FMI, et des inondations meurtrières dues au changement climatique, qui ont été l’occasion pour le FMI de durcir son emprise, approfondissant la souffrance des populations.

Un constat qu’élargit le rapport « Global Climate Wall, How the world’s wealthiest nations prioritise borders over climate action » du Transnational Institute, paru en 2021. En comparant les dépenses pour la militarisation des frontières et les « investissements climatiques » de sept des plus gros pollueurs mondiaux (États Unis, Allemagne, Japon, Royaume Uni, Canada, France et Australie), les auteurs concluent que « ces pays ont bâti un « mur climatique », pour tenir à l’écart les conséquences du changement climatique ». Leurs dépenses pour militariser les frontières ont gonflé de 29% entre 2013 et 2018. En Europe, la police des frontières Frontex a connu une augmentation de son budget de 2763% entre sa fondation en 2006 et 2021.

Dans son rapport d’analyse stratégique des risques 2022, Frontex assume d’ailleurs pleinement sa politique climatique anti-migrants : « Étant donné son interconnexion avec d’autres mégas tendances, le changement climatique va avoir les effets les plus importants sur la sécurité aux frontières ». Le département de défense états-unien liste également les migrations climatiques comme des menaces sécuritaires qui « pourraient affecter les intérêts nationaux des US directement ou indirectement ».

Selon le Transnational Institute, ces politiques entraînent des « profits en plein essor pour une industrie de la sécurisation des frontières mais également des souffrances indescriptibles pour les réfugiés et les migrants qui accomplissent des parcours de plus en plus dangereux – et fréquemment mortels – pour chercher la sécurité dans un monde au climat modifié ». Le « marché » de la militarisation des frontières est en effet en plein boom selon les analystes, avec une croissance annuelle entre 5 et 7 % prévue sur les prochaines années. Un rapport de MarketsandMarkets analyse cette tendance comme due à des « conditions climatiques dynamiques » et « une augmentation des catastrophes climatiques », quand les industriels des frontières sont conscients de l’aubaine : « des modifications des ressources et de l’habitabilité des pays pourraient augmenter le besoin de surveillance des frontières, dû à des migration de populations », écrit ainsi l’industriel britannique Cobham.

L’institut relève par ailleurs que les industriels de la militarisation des frontières, qui répriment les personnes migrantes, sont également des partenaires privilégiés de l’industrie écocidaire du pétrole, qui nourrir le changement climatique et ses impacts sur les populations. Un cercle vicieux meurtrier dont seul le patronat a le secret. « Les 10 plus grosses compagnies pétrolières mondiales sollicitent les services des mêmes firmes qui dominent le marché de la sécurisation des frontières […] Exxon Mobil, par exemple, a signé un contrat avec L3Harris (dans le top 14 des prestataires sur les frontières américaines) pour fournir une ‘’vigilance sur le domaine maritime’’ de son site de forage du Delta du Niger au Nigéria. Une région qui a subi d’énormes déplacements de populations, dus à des contaminations environnementales […] La synergie entre les compagnies pétrolières et les principaux prestataires de la sécurité aux frontières est également visible par le fait que leurs dirigeants siègent mutuellement dans les conseils d’administration l’un de l’autre. »

Les annonces d’un nouveau pacte européen sur l’immigration qui fait la part belle aux politiques les plus ouvertement xénophobes de l’Italie de Melonie et de la Grèce de Mitsotakis en renforçant encore les moyens de Frontex, l’extériorisation des frontières dans des pays dominés et en généralisant les prisons pour migrants aux frontières sont dès lors également à comprendre comme une préparation des États impérialistes à faire face aux vagues migratoires que leurs politiques climaticides et impérialistes vont causer à l’avenir.

Lire aussi : Naufrage en Grèce : qu’est-ce que le « modèle grec » sur l’immigration, encensé par Darmanin et l’UE ?

Un constat qui témoigne de la nécessité de construire une écologie qui mette au centre la question de l’ouverture des frontières, la fermeture des CRA, la fin de la traque des migrants et de l’Europe-forteresse, mais également de la répression policière et de la gestion coloniale des quartiers populaires, qui est la continuité interne de la politique xénophobe externe des États. La liaison profonde entre l’industrie pétrolière et celle des frontières montre qu’elles font système, et que l’abolition de l’une ne va pas sans l’autre.

Alors que le rassemblement contre la dissolution des Soulèvements de la Terre du mercredi 28 juin a été marqué par une convergence avec de nombreux.ses militant.e.s antiracistes après le meurtre policier de Nahel, à l’image de Assa Traoré, du collectif justice pour Claude Jean Pierre, de Françoise Vergès ou encore de Fatima Ouassak, les militants écologistes doivent se solidariser avec la jeunesse des quartiers populaires en lutte et les soutenir face à la répression policière et judiciaire qui s’abat sur eux. Un premier pas pour construire une écologie véritablement anti-impérialiste, qui refuse les meurtres de masses aux frontières que prépare le patronat et les gouvernements.


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