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Grève pour nos salaires

SNCF : 1,8% d’augmentation, les cheminots doivent se préparer à lutter pour les salaires

Ce mercredi 8 novembre s’est tenue la réunion de négociation annuelle obligatoire pour les salaires à la SNCF. Une fois de plus, la direction a annoncé une augmentation ridicule, 1,8%, et menace même les syndicats qu’en cas de refus de signer pour des miettes, elle réduirait l’augmentation à 1% pour punir les organisations réfractaires. Face à cette mascarade il est temps que les cheminots parlent le seul langage que connaissent les patrons de la SNCF à savoir la grève reconductible pour les salaires.

Anasse Kazib

13 novembre 2023

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SNCF : 1,8% d'augmentation, les cheminots doivent se préparer à lutter pour les salaires

Des profits records à la SNCF, mais des cheminots laissés pour compte

Malgré la casse du service public ferroviaire, la dégradation des conditions de travail des cheminots et des prix de billets qui flambent année après année, la SNCF a encore réalisé un record de 24 millions de voyageurs seulement sur la période estivale. C’est plus d’un million de voyageurs supplémentaires par rapport à l’été 2022 qui battait lui aussi des records.

Il y a donc fort à parier que comme pour le bilan financier de l’année 2022 qui s’est clôturé avec un bénéfice de 2,4 milliards après impôts et 41,4 milliards de chiffre d’affaire, la direction annonce aussi pour l’année 2023 un nouveau record de profits. L’entreprise a déjà réalisé un premier semestre avec 20,7 milliards de chiffre d’affaire, une augmentation de 2,2% par rapport au premier semestre 2022. C’est donc plus de 8 milliards de bénéfices qu’aura engrangé la SNCF sur l’espace de 5 années. Des marges considérables pour une entreprise de service publique, qui n’en reverse qu’une part microscopique aux cheminots.

Après une augmentation de 2% du point d’indice au 1er janvier 2023, loin du taux d’inflation de l’année 2022, la direction de la SNCF réitère cette année avec une proposition de 1,8%, qui apparait comme un « crachat » aux visages des cheminots, sans qui aucun bénéfice ne pourrait exister. Pour la fédération SUD-Rail il est question d’un « simulacre de négociation salariale » et coté fédération CGT Cheminots d’une « attitude méprisante » à l’égard des cheminots. De plus, la direction de la SNCF entend réduire à 1% l’augmentation en cas de refus des organisations syndicales d’apposer leur signature, un véritable « chantage » pour la CGT Cheminots. Pour rappel en 2022 les trois organisations syndicales de la SNCF, CGT, UNSA et SUD-Rail avaient refusé une proposition d’augmentation de 2%, il est donc fort probable que le scénario se répète cette année.

La situation financière des cheminots pousse chaque année de plus en plus d’agents vers la démission avec une moyenne de 1000 démissions chaque année. Ces départs répétés, faute d’attractivité salariale et de perspectives durables, pèsent de plus en plus sur le service public ferroviaire, avec de nombreux trains supprimés chaque jour, ou encore sur l’entretien du matériel roulant, à l’image de la panique générale sur les punaises de lit dans les transports. De plus, ces démissions massives pèsent également et en premier lieu, sur les conditions de travail des cheminots qui doivent faire avec le manque de personnel, la dégradation du service public ferroviaire, mais aussi avec l’augmentation du nombre d’agressions de la part d’usagers excédés qui s’en prennent parfois physiquement aux cheminots de terrain plutôt qu’aux dirigeants de la SNCF.

Une inflation record qui touche les cheminots et tous les travailleurs

Depuis la crise sanitaire et la guerre entre la Russie et l’Ukraine, l’inflation ne cesse de grimper. Si l’INSEE annonce un taux d’inflation de 5% en septembre 2023, ce chiffre est en réalité totalement tronqué, notamment pour deux raisons. La première est que ce chiffre n’est pas cumulé avec le taux d’inflation des années précédentes. Un produit valant par exemple 100 € en 2021 a déjà subi une augmentation de 5,2% en 2022 et ce même produit arrive en 2023 avec la hausse de 2022, plus l’inflation nouvelle de l’année en cours. Deuxièmement le taux d’inflation de l’INSEE est global, c’est-à-dire qu’il mélange le taux d’inflation de produits divers et variés, du paquet de pâte en passant par le prix d’une Ferrari à celui d’une chambre d’hôtel.

Quand on regarde dans le détail, le taux d’inflation des produits de première nécessité (à savoir l’alimentaire, l’énergie ou encore les loyers) continue d’exploser. D’après le site Que Choisir, le seul secteur de l’alimentation connaît une augmentation de plus 19%, l’électricité plus 16% ou encore les mutuelles de 7%. Les prix à la pompe sont également toujours à la hausse, ramenant un plein en moyenne à 110€ contre 70€ en 2016. Et l’inflation ne va pas s’arrêter là, avec de nombreuses augmentations prévues au 1er janvier 2024 notamment pour les assurances, les loyers, les mutuelles, les transports, les péages, etc. Michel Edouard Leclerc, président du groupe Leclerc a même annoncé au micro de BFM TV une hausse globale de l’inflation en 2024 : « je ne connais pas de marchés qui vont baisser, sauf marginalement. Tout le monde a des hausses de coûts à faire valoir ». Enfin, le gouvernement a annoncé la fin du bouclier tarifaire, qui permettait de réduire (très) partiellement et temporairement les effets de l’inflation dans l’énergie.

Pour les cheminots comme pour les autres, c’est en moyenne 400€ de leur salaire qui disparaît chaque mois et ce ne sont pas les maigres augmentations ni la fameuse prime de 400€ « one-shot » sur le pouvoir d’achat, qui règlera ces écarts. D’autant plus que la grille des salaires des cheminots est encore loin de suivre l’augmentation du SMIC et que pour de nombreux cheminots le salaire de base est inférieur de 300 à 400 euros au salaire minimum. Ainsi, les plus bas salaires de la grille tournent autour des 1350€ brut quand le SMIC, lui, est à 1747€ brut. Conséquence : pour nombre de travailleurs du rail, il faut cumuler prime de travail, heures de nuits, dimanche et jours fériés, pour atteindre à peine le SMIC après des années de chemin de fer.

Une situation d’autant plus scandaleuse que nos métiers sont difficiles. Les roulements en horaires décalés impactent la santé des agents, la responsabilité est importante sur la sécurité ferroviaire, la sécurité des usagers et l’accidentologie forte, tandis que toujours plus de nouveaux projets importants, à l’image de la future ligne CDG-Express, augmentent les charges de travail. Les cheminots seront en outre au cœur de la prochaine campagne pour les JO2024, comme ils l’ont été pour la coupe du monde de rugby en France.

Dans ce contexte, si les deux principales organisations syndicales CGT Cheminots et SUD-Rail, réclament toutes deux l’indexation des salaires sur l’inflation, elles diffèrent sur la question de l’augmentation générale, côté CGT Cheminot avec une revendication de « 12% d’augmentation » et côté SUD-Rail une somme uniforme de « 400€ pour toutes et tous ». La position de la fédération SUD-Rail est en réalité meilleure pour une raison simple : elle évite l’inégalité en fonction des salaires, car un cheminot qui est augmenté de 12% avec un salaire de 2000€ n’aura pas la même augmentation qu’un cadre supérieur qui gagne 5000€ par mois.

Syndicats et cheminots, doivent construire une grève reconductible offensive sur les salaires pour la fin de l’année

La fin d’année 2022 a été rythmée par deux mouvements importants qui ont mis en difficulté le gouvernement. Tout d’abord, une grève des raffineurs en octobre de trois semaines qui a mis à sec les stations de service, provoquant la panique générale et une crise importante au sommet de l’Etat. Les raffineurs avaient de ce point de vue fait une démonstration de force, montrant le rôle stratégique des travailleurs dans l’économie.

Malgré les trahisons de certaines organisations syndicales comme la CFDT ou la CFE-CGC et une pression aux réquisitions, les raffineurs de Total et Exxon Mobil avaient réussi à arracher des augmentations de salaire conséquentes. Cette grève avait également fait la démonstration de l’impact de la grève reconductible pour paralyser la production, en comparaison aux grèves de 24h épuisantes et faibles dans le rapport de force. Une différence centrale avec les 14 journées de grève de 24 heures, appelées par l’intersyndicale au moment des retraites et qui ont été un fiasco stratégique.

Cette grève des raffineurs avait notamment motivé les contrôleurs de la SNCF - organisés derrière un collectif sur Facebook – à partir en grève en décembre. Même si la grève aurait pu aller beaucoup plus loin en termes d’acquis, les contrôleurs avaient obtenu des avancés importantes en seulement deux week-end de mobilisation.

Ces deux conflits doivent convaincre qu’il faut rompre avec les grèves seulement défensives, contre une réforme, contre telle ou telle attaque et qu’il devient urgent de poser une stratégie sur des revendications offensives. Les cheminots l’ont déjà fait par le passé et avec beaucoup de succès. En octobre dernier, on fêtait d’ailleurs les 113 ans de la première grève importante de l’histoire des cheminots, une « grève de la thune », qui aura duré plusieurs jours et se sera affrontée à une répression terrible avant d’obtenir des augmentations de salaire. La dernière grève importante sur les salaires et les conditions de travail à la SNCF date de 1986, une grève lancée par les conducteurs de Paris Nord, étendue et coordonnée à de nombreux dépôts, longue de 28 jours, du 18 décembre au 15 janvier, pour protester contre la grille des salaires « au mérite » et les conditions de travail.

Il est clair qu’une grève annoncée pour la fin d’année 2023 à la SNCF changerait totalement la période d’atonie que nous connaissons actuellement, alimentée par le silence de l’intersyndicale des retraites. Cette dernière semble en effet plus préoccupée à renouer avec le dialogue social et les journées routinières comme le 13 octobre, qu’à construire un véritable rapport de force et une grève générale sur les salaires des travailleurs avec des mots d’ordre offensifs, en faveur d’une augmentation générale des salaires ou de leur indexation sur l’inflation.

Une lutte pour les salaires des cheminots qui doit montrer la voie à l’ensemble des travailleurs

Les cheminots ont toujours joué un rôle central dans la lutte des classes en France, une forme de digue pour la classe ouvrière et souvent la première pierre d’une contagion à d’autres secteurs. Une grève à la SNCF est toujours une grève éminemment politique, cela serait particulièrement vrai dans la période de détestation croissante du gouvernement depuis la réforme des retraites et aujourd’hui dans sa politique de soutien à l’État d’Israël. En 2022 les raffineurs avaient su jouer ce rôle, entraînant derrière eux une vague de grève sur les salaires, comme chez Géodis Gennevilliers, filiale de la SNCF qui avait obtenu 11% d’augmentation à l’issue de 30 jours de grève.

Cette fois les cheminots ont une véritable carte à jouer en se préparant en amont à mener la lutte sur une période particulièrement stratégique pour la SNCF et qui mettra une pression considérable sur le gouvernement. D’autant plus qu’avec la préparation des prochains Jeux Olympiques et Para-olympiques de 2024 à Paris, de grandes mobilisations pourraient sérieusement inquiéter le gouvernement et les grandes entreprises sponsors.

De nombreux cheminots, notamment en région parisienne, commencent déjà à discuter de la question des Jeux Olympiques. Une mobilisation à ce moment-là mettrait indéniablement le gouvernement en difficulté, attendre août ne constitue pas pour autant la solution.

D’abord, parce que la grève concernerait uniquement la région parisienne, ensuite, parce que la SNCF comme d’autres entreprises, ont déjà prévu un plan de bataille important pour mobiliser tous les cadres, des cheminots d’autres régions et payer des sous-traitants pour éviter toute paralysie du réseau francilien, pendant la compétition. Aussi, c’est maintenant qu’il faut frapper pour mettre la pression sur la direction concernant les salaires et les indemnités financières, alors que la direction SNCF et le gouvernement veulent absolument éviter de prendre du retard sur la préparation des JO. En outre, des primes à l’occasion des JO ne remplaceront jamais la nécessité d’obtenir de véritables augmentations de salaires, qui seront toujours là après la compétition et les années suivantes.

Les cheminots, enfin, ne sont pas les seuls à pouvoir être les grains de sables qui enrayent la machine. Traminots, éboueurs, égoutiers, raffineurs, enseignants, etc. tous les travailleurs essentiels à qui on imposait le travail en pleine pandémie sont en droit d’arrêter leur travail sous payé pour imposer une augmentation concrète de leur salaire. Lors de la lutte contre la réforme des retraites, pendant les 100 jours d’apaisement, certains scandaient, sur fond de casserolades : « pas de retraite, pas de JO ». Celles et ceux qui ont lutté pour ne pas se faire confisquer deux ans de leur vie gardent en mémoire les abus de pouvoir et les mensonges d’un gouvernement qui fera tout, auprès du patronat, pour que les salaires restent bas. Aucune lutte catégorielle ne suffira à les faire flancher, alors qu’une offensive groupée et stratégique ne leur laissera pas le choix.

Si les cheminots se lèvent pour refuser la fatalité de l’endettement personnel permanent, il faudra les soutenir, les encourager et leur emboiter le pas pour reprendre à leur côté la juste part qui est due aux travailleurs. Pour Révolution Permanente c’est 400 euros de salaires pour toutes et tous et l’indexation immédiate des salaires sur l’inflation, pas moins !

Le plan de bataille pour une reconductible dès la fin d’année à la SNCF

Du côté des deux organisations syndicales de luttes à la SNCF, à savoir la CGT Cheminots et SUD-Rail, les discussions en interne sont importantes. La CGT Cheminots dans son dernier tract explique qu’il faut « hausser le ton » et « créer les conditions pour aller gagner par la lutte les mesures attendues par les cheminots ». Si pour l’heure la fédération CGT n’annonce aucun plan, il faudra voir ce qui se cache derrière les mots « hausser le ton » et rompre avec les stratégies de défaite des grèves perlées et autres grèves de 24h. Des stratégies de grève que la fédération CGT avait imposé à tous par le passé avec le « succès » que l’on connaît.

Ainsi, la dernière grève du 8 novembre appelée par la CGT Cheminots au dernier moment et sans réel travail de terrain avait rassemblé seulement 5% de grévistes. De plus la direction de la SNCF arrive de plus en plus à gérer ce genre de « tactiques » avec un déploiement de cadres et d’unités anti-grèves payées double toute l’année. Pour SUD-Rail, après la table ronde, la colère est la même. Un tract de la centrale qui annonce que « la SNCF ne s’en tirera pas à si bon compte » ou encore que SUD-Rail mettra la pression sur la direction « par tous les moyens » a récemment été publié.

Il faut en réalité arrêter avec ces tournures de phrases qui ne veulent pas dire grand-chose en l’absence d’un véritable plan de bataille. Il devient urgent de se donner les moyens, par les discussions à la base et la construction d’un plan de bataille qui débouche sur un appel à une grève reconductible avant la fin de l’année afin de faire reculer la direction de la SNCF et d’obtenir de véritables avancés pour les salaires, mais aussi pour stopper la casse de nos conditions de travail et la destruction du Fret ferroviaire. Les cheminots en sont capables, avec un travail de préparation en amont, la mise en place de caisses de grève nationales et des assemblées générales souveraines sur tous les chantiers. Frapper au moment des fêtes de fin d’année serait un vrai moyen de pression contre la direction de la SNCF et le gouvernement.

De plus, annoncer une grève massive un mois avant couperait l’herbe sous le pied de tous les commentateurs qui parlent souvent de « prise d’otage » en essayant de monter les usagers des transports contre les cheminots qui se battent pour le respect et la dignité. Dans une telle configuration, les grands médias au service du gouvernement seraient en difficulté pour mettre en scène leur narratif de "grève surprise" qui aurait comme seul objectif de pénaliser les usagers, alors que la direction aurait largement la possibilité de répondre aux revendications des cheminots en amont. Il s’agit, au contraire, d’une stratégie à même de construire un rapport de force à la hauteur des enjeux, en frappant au moment où cela fait mal à l’entreprise, seule manière d’obtenir des avancées salariales pour les cheminots et de stopper le rouleau compresseur qui dégrade toujours plus non seulement les conditions de travail des cheminots, mais également le service public ferroviaire, les conditions de transport pour les usagers et la planète avec la destruction orchestrée du Fret ferroviaire.

L’ensemble des cheminots et des militants doivent dès à présents discuter stratégie et s’organiser pour aller chercher de véritables augmentations de salaires et non des miettes, comme le propose la SNCF. Ce n’est pas aux travailleurs de payer pour leur crise.


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