×

Droit au logement

Toulouse. À Paul Sabatier, 300 personnes réunies contre l’expulsion d’une centaine de mineurs isolés

Alors qu’une demande d’expulsion menace une centaine de mineurs isolés étrangers réfugiés dans un bâtiment sur la fac Paul Sabatier à Toulouse, environ 300 personnes se sont mobilisées pour s’opposer à cette attaque. Une démonstration sur laquelle s’appuyer pour élargir le soutien, sur le campus mais également à l’échelle de la ville.

Arno Gutri

31 octobre 2023

Facebook Twitter
Toulouse. À Paul Sabatier, 300 personnes réunies contre l'expulsion d'une centaine de mineurs isolés

Mardi 24 octobre, environ 300 personnes se sont rassemblées pour dénoncer la menace d’expulsion d’une centaine de mineurs isolés étrangers qui vivent dans le bâtiment 4R3 de l’Université Paul Sabatier, à Toulouse. La semaine dernière, la présidence de la fac a déposé un recours d’expulsion en urgence auprès du tribunal administratif de Toulouse, pour la deuxième fois en moins d’un an.

Devant le bâtiment central de l’Université, des étudiants, des membres du personnel (enseignants, chercheurs, BIATSS, personnel du CROUS…), des soutiens et de nombreux jeunes menacés d’expulsion ont affirmé leur détermination à empêcher cette mise à la rue sans proposition de relogement, à quelques jours de la trêve hivernale. Le rassemblement était organisé par un comité de soutien créé en décembre dernier, à l’occasion, déjà, d’une première menace d’expulsion. Un comité qui réunit des organisations comme le collectif Autonomie, TEC31, la CGT Ferc Sup, la SNTRS-CGT, Sud Recherche, Solidaires Etudiants et Le Poing Levé. Sur un campus où les mobilisations sont peu fréquentes, cette démonstration de solidarité est une réelle réussite et prouve que membres du personnel et étudiants sont déterminés à s’opposer à cette nouvelle menace d’expulsion.

De Darmanin à Broto, une « chaîne de violences »

Au cours du rassemblement, les jeunes du 4R3 ont dénoncé la présidence de la fac « qui revient à la charge » en demandant leur expulsion immédiate, alors que « la seule alternative, c’est la rue, et que l’hiver approche ». Ils ont aussi pointé du doigt cette attaque « qui perpétue la chaîne de violences » dont ils sont victimes. En effet, du Conseil départemental, à travers le DDAEOMI, qui met 90% des mineurs isolés étrangers à la rue suite à une évaluation arbitraire et raciste, à la mairie et la préfecture qui les expulsent systématiquement des lieux qu’ils occupent, en passant par la justice où leurs dossiers de recours en minorité sont bloqués pendant des mois, les jeunes mineurs isolés font face au mépris et à la violence de l’Etat tout au long de leur parcours.

Dorian, étudiant à Paul Sabatier et militant au Poing Levé, a souligné cet aspect en rappelant que la future loi immigration, portée par Darmanin, toucherait encore plus durement les jeunes du collectif Autonomie. En effet, elle pourrait ouvrir la suppression de l’AME, le doublement des place en CRA et la création d’une « police de séjour ». Il a également rappelé le contexte local en mentionnant les 30 000 logements vides que compte la ville et les mises à la rue qui touchent les étrangers, comme les 200 habitants du squat de Saint-Martin-du-Touch, expulsés le lendemain.

Enfin, le rassemblement a été l’occasion de rappeler que la dernière menace d’expulsion avait été empêchée grâce à [la mobilisation des étudiants et du personnel de la fac, en janvier dernier - https://www.revolutionpermanente.fr/Paul-Sabatier-Plus-de-200-personnes-en-soutien-aux-mineurs-etrangers-menaces-d-expulsion]. « On va se battre pour que les jeunes puissent rester ici tant qu’il n’y a pas de solution [de relogement] adaptée ! », a promis Dorian.

Le lendemain, mercredi 25 octobre, l’audience à propos de l’expulsion des jeunes s’est tenue au tribunal administratif de Toulouse. La présidence de la fac justifie le caractère « urgent » de l’expulsion en mettant en avant des « troubles » dans les sanitaires du gymnase que les jeunes utilisent, s’appuyant sur deux témoignages de professeurs qui ont constaté des serviettes et des flacons de gel douche oubliés au sol. « On est vraiment dans “le bruit et l’odeur” », dénonce un membre du collectif Autonomie, qui accompagne les jeunes. Comme il y a près d’un an, la menace d’expulsion s’accompagne d’une pression qui vise à rendre insupportable la vie des jeunes sur le campus, qui subissent déjà des conditions précaires : à une semaine des vacances, la fac a décidé de couper l’eau chaude des douches du gymnase !

De plus, la fac instrumentalise le contexte sécuritaire actuel en mentionnant son impossibilité d’effectuer les contrôles dans le cadre du plan Vigipirate. Un mensonge supplémentaire puisqu’aucun contrôle n’est effectué aux entrées de la fac et que la présence des jeunes ne modifie en rien les dispositifs actuels. Rappelons qu’en janvier dernier, la présidence de la fac avait déclaré des risques chimiques et radioactifs dans le bâtiment 4R3 pour légitimer sa demande d’expulsion urgente ! L’Université n’en est pas à une contradiction près, puisqu’elle va à l’encontre de ses propres décisions. En effet, lors d’une motion votée au conseil d’administration exceptionnel du 23 janvier 2023, l’Université demande aux autorités compétentes « d’apporter aux occupants actuels du bâtiment 4R3, des solutions d’hébergement respectant la dignité humaine ». Une position de posture, qui n’a aucune chance d’être appliquée si l’attaque en cours de la fac est mise en oeuvre, puisqu’elle demande une « expulsion sèche », c’est-à-dire sans proposition alternative de relogement. Rejetant une nouvelle fois le caractère « urgent » de l’expulsion, le juge du tribunal administratif a renvoyé la clôture du dossier au 10 novembre.

Pour empêcher l’expulsion, il faut élargir les soutiens

Le rassemblement de mardi et le verdict de la justice du lendemain sont une première étape pour une victoire des jeunes. Cependant, vu l’acharnement de la fac pour obtenir la mise à la rue des jeunes et tant que l’annulation de l’expulsion n’est pas prononcée, le risque est toujours présent de voir les forces de répression débarquer sur le campus.

Alors que les offensives xénophobes et sécuritaires de l’Etat facilitent chaque jour un peu plus les expulsions d’étrangers, ainsi que dans un contexte de réduction des prises en charge en hébergement d’urgence, toute expulsion est actuellement synonyme de mise à la rue, de mise en danger de la vie des personnes, voire d’expulsion du territoire. Une situation que dénoncent par exemple des comités de solidarité composés de parents d’élèves, de travailleurs de l’éducation, ainsi que d’associations comme le DAL, qui se mobilisent depuis le mois de mai pour dénoncer la mise à la rue de près de 300 élèves.

Afin d’empêcher l’expulsion toujours possible des jeunes d’Autonomie, il est nécessaire de construire un soutien massif aux jeunes. Cela permettrait non seulement de décourager l’acharnement de Jean-Marc Broto et quelques autres, de discréditer l’argumentaire qui tente d’opposer les étudiants et les enseignants aux jeunes du 4R3, ainsi que de constituer un soutien mobilisable en cas d’expulsion. Dans cet objectif d’augmenter le rapport de force, il est possible de profiter des vacances scolaires et de la semaine de rentrée, en élargissant le soutien non seulement sur la fac mais aussi à l’échelle de la ville, en s’adressant aux associations de droit au logement, d’aide aux étrangers, aux syndicats et aux organisations de gauche.


Facebook Twitter
Mumia Abu Jamal, plus vieux prisonnier politique du monde, fête ses 70 ans dans les prisons américaines

Mumia Abu Jamal, plus vieux prisonnier politique du monde, fête ses 70 ans dans les prisons américaines

La manifestation antiraciste du 21 avril autorisée : tous dans la rue ce dimanche à Paris !

La manifestation antiraciste du 21 avril autorisée : tous dans la rue ce dimanche à Paris !

Acharnement : l'État porte plainte contre une lycéenne qui avait dénoncé une agression islamophobe

Acharnement : l’État porte plainte contre une lycéenne qui avait dénoncé une agression islamophobe

Répression des GJs, soutien au meurtrier de Nahel : le policier préféré des médias rejoint le RN

Répression des GJs, soutien au meurtrier de Nahel : le policier préféré des médias rejoint le RN

Des AED condamnés à de la prison avec sursis pour avoir dénoncé la répression syndicale et le racisme

Des AED condamnés à de la prison avec sursis pour avoir dénoncé la répression syndicale et le racisme

Marche antiraciste du 21 avril interdite à Paris. Face à la répression, faisons front !

Marche antiraciste du 21 avril interdite à Paris. Face à la répression, faisons front !

Répression coloniale. A Pointe-à-Pitre, Darmanin instaure un couvre-feu pour les mineurs

Répression coloniale. A Pointe-à-Pitre, Darmanin instaure un couvre-feu pour les mineurs

Peines contre les parents, internats : Attal s'en prend encore aux jeunes de quartiers populaires

Peines contre les parents, internats : Attal s’en prend encore aux jeunes de quartiers populaires