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Violences d'État

Peines contre les parents, internats : Attal s’en prend encore aux jeunes de quartiers populaires

Instrumentalisant les violences entre jeunes, le gouvernement prépare un texte pour criminaliser les parents des mineurs ayant commis des délits ou crimes.

Elea Novak

16 avril

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Peines contre les parents, internats : Attal s'en prend encore aux jeunes de quartiers populaires

Lundi 15 avril 2024, L’Opinion révèle avoir pu consulter en exclusivité le projet de loi « relatif à la responsabilité parentale et à la réponse pénale en matière de délinquance des mineurs », un texte préparé par le ministère de la Justice depuis des mois. Il s’appuie sur les discours du gouvernement des derniers mois, à base du « tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter » de Gabriel Attal le 31 janvier, ou les injonctions d’Éric Dupond-Moretti aux parents des émeutiers à « tenir leurs gosses » après le meurtre de Nahel. Le projet de loi, préparé pendant des mois par l’équipe de Dupond-Moretti, devrait arriver devant le Parlement en juin après sa présentation en Conseil des ministres.

En difficulté pour les européennes, il s’agit pour le gouvernement de serrer la vis sur les classes populaires. Dans la continuité de la loi immigration, le gouvernement cherche aujourd’hui, en instrumentalisant le meurtre de Shemseddine à Viry-Châtillon à imposer son autorité dans les quartiers. Un enjeu de premier ordre après les soulèvements suite au meurtre policier de Nahel, en juin 2023 à Nanterre. En focalisant son discours sur les « délinquant mineurs », Attal cherche ainsi à imposer un nouvel agenda réactionnaire, après une rentrée marquée par l’interdiction de l’abaya, puis l’expérimentation du port de l’uniforme et l’annonce de la généralisation du SNU.

« Restaurer la parentalité » en punissant les parents

Prétextant vouloir « restaurer la parentalité », le texte de loi cible dans un premier temps les parents de mineurs ayant commis des infractions à la loi. Éric Dupond-Moretti s’appuie notamment sur l’article 227-17 du Code pénal, qui punit les parents lorsqu’un mineur commet « plusieurs crimes ou délits ». Après avoir exhorté les parquets à utiliser ce dispositif, le garde des Sceaux se félicitait le 9 avril d’une hausse de condamnation des parents. « Plus de 310 condamnations ont été prononcées en un an. Cela fait une augmentation de 40%, depuis le premier trimestre 2023 », a-t-il ainsi proclamé à l’Assemblée nationale. L’article en question prévoit actuellement des peines allant jusqu’à deux ans de prison et 30 000€ d’amende, qui seraient alourdies par le projet de loi, allant jusqu’à « trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ».

Ce nouvel outil répressif, devrait prévoir, d’après L’Opinion, d’ajouter des peines complémentaires de travaux d’intérêt général pour le parent d’un mineur ayant commis une infraction. Les parents pourraient se voir écoper d’un « stage de responsabilité parentale » ou d’une amende, et pourraient avoir à verser une « contribution citoyenne éducative » qui sera versée à « une association de défense ou d’assistance à l’enfance ». Ils devront également être « solidairement responsables » des dégâts causés par leur enfant, et devront en payer les frais. Plutôt qu’aider les parents de quartiers populaires à faire face à une inflation galopante et à la casse des services publics qu’il orchestre, le gouvernement entend bien les frapper encore plus fort.

Durcissement des peines contre les mineurs

Pour les mineurs, le projet de loi prévoit un important durcissement répressif des normes pénales. Le texte de Dupond-Moretti comporte ainsi des « dispositions renforçant la réponse pénale à l’égard des mineurs délinquants », relate L’Opinion. Plus précisément, la loi instaurerait de nouvelles mesures de privation de liberté contre les mineurs, en incarcérant ces derniers dans des établissements pénitentiaires, comme contrôle judiciaire. Une privation de liberté, dont le refus par le jeune entrainerait son envoi en « centre éducatif fermé ou en détention ».

En réalité, c’est un véritable arsenal de mesures ciblant les jeunes délinquants qui est prévu par ce texte, parfois même sous la houlette du ministère des armées : « internats, centres éducatifs fermés (y compris avec bracelet électronique), établissements d’insertion (EPIDE, sous la tutelle notamment, de la Défense), etc… », que révèle L’Opinion. Il s’agit, d’après le journal appartenant à Bernard Arnaud, « de sortir le jeune de son quartier avant qu’il s’ancre dans la délinquance ». Un narratif que Gabriel Attal cherche à placer au centre de ses cent premiers jours à la tête du gouvernement, faisant de sa politique sur la jeunesse un exemple de restauration de « l’autorité et (du) régalien ». Il se déplacera en ce sens lundi à Nice pour visiter un internat « pour adolescents “sur la mauvaise pente” ».

Des attaque contre les jeunes des quartiers populaires attendues par la droite et l’extrême droite, pour surenchérir à coup d’amendements réactionnaires au Parlement. Le débat sur l’abaissement de la majorité pénale avait déjà été ouvert par Gabriel Attal dans son discours de politique générale lorsqu’il a annoncé vouloir mettre en place des « travaux d’intérêts éducatifs » pour les mineurs de plus de 13 ans. D’autres mesures comme la suspension des allocations familiales sont prisées par la droite et l’extrême droite, Les Républicains ayant déjà déposé le 23 juillet dernier un texte de loi à cet effet. Interrogés le 7 avril, le Premier Ministre Gabriel Attal et la ministre de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet avaient fait part de leurs solutions à une supposée hausse des violences chez les jeunes : des conseils de discipline en primaire et l’interdiction des portables au collège.

Alors que les jeunes des quartiers populaires sont en première ligne face à la précarité et à la répression d’Etat, en témoigne le meurtre de Wanys le 13 mars dernier, le gouvernement ne leur propose qu’un avenir toujours plus sombre. Ce gouvernement qui cherche à faire payer les parents est aussi celui qui vient de couper 700 millions du budget de l’Éducation nationale, n’affichant aucune volonté d’apporter les ressources dont ont besoin les jeunes des quartiers populaires. La source des violences qu’instrumentalisent le gouvernement n’est pas à trouver dans les réseaux sociaux, comme veut le prétendre Nicole Belloubet, mais dans un système qui ne fait que stigmatiser et précariser les jeunes racisés issus des classes populaires.


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